Intervention de Christine Lazerges

Réunion du 3 avril 2013 à 14h00
Délégation de l'assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Christine Lazerges, professeure de droit privé et de sciences criminelles à l'université Paris I Panthéon-Sorbonne, présidente de la Commission nationale consultative des droits de l'Homme, CNCDH :

Selon la CNCDH, le projet de loi se contente de transposer a minima les directives européennes en matière de justice.

Je suis d'autant plus attachée à l'incrimination de traite, que la définition actuelle résulte d'une proposition de loi que j'avais déposée en janvier 2002 à la suite d'un rapport sur les différentes formes de l'esclavage en France. Cette proposition de loi n'est pas allée à son terme en raison de l'alternance, mais la définition de la traite qu'elle posait a été ensuite reprise par la loi pour la sécurité intérieure du 18 mars 2003. Je considère aujourd'hui que la définition contenue dans cette proposition de loi était insuffisante au regard du nombre ridiculement bas des poursuites pour traite – seize en quelques années. En effet, outre la difficulté à rapporter les éléments constitutifs de l'incrimination, les autorités de justice et de police recourent davantage à la qualification de proxénétisme, que le droit français permet très facilement de prouver, contrairement à la traite.

Aussi, l'article 1er du projet de loi de transposition me paraît-il devoir être revu sur les éléments constitutifs de l'infraction de traite : il faudrait ajouter aux moyens prévus qualifiant la traite la mention « ou de tout autre moyen » – laquelle figure dans de très nombreuses dispositions du code pénal.

Dans la loi actuelle (article 225-4-1 du code pénal), l' « échange d'une rémunération ou de tout autre avantage ou d'une promesse de rémunération ou d'avantage » est un élément constitutif de l'infraction, ce qui n'est pas le cas de la directive qui n'en fait qu'un moyen parmi d'autres. La CNCDH pense donc judicieux que le projet de loi mette sur le même plan des faits d'une gravité différente : le profit et la contrainte, même si ces faits présentent un degré différent de gravité. En effet, les personnes impliquées, venues aider quelques mafieux, mais n'en tirant aucun profit, doivent elles aussi être sanctionnées.

Ainsi, au regard du principe de la légalité des délits et des peines, la CNCDH recommande une définition de la traite suffisamment précise, de telle sorte qu'elle ne soit pas sanctionnée par le Conseil constitutionnel et qu'elle permette de réprimer l'ensemble des comportements visés par le droit international.

Néanmoins, à elle seule, la bonne définition de la traite ne sera pas suffisante pour lutter contre la traite. Il faut aussi former les policiers et les gendarmes, ainsi que les magistrats en formation initiale et continue pour que cette infraction fasse partie de leur arsenal répressif. En effet, dans un pays qui compte autant de victimes de la traite, cette infraction n'a fait l'objet que de seize poursuites en dix ans.

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