La Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes a procédé à l'audition de de Mme Christine Lazerges, professeure de droit privé et de sciences criminelles à l'université Paris I Panthéon-Sorbonne, présidente de la Commission nationale consultative des droits de l'Homme (CNCDH), et de Mme Fanny Benedetti, chargée de mission.
L'audition commence à quatorze heures.
Le 18 avril prochain, l'Assemblée examinera en séance publique un projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation dans le domaine de la justice du droit de l'Union européenne et des engagements internationaux de la France. Le chapitre I de ce texte transpose en droit interne la directive du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2011 concernant la prévention de la traite des êtres humains et la lutte contre ce phénomène ainsi que la protection des victimes. Le chapitre XI adapte la législation française à la Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique, signée à Istanbul le 11 mai 2011.
Par ailleurs, la Délégation travaille actuellement à l'élaboration d'une proposition de loi sur la prostitution, qui comportera un volet sur la traite.
Madame Lazerges, la Convention d'Istanbul comporte un article sur les « mutilations génitales féminines », ainsi qu'un article sur les « conséquences civiles des mariages forcés ». Nous aimerions vous entendre sur ces deux points. Une avocate spécialisée dans la lutte contre l'excision estime d'ailleurs préférable de parler de « mutilations sexuelles féminines ».
En la matière, je précise que le droit français n'autoriserait pas l'introduction des dispositions sexuées car, comme nous l'a fait remarquer la rapporteure du texte, Mme Marietta Karamanli, elles s'apparenteraient alors à une discrimination et seraient, à ce titre, sanctionnées par le Conseil constitutionnel. Il existe en effet, en particulier outre-Atlantique, des mutilations sexuelles pratiquées sur les jeunes garçons, comme la castration. Des dispositions non sexuées permettront-elles des poursuites ?
Pour la CNCDH, il va de soi que la ratification de la Convention d'Istanbul contraint la France à modifier deux articles du code pénal et à créer deux nouvelles incriminations.
La première incrimination serait le fait de tromper un adulte ou un enfant dans le but de le contraindre à quitter le territoire national pour contracter un mariage. L'article nouveau n'aura pas besoin d'être sexué.
La seconde incrimination serait le fait d'inciter ou de contraindre une fille à subir une mutilation sexuelle. Le Convention d'Istanbul parle de « mutilations génitales féminines ». L'article 16 du projet de loi utilise les termes « un mineur », mais la CNCDH préconise d'écrire « une mineure », faute de quoi nous craignons que ne soit immédiatement soulevée de manière publique la question de la circoncision.
Il semble que ce risque n'existe pas car une jurisprudence de la Cour de cassation a exclu la circoncision des mutilations.
Selon moi, une jurisprudence n'est pas une assurance et n'exclut pas de préciser les choses dans la loi. Certes, des mutilations sexuelles sont pratiquées sur de jeunes garçons. Néanmoins, si vous n'écrivez pas le mot « mineur » au féminin dans votre texte, nous n'éviterons pas un débat sur la circoncision, d'autant que la Cour constitutionnelle allemande considère cette pratique comme une forme de mutilation.
L'article 38 de la Convention d'Istanbul est très détaillé sur les « mutilations génitales féminines », mais selon Mme Marietta Karamanli, la rapporteure de la commission des Lois, une disposition non sexuée dans le projet de loi serait tout aussi protectrice.
Ensuite, l'article 16 du projet de loi sanctionne « le fait de faire à un mineur des offres ou des promesses ou de lui proposer des dons, présents ou avantages quelconques, ou d'user contre lui de pressions ou de contraintes de toute nature, afin qu'il se soumette à une mutilation sexuelle est puni ». La CNCDH souhaiterait que soit supprimée cette obligation de « dons, présents ou avantages » avant la mutilation. En effet, il est des cas où les jeunes filles sont consentantes à la mutilation sexuelle par respect pour leur origine, leur culture. J'attire donc votre attention sur le fait que les poursuites doivent concerner, non pas uniquement l'auteur de la mutilation, mais également les parents qui accompagneraient une jeune fille consentante.
Pour Mme Linda Weil-Curiel, avocate qui a plaidé maintes fois contre les auteurs ou les complices de l'excision, il n'y a jamais de dons, présents ou avantages, et les filles qui sont emmenées au pays par les familles, sous prétexte d'y passer des vacances, ne sont pas prévenues de ce qui va s'y passer. Elle a notamment défendu deux adolescentes de quinze et treize ans et une petite fille de quatre ans qui, croyant rendre visite à leur famille au pays, ont été excisées dès leur arrivée et, pour la plus âgée d'entre elle, mariée de force.
Vous nous dites que des jeunes filles sont consentantes de par leur origine. Que se passe-t-il si un médecin fait un signalement après avoir découvert qu'une jeune fille consentante, venue accoucher en France après un mariage forcé, a été excisée ?
Le consentement de la victime n'est en rien une cause d'irresponsabilité. Le souci de la CNCDH est de voir poursuivre non seulement la personne qui a procédé à l'excision, mais aussi les parents qui ont conduit leur enfant à l'étranger – ce qui est possible grâce à l'incrimination de l'acte de complicité.
En effet, l'incrimination de complicité figure déjà dans le code pénal. Une preuve matérielle peut être, par exemple, le billet d'avion acheté pour se rendre au pays, comme l'indique Maître Weil-Curiel.
J'ai eu la chance de participer à la négociation de la Convention. À l'heure actuelle, les excisions sont essentiellement pratiquées à l'étranger, c'est pourquoi on peut trouver des preuves matérielles comme l'achat de billets d'avion.
Par ailleurs, les cas récents montrent que, le plus souvent, les enfants défendent très fortement leurs parents car ils sont pris dans un conflit de loyauté. Aussi cette disposition sur les « dons, présents ou avantages » est-elle totalement artificielle : elle a été créée par la France pour donner des exemples, qui ne sont en réalité pas les bons.
La commission des Lois souhaite que soient poursuivis ceux qui pratiquent l'excision, ceux qui accompagnent les jeunes filles, mais aussi les personnes qui incitent à l'excision.
La suppression de la référence à l'incitation par des « dons, présents ou avantages » du dispositif du projet de loi n'empêchera pas de poursuivre ceux qui incitent. Au surplus, l'incitation peut être incriminée par le biais de la complicité.
La CNCDH souhaite donc que le projet de loi conserve l'incrimination de l'incitation, mais sans préciser les modes d'incitation.
Oui, le législateur pourra cependant préciser la disposition en question grâce aux termes « par tout moyen ».
Selon la CNCDH, le projet de loi se contente de transposer a minima les directives européennes en matière de justice.
Je suis d'autant plus attachée à l'incrimination de traite, que la définition actuelle résulte d'une proposition de loi que j'avais déposée en janvier 2002 à la suite d'un rapport sur les différentes formes de l'esclavage en France. Cette proposition de loi n'est pas allée à son terme en raison de l'alternance, mais la définition de la traite qu'elle posait a été ensuite reprise par la loi pour la sécurité intérieure du 18 mars 2003. Je considère aujourd'hui que la définition contenue dans cette proposition de loi était insuffisante au regard du nombre ridiculement bas des poursuites pour traite – seize en quelques années. En effet, outre la difficulté à rapporter les éléments constitutifs de l'incrimination, les autorités de justice et de police recourent davantage à la qualification de proxénétisme, que le droit français permet très facilement de prouver, contrairement à la traite.
Aussi, l'article 1er du projet de loi de transposition me paraît-il devoir être revu sur les éléments constitutifs de l'infraction de traite : il faudrait ajouter aux moyens prévus qualifiant la traite la mention « ou de tout autre moyen » – laquelle figure dans de très nombreuses dispositions du code pénal.
Dans la loi actuelle (article 225-4-1 du code pénal), l' « échange d'une rémunération ou de tout autre avantage ou d'une promesse de rémunération ou d'avantage » est un élément constitutif de l'infraction, ce qui n'est pas le cas de la directive qui n'en fait qu'un moyen parmi d'autres. La CNCDH pense donc judicieux que le projet de loi mette sur le même plan des faits d'une gravité différente : le profit et la contrainte, même si ces faits présentent un degré différent de gravité. En effet, les personnes impliquées, venues aider quelques mafieux, mais n'en tirant aucun profit, doivent elles aussi être sanctionnées.
Ainsi, au regard du principe de la légalité des délits et des peines, la CNCDH recommande une définition de la traite suffisamment précise, de telle sorte qu'elle ne soit pas sanctionnée par le Conseil constitutionnel et qu'elle permette de réprimer l'ensemble des comportements visés par le droit international.
Néanmoins, à elle seule, la bonne définition de la traite ne sera pas suffisante pour lutter contre la traite. Il faut aussi former les policiers et les gendarmes, ainsi que les magistrats en formation initiale et continue pour que cette infraction fasse partie de leur arsenal répressif. En effet, dans un pays qui compte autant de victimes de la traite, cette infraction n'a fait l'objet que de seize poursuites en dix ans.
Comme l'indique la note que vous nous avez remise, la Cour européenne des droits de l'homme a d'ailleurs condamné la France à deux reprises en raison de l'absence de base législative permettant de lutter efficacement contre l'esclavage, la servitude et le travail forcé.
Concernant les faits d'exploitation, l'article 1er du projet de loi insère les mots « d'obtention de l'un de ses organes ». Cette expression est inappropriée : il convient de lui préférer les termes de « prélèvement illicite d'organe ».
Ensuite, il manque, à la liste des faits d'exploitation, les pratiques analogues à l'esclavage ainsi que la servitude. La France a été condamnée pour violation des obligations positives qui lui incombent en vertu de l'article 4 de la Convention européenne des droits de l'Homme. Autrement dit, elle ne dispose pas d'un texte permettant de réprimer l'esclavage domestique et l'esclavage économique. Certes, les deux condamnations ont été prononcées sur la base des dispositions législatives telles qu'elles existaient antérieurement à la loi du 18 mars 2003. Néanmoins, la CNCDH estime que la portée des modifications apportées par cette loi est minime, les articles 225-13 et 225-14 du code pénal sur l'exploitation économique et domestique ne répondant toujours pas aux exigences européennes. Aussi le projet de loi devrait-il réviser les articles 225-13 et 225-14 ou, mieux, créer une incrimination particulière de travail forcé.
Si la France a vraiment la volonté de répondre à ses obligations au titre de l'article 4 de la Convention européenne, l'incrimination devrait être plus directe, c'est-à-dire concerner le travail forcé, mais aussi l'esclavage domestique et l'esclavage économique. Le Comité contre l'esclavage moderne (CCEM) continue d'ailleurs d'affirmer que la rédaction actuelle des deux articles du code pénal est insuffisante pour couvrir toutes les formes de travail forcé.
Le projet de loi portant transposition de la directive de 2011 devrait être l'occasion d'exécuter pleinement les arrêts de la Cour européenne en introduisant dans le code pénal les infractions de travail ou de services forcés, de servitude, d'esclavage et de pratiques analogues à l'esclavage.
Par ailleurs, la CNCDH recommande l'extension de la compétence extraterritoriale des tribunaux français. En matière criminelle, lorsqu'un Français commet un crime au regard du droit français dans un pays où ces faits ne sont pas incriminés, il peut être poursuivi et condamné en France. En matière délictuelle, il faudrait un parallélisme des incriminations pour que des faits commis par un Français à l'étranger, où ils ne sont pas incriminés, puissent donner lieu à des poursuites en France. En la matière, le tourisme sexuel constitue une exception : un Français qui a exploité des enfants en Thaïlande peut être poursuivi et condamné une fois revenu en France. La CNCDH approuve la rédaction de l'alinéa 3 de l'article 2 de la directive, ainsi que celle de l'article 1er du projet de loi, mais vous demande d'introduire dans ce dernier d'autres exceptions : le travail forcé, l'esclavage domestique et l'esclavage économique. En outre, la CNCDH souhaite que soit introduite en la matière la notion de résidence habituelle en France.
Le projet de loi de transposition permet-il d'incriminer les mariages forcés pratiqués à l'étranger ?
Mme Najat Vallaud-Belkacem nous a saisis sur ce sujet. Selon nous, il mérite un aménagement des règles de droit international privé. Nous avons expliqué à la ministre des Droits des femmes que le statut personnel s'applique et que seule l'atteinte à l'ordre public français permet à la France de ne pas reconnaître un mariage forcé intervenu à l'étranger. Ces affaires relèvent donc de l'appréciation des juridictions. Les mariages forcés ne font d'ailleurs pas l'objet d'un article spécifique dans la directive.
Une mairie peut-elle refuser de reconnaître un mariage forcé une fois les deux époux revenus en France ? Une Française mariée à l'étranger de force est-elle considérée comme mariée lorsqu'elle est revenue en France ?
Une mairie n'a aucun moyen de prouver que le mariage a été forcé. Par contre, si la femme veut divorcer en France, elle pourra, par le biais d'une procédure judiciaire, faire valoir qu'elle a été mariée de force. Néanmoins, il est extrêmement compliqué d'obtenir l'annulation de ces mariages. La validité du mariage contracté de force dépend des accords internationaux ou bilatéraux, comme nous en avons avec le Maroc et l'Algérie.
Plusieurs points figurant dans la directive sont absents du projet de loi. En effet, ce dernier traite ceux qui exigent un texte législatif, mais élude tout ce qui ressort d'une politique publique à l'égard des victimes de la traite.
En fait, la transposition de la directive sur la traite et l'aide aux victimes est réalisée à minima car, comme nous l'a expliqué Marietta Karamanli, ces points devraient être traités dans une proposition de loi sur la prostitution qui abordera plus globalement tous ces problèmes.
Je trouve dommage que le législateur transpose a minima une telle directive, d'autant que personne ne sait ce qu'il adviendra du texte de loi en question.
Je pense que nous pourrons nous appuyer sur la directive pour élaborer notre proposition de loi relative à la prostitution.
Selon moi, il serait cohérent d'aller plus loin dans la transposition de la directive. Pourquoi attendre ?
Selon la CNCDH, il faut mettre un terme aux poursuites contre les victimes de la traite. En effet, en disposant que « n'est pas pénalement responsable la personne qui a agi sous l'empire d'une force ou d'une contrainte à laquelle elle n'a pu résister », l'article 122-2 du code pénal exonère de responsabilité pénale une victime qui a été contrainte de se prostituer ou d'être une esclave domestique. De plus, l'article 8 de la directive préconise de « ne pas poursuivre les victimes de la traite …et de ne pas leur infliger de sanctions pour avoir pris part à des activités criminelles auxquelles elles ont été contraintes ». Aussi, la transposition effective de la directive appelle-t-elle une rédaction plus exigeante et plus fidèle de cette disposition. Elle rend nécessaire d'abroger l'incrimination de racolage passif et de racolage actif figurant dans le code pénal. En effet, si les poursuites pour traite sont rarissimes, les poursuites pour racolage passif ou actif sont rares mais touchent des personnes qui sont des victimes. La CNCDH demande donc, que la preuve de la contrainte ait été rapportée ou non, la suppression de l'infraction pénale à charge de la victime qui touche actuellement les seules victimes de la traite, y compris en cas de vente à la sauvette.
Nous n'allons probablement pas le faire dans le présent projet de loi, car le Parlement n'a pas achevé sa réflexion sur le sujet. Nous ne souhaitons pas pour l'instant abroger l'incrimination de racolage passif, comme le propose la proposition de loi de la sénatrice Esther Benbassa, car nous voulons traiter ce sujet dans une loi globale.
S'agissant de la prescription de l'action publique, la directive (article 9, alinéa 2) exige « une période suffisamment longue après que la victime a atteint l'âge de la majorité » pour que les infractions de traite puissent donner lieu à des poursuites. Or la traite n'est pas la seule modalité d'exploitation, il y a aussi le travail forcé par exemple. La CNCDH recommande donc d'étendre à l'ensemble des faits d'exploitation le bénéfice du report du point de départ du délai de prescription à la majorité de la victime, mineure au moment des faits.
En outre, la directive (article 11, alinéa 3) interdit de subordonner « une assistance et une aide à une victime à sa volonté de coopérer dans le cadre de l'enquête, des poursuites ou du procès pénaux. » Or en vertu de l'article L. 316-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), « sauf si sa présence constitue une menace à l'ordre public, une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" peut être délivrée à l'étranger qui dépose plainte contre une personne qu'il accuse d'avoir commis à son encontre les infractions visées aux articles 225-4-1 à 225-4-6 et 225-5 à 225-10 du code pénal ou témoigne dans une procédure pénale concernant une personne poursuivie pour ces mêmes infractions. Cette carte de séjour temporaire ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle. En cas de condamnation définitive de la personne mise en cause, une carte de résident peut être délivrée à l'étranger ayant déposé plainte ou témoigné. »
Dans la proposition de loi que nous avions déposée en janvier 2002, et qui avait été adoptée par l'ensemble des députés socialistes et quelques membres de l'opposition, le verbe « devoir » était utilisé pour les victimes qui témoignaient ou déposaient plainte. Néanmoins, à la demande du ministre de l'Intérieur Nicolas Sarkozy en 2003, le verbe « pouvoir » lui a été substitué. Ainsi, l'obtention d'un titre de séjour renouvelable est subordonnée à la décision de l'autorité compétente (préfectorale) et conditionnée par le dépôt d'une plainte ou un témoignage dans le cadre d'une procédure pénale. La CNCDH suggère donc de revenir à la rédaction antérieure. Faute de modification du CESEDA, la réinsertion des victimes de la traite ne se fera pas. Or si les victimes de la traite restent en situation irrégulière, pratiquement aucun des dispositifs français ne leur sera applicable, ne serait-ce que la demande d'indemnisation devant les commissions d'indemnisation des victimes d'infraction (CIVI). De plus, le dispositif national d'accueil des victimes de la traite des êtres humains et du proxénétisme (mentionné à l'article R.316-8 du code pénal), qui accueille également les victimes en situation irrégulière, ne comprend qu'une quarantaine de places, ce qui est largement insuffisant. Enfin, il faut savoir que la France n'a délivré que 58 cartes de séjour aux victimes de la traite en 2009. Cette faculté n'est donc que peu utilisée.
L'article L.316-1 du CESEDA et les dispositions réglementaires correspondantes doivent donc être révisés pour donner toute sa portée à la directive.
Toute la difficulté est d'introduire des dispositions qui permettent à la fois de protéger les victimes et de poursuivre les proxénètes.
Ce débat témoigne de la complexité de l'exercice de transposition : il faut trouver une rédaction sûre qui permette de limiter au maximum toutes les formes d'exploitation.
Ne serait-il pas possible de prévoir que les femmes victimes de traite ou d'exploitation doivent faire appel à une association d'aide aux victimes pour toutes leurs démarches administratives ?
En conclusion, la transposition ne va pas assez loin.
Actuellement, l'accès aux commissions d'indemnisation des victimes d'infractions (CIVI) est ouvert aux seules victimes en situation régulière, excepté quand il s'agit des faits énumérés à l'article 706-3 du code de procédure pénale. La CNCDH pense nécessaire d'élargir l'accès aux CIVI à des victimes en situation irrégulière. Cela permettrait à ces dernières de pouvoir s'en sortir, mais aussi de fournir des informations sur leur situation. Exclure les victimes en situation irrégulière revient à exclure les victimes de la traite. En outre, il convient d'étendre le champ de compétence des CIVI à toutes les formes d'exploitation.
Enfin, la CNCDH demande que les personnes en situation irrégulière puissent bénéficier de l'aide juridictionnelle afin d'être en mesure d'intenter une action devant les prud'hommes ou les juridictions pénales.
À cet égard, les associations devraient pouvoir se constituer partie civile devant les juridictions.
Il faudrait interroger l'Institut national d'aide aux victimes et de médiation (INAVEM), qui regroupe 150 associations d'aide aux victimes sur l'ensemble du territoire, pour connaître celles qui interviennent auprès des victimes de la traite.
Merci beaucoup, Madame, pour cette analyse juridique des textes internationaux et pour nous avoir apporté la position de la commission consultative que vous présidez.
L'audition se termine à quinze heures dix.