Intervention de Christine Lazerges

Réunion du 3 avril 2013 à 14h00
Délégation de l'assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Christine Lazerges, professeure de droit privé et de sciences criminelles à l'université Paris I Panthéon-Sorbonne, présidente de la Commission nationale consultative des droits de l'Homme, CNCDH :

Concernant les faits d'exploitation, l'article 1er du projet de loi insère les mots « d'obtention de l'un de ses organes ». Cette expression est inappropriée : il convient de lui préférer les termes de « prélèvement illicite d'organe ».

Ensuite, il manque, à la liste des faits d'exploitation, les pratiques analogues à l'esclavage ainsi que la servitude. La France a été condamnée pour violation des obligations positives qui lui incombent en vertu de l'article 4 de la Convention européenne des droits de l'Homme. Autrement dit, elle ne dispose pas d'un texte permettant de réprimer l'esclavage domestique et l'esclavage économique. Certes, les deux condamnations ont été prononcées sur la base des dispositions législatives telles qu'elles existaient antérieurement à la loi du 18 mars 2003. Néanmoins, la CNCDH estime que la portée des modifications apportées par cette loi est minime, les articles 225-13 et 225-14 du code pénal sur l'exploitation économique et domestique ne répondant toujours pas aux exigences européennes. Aussi le projet de loi devrait-il réviser les articles 225-13 et 225-14 ou, mieux, créer une incrimination particulière de travail forcé.

Si la France a vraiment la volonté de répondre à ses obligations au titre de l'article 4 de la Convention européenne, l'incrimination devrait être plus directe, c'est-à-dire concerner le travail forcé, mais aussi l'esclavage domestique et l'esclavage économique. Le Comité contre l'esclavage moderne (CCEM) continue d'ailleurs d'affirmer que la rédaction actuelle des deux articles du code pénal est insuffisante pour couvrir toutes les formes de travail forcé.

Le projet de loi portant transposition de la directive de 2011 devrait être l'occasion d'exécuter pleinement les arrêts de la Cour européenne en introduisant dans le code pénal les infractions de travail ou de services forcés, de servitude, d'esclavage et de pratiques analogues à l'esclavage.

Par ailleurs, la CNCDH recommande l'extension de la compétence extraterritoriale des tribunaux français. En matière criminelle, lorsqu'un Français commet un crime au regard du droit français dans un pays où ces faits ne sont pas incriminés, il peut être poursuivi et condamné en France. En matière délictuelle, il faudrait un parallélisme des incriminations pour que des faits commis par un Français à l'étranger, où ils ne sont pas incriminés, puissent donner lieu à des poursuites en France. En la matière, le tourisme sexuel constitue une exception : un Français qui a exploité des enfants en Thaïlande peut être poursuivi et condamné une fois revenu en France. La CNCDH approuve la rédaction de l'alinéa 3 de l'article 2 de la directive, ainsi que celle de l'article 1er du projet de loi, mais vous demande d'introduire dans ce dernier d'autres exceptions : le travail forcé, l'esclavage domestique et l'esclavage économique. En outre, la CNCDH souhaite que soit introduite en la matière la notion de résidence habituelle en France.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion