Intervention de Hélène Conway-Mouret

Réunion du 10 avril 2013 à 17h00
Commission des affaires étrangères

Hélène Conway-Mouret, Ministre déléguée auprès du ministre des Affaires étrangères, chargée des Français de l'étranger :

Je suis très heureuse de l'occasion qui m'est donnée de vous présenter les réformes que j'ai engagées depuis le mois de juillet dernier ainsi que les différentes actions de mon ministère.

Mon ministère est tout nouveau. Il a remplacé un secrétariat d'État qui ne disposait ni d'un cabinet ni d'attributions précises et qui surtout n'avait pas voix au Conseil des ministres. La création de ce ministère a démontré la volonté du Président de la République de donner la parole à la communauté française expatriée que vous avez raison de présenter, madame la présidente, comme un relais et un atout important non seulement pour notre diplomatie d'influence et de rayonnement mais également pour la diplomatie économique souhaitée par Laurent Fabius.

Parmi les quelques chantiers que j'ai engagés dès mon arrivée au ministère, le premier est naturellement la suppression de la PEC – la prise en charge des frais de scolarité des enfants français scolarisés dans un établissement français à l'étranger. Celle-ci était nécessaire car nous nous trouvions dans une impasse budgétaire – il manquait en effet 10 millions d'euros pour terminer l'exercice budgétaire de cette année. Nous avons donc supprimé cette mesure et redistribué l'ensemble des crédits sur l'enveloppe des bourses, ce que certains ont contesté. Ce que nous souhaitions, c'est apporter de la visibilité au prochain triennium. Dans un contexte de fortes contraintes budgétaires et de réduction des lignes budgétaires, la ligne dédiée à l'éducation n'a pas été affectée puisque l'enveloppe des bourses passe de 93 à 110 millions cette année et s'élèvera à 118 millions en 2014 et à 125,5 millions en 2015. Cette progression importante permettra de répondre à la demande très forte – en augmentation de 4 % – des familles qui souhaitent scolariser leurs enfants dans notre réseau scolaire.

L'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) est un outil essentiel pour notre diplomatie de rayonnement. Car notre mission ne se limite pas à scolariser les enfants français mais également à accueillir les enfants étrangers. Aujourd'hui, sur les 310 000 élèves scolarisés dans nos 485 écoles, collèges et lycées, implantés dans 130 pays, 100 000 sont français et 200 000 sont des étrangers.

Avec ses 13 000 bacheliers en 2012 et un taux de réussite au baccalauréat de 95 %, dont 15 % de mentions « Très bien », notre réseau, qui emploie 6 500 personnels titulaires, est devenu très attractif.

La subvention attribuée à l'AEFE s'élève à 480 millions d'euros cette année et l'enveloppe des bourses, je le répète, à 110 millions d'euros. Mais nous devons tenir compte du plafond d'emplois et du besoin constant de construire et d'agrandir nos établissements, en plus de la nécessité de multiplier et de diversifier notre offre d'enseignement français.

Les Français de l'étranger forment une population jeune, mobile, bien éduquée, à la recherche d'un enseignement de qualité pour ses enfants – auquel répondent parfaitement l'AEFE et la Mission laïque française (MLF) – mais il existe une autre population française, sédentaire et binationale, dont les demandes et les besoins sont différents. Nous devons effectuer une projection sur les cinq ou dix ans à venir et moduler notre offre pour répondre à cette demande en perpétuelle augmentation. C'est pourquoi j'ai créé un comité de pilotage et mis en place trois groupes de travail qui regrouperont les acteurs du monde éducatif, de l'éducation nationale, mais également du monde des entreprises. Depuis quelques mois, dans le cadre de la mise en place de notre diplomatie économique, je rencontre un grand nombre de chefs d'entreprise et de grands patrons de groupes installés à l'étranger. Tous me l'ont dit, la présence d'un établissement scolaire est un point d'ancrage important pour les Français qui s'expatrient.

Les membres du comité de pilotage me feront en juin prochain des propositions qui m'aideront à répondre à cette demande. Je leur ai demandé de faire preuve de la plus grande ouverture d'esprit et d'envisager tous les outils qui pourraient être mis en place, au-delà de ceux qui existent et que nous devons pérenniser. C'est dans cet esprit que nous devons diversifier notre offre.

Le projet de loi relatif à la représentation des Français de l'étranger sera examiné par l'Assemblée nationale mardi prochain. J'espère que cette réforme passionnante intéressera un grand nombre de députés, et pas uniquement ceux qui représentent les Français établis à l'étranger.

Depuis 1982, par deux fois, le Conseil supérieur des Français de l'étranger (CSFE) devenu par la suite l'AFE ont été réformés de l'intérieur. Quelques ajustements ont été apportés, mais l'assemblée fonctionne toujours selon le schéma créé en 1952 : elle est composée de 155 conseillers, qui ne représentent plus aujourd'hui 460 000 mais 1,611 million d'inscrits, et ceux-ci ne sont plus basés géographiquement comme ils l'étaient à l'époque. Depuis 2012, les Français de l'étranger sont représentés par 11 députés qui disposent d'un ancrage territorial et d'une circonscription, contrairement aux sénateurs qui ont pour circonscription la planète entière. Il était absolument nécessaire de donner à nos compatriotes une représentation claire qui ne s'appuie pas sur l'Agence telle qu'elle existe aujourd'hui. Si nous avions fait cela, nous aurions créé un nouveau millefeuille. Nous avons préféré regarder ce qui fonctionne et, prenant en compte l'excellent travail réalisé par les conseillers, nous avons créé une nouvelle instance. Celle-ci ne comprendra plus 155 conseillers mais 444, qui représenteront non pas des circonscriptions découpées artificiellement mais des circonscriptions consulaires regroupant les grandes concentrations de ressortissants français.

Certes, le texte est ressorti du Sénat profondément modifié, mais d'autres modifications ont depuis été apportées par la Commission des lois de l'Assemblée nationale. Le débat en séance publique apportera une touche finale à ce projet de loi porteur de simplification et de clarté pour nos ressortissants, qui seront désormais représentés par des « élus locaux » issus de leur communauté, des députés, qui porteront leurs problématiques au niveau national, et des sénateurs. Tel est mon deuxième chantier.

Le troisième chantier a trait à la modernisation de notre service public consulaire. Nous sommes fiers de posséder le deuxième réseau consulaire au monde, mais nous nous heurtons à un effet ciseaux très difficile à gérer. L'obligation de réaliser des économies – ce que fait notre ministère depuis une quinzaine d'années – entraîne des réductions de postes, alors même que nous devons faire face à l'augmentation croissante des ressortissants français mais également des étrangers qui désirent obtenir un visa pour venir en France. À cette évolution ajoute un phénomène typiquement français, le fait de se tourner vers l'État en cas de problème. Chaque année, 13 millions de touristes français parcourent le monde. S'ils rencontrent des difficultés, c'est au consulat qu'ils demandent de les aider.

Nous devons donc répondre à l'exigence d'un service public de qualité avec des ressources humaines de plus en plus limitées. Le service consulaire français est celui qui rend le plus grand nombre de services au public. Je suis pour ma part persuadée que les agents consulaires amélioreront la qualité du service rendu dès lors que nous leur donnerons les moyens de travailler dans de meilleures conditions. C'est pourquoi nous devons simplifier leur tâche et repenser leurs missions. Certaines de leurs tâches pourraient être revues, par exemple la fonction notariale car il est anormal que les agents consulaires soient responsables devant la loi alors même qu'ils ne sont pas notaires. J'ai donc chargé M. Daniel Lequertier, ambassadeur de France, d'une mission d'évaluation de notre réseau consulaire. Deux autres missions ont été conduites, l'une par M. Barry Delongchamps sur les visas et l'autre, au sein de la DFAE (Direction des Français à l'étranger et de l'administration consulaire) relative à la simplification des tâches et à l'utilisation maximale de l'informatique et de la télé-administration.

Ne perdons pas de vue qu'un service public de qualité exige un contact humain. Il ne suffit pas de supprimer des tâches mais de libérer du temps pour que les personnels se consacrent aux tâches essentielles.

Le quatrième de mes chantiers concerne la sécurité de nos ressortissants. J'ai réuni en août dernier les ambassadeurs sur ce thème et notre rencontre fut très intéressante. J'ai pu observer que chacun d'eux avait eu à gérer une crise mais que leurs expériences n'avaient jamais été mises en commun. N'ayant pu entendre que cinq ambassadeurs sur les 80 présents dans la salle, nous leur avons adressé un questionnaire auquel ils ont répondu de façon très détaillée. Ces documents nous ont permis d'établir une synthèse à partir de laquelle nous avons défini une liste d'actions à mettre en place afin d'améliorer la sécurité des postes. J'ai également consulté un certain nombre d'entreprises qui ont mis en place des protocoles de sécurité affinés. Forte de tous ces éléments, j'ai pu délivrer à M. Didier Le Bret, nommé en janvier directeur du centre de crise, une feuille de route détaillée.

Je tiens à associer les parlementaires à ma démarche et à ce titre j'ai organisé une réunion au cours de laquelle nous ferons le point sur la sécurité des ressortissants français à l'étranger. Une nouvelle réunion se tiendra à la fin de ce mois au centre de crise. Les parlementaires seront ainsi parfaitement informés des dispositions que nous prenons et de l'évolution de quelques situations préoccupantes.

Notre ministère travaille beaucoup à l'échelle interministérielle. La délivrance de visas ou la mise en place du passeport « grand voyageur » relèvent du ministère de l'intérieur, et tout ce qui touche à la santé dépend du ministère des affaires sociales. Notre ministère traite de nombreux dossiers transversaux comme la scolarité des enfants, la sécurité, la santé.

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