Intervention de Jean-Marie Cipolat-Gotet

Réunion du 27 mars 2013 à 17h00
Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Jean-Marie Cipolat-Gotet :

Je vais m'inscrire largement dans les propos de mon collègue. En préliminaire, je voudrais revenir sur la question des méthodes de programmation actuelles de l'État qui sont basées naturellement sur la notion de tension du marché. C'est une aberration de programmer la construction de l'habitat social en fonction des critères instantanés qui sont ceux du marché. En effet, le logement social s'amortit sur 35 ans minimum, voire plus. Il faudrait donc programmer la construction en fonction de critères structurels tels que les revenus des ménages, leur structure ou l'évolution de l'emploi. À partir de ceux-ci, on peut établir des méthodes de programmation très souples et efficaces à l'échelle nationale ou régionale.

La tension du marché n'est pas un bon critère dans la mesure où la situation à un moment donné sur le marché prend en compte l'effet des politiques publiques ou leur « non-effet ». Ainsi certains marchés peuvent être tendus parce que les acteurs publics du logement n'y ont pas correctement fait leur travail. A contrario, dans d'autres secteurs le marché apparaîtra relativement peu tendu, alors que ce sont des secteurs très attractifs mais où les niveaux de prix restent maîtrisés, car ils sont alimentés régulièrement par l'ensemble des acteurs.

Ce point me paraît fondamental : on ne peut pas programmer le logement locatif social sur des critères instantanés qui sont liés au marché.

Autre sujet de préoccupation : les orientations de l'État qui mettent fortement l'accent sur la concentration du logement social au sein des principaux pôles urbains en délaissant une grande partie du monde rural. C'est aussi un enjeu d'aménagement du territoire. Le maillon faible sur le territoire national concerne les gros bourgs, les chefs-lieux de cantons (agglomérations de 2 000 à 3 000 habitants) qui ont aujourd'hui un parc de logements inadapté au vieillissement de la population et aux besoins des jeunes ménages qui souhaitent plutôt des logements individuels sur des parcelles d'une certaine taille. Dans ces bourgs ruraux, on trouve plutôt des petits immeubles de logements collectifs ou des maisons de ville extrêmement denses sur plusieurs étages. La vacance y augmente et ce n'est pas le secteur privé qui prendra l'initiative de redynamiser ce type de tissu urbain. Il est nécessaire que le secteur social y joue un rôle, en s'appuyant sur les autres outils, notamment en matière foncière, compte tenu de l'enjeu financier relativement lourd (restructuration de ces petites villes) que cela représente.

Les bailleurs sociaux ont les capacités techniques de travailler dans ce type de tissu mais il faut les accompagner. Il convient notamment de favoriser la procédure d'acquisition-amélioration qui permet de réutiliser du bâti ancien pour faire du logement social. C'est un outil de transformation du logement, mais aussi, éventuellement, un outil d'aménagement du territoire. La procédure d'acquisition-amélioration souffre toutefois de modalités de financement relativement pénalisantes. Ce sont généralement des opérations de petite taille, peu rentables. La subvention est insuffisante pour équilibrer ces opérations.

C'est également un outil intéressant pour densifier l'habitat dans l'agglomération parisienne, notamment dans les banlieues, via l'acquisition-amélioration de pavillons suivie d'une extension. L'enjeu politique peut être important, notamment si l'on ne veut pas heurter les populations qui vivent dans les milieux pavillonnaires d'Île-de-France.

Une problématique nouvelle apparaît en région parisienne aujourd'hui : la division de maisons individuelles en appartements qui produit généralement du « mal logement ». Il s'agit d'un phénomène massif – et dangereux à long terme – notamment dans la petite couronne. Il faudra certainement revoir la réglementation relative aux permis de construire et y introduire la transformation de maisons existantes en appartements pour garantir que ces transformations débouchent sur des logements décents.

La politique de zonage des produits défiscalisés (type Scellier, Duflot…) paraît trop simpliste. Il est évident que la demande pour ces produits est concentrée dans les grandes villes, car elle concerne une clientèle jeune et mobile, et sur les marchés assez dynamiques en termes d'emplois. Pour autant, faut-il l'interdire sur une grande partie du territoire national ? Il serait préférable d'aller vers une régulation des quantités sur l'ensemble du territoire plutôt que d'avoir des territoires « noirs » et d'autres « blancs », ce qui condamne un certain nombre de villes à ne pas construire de produits défiscalisés et donc à ne pas renouveler leur parc de logements pendant dix ou quinze ans. Il faut permettre aux promoteurs de venir dans ces communes, ce qui ne déstabiliserait pas les marchés, tout au moins dans la situation actuelle, car ils ne seront pas nombreux. On pourrait avoir une régulation qui fixe à travers les programmes locaux de l'habitat, 50 ou 100 logements à réaliser par an, sur telle ou telle agglomération.

La question de la réhabilitation et de la restructuration du parc HLM est un autre enjeu d'importance. Il existait un outil, la prime à l'amélioration des logements à usage locatif (PALULOS) qui avait ses défauts. Une réflexion s'impose désormais sur l'évolution du parc HLM dans un cadre autre que celui de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU). En effet, il serait dangereux de limiter la réflexion à la seule politique de la ville. Nous préconisons donc d'introduire un plan stratégique de patrimoine inter-bailleur qui permettrait, à l'intérieur d'un programme local de l'habitat (PLH), de définir une politique claire associant les élus (car dans les plans stratégiques de patrimoine, ils sont tenus à l'écart) et définissant un programme de réhabilitation et de restructuration du parc HLM, victime d'obsolescence.

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