Nous recevons tout d'abord M. Jean-Claude Driant, professeur à l'Institut d'urbanisme de Paris, Directeur du Lab'Urba-Université Paris Est Créteil, et M. Jean-Marie Cipolat-Gotet, directeur du bureau d'études Guy Taïeb Conseil. Messieurs, vous avez la parole.
Je vais traiter les sujets de gouvernance et de priorité d'allocation des aides.
En matière de gouvernance, le fait intercommunal prend un poids de plus en plus important. L'expérience des délégations des aides à la pierre montre que ce mouvement va dans la bonne direction, en dépit de certaines limites et de difficultés rencontrées par les délégataires. Il faut cependant continuer à travailler sur des points comme l'articulation des priorités des collectivités territoriales avec celles de l'État. Ces dernières sont souvent formulées en termes strictement quantitatifs et leur répartition géographique a peu de chances de coïncider avec les projections définies dans les programmes locaux de l'habitat (PLH). Le choc entre ces deux types d'objectifs est un des deux principaux problèmes. Le second vient de la difficulté de l'État à s'engager dans la durée sur les financements et donc à contractualiser sur plusieurs années avec les délégataires des aides à la pierre. Une piste pour faire évoluer l'articulation du local et du national pourrait être que ces aides relèvent des régions qui seraient les interlocuteurs de l'État. Une conférence de partenaires, ou un autre cadre de négociation à définir, déclinerait ensuite ces aides au niveau des intercommunalités. Il faut également trouver le moyen d'assurer un financement dans la durée pour éviter la répétition annuelle des avenants qui modifient constamment les règles du jeu.
Dernière observation sur la gouvernance : les réflexions sur la « remontée » des plans locaux d'urbanisme (PLU) au niveau intercommunal semblent avoir bien avancé. J'espère que cela se traduira bientôt dans les textes. En revanche, je suis plus perplexe sur la fusion des documents qui pourrait s'imposer lorsque le PLU est à la même échelle que le PLH. La fusion du PLU et du PLH - et même du plan de déplacement urbain (PDU) - risque de faire perdre de sa substance au plan local d'habitat (PLH). Un certain nombre d'acteurs craignent que cette fusion n'aboutisse à une concentration de problématiques traitées dans une logique strictement productiviste et que ce document n'y perde sa dimension stratégique. Il faudrait sans doute rouvrir la réflexion sur cette question.
Sur le sujet de la priorité d'allocation des aides, la grande question est le lieu de construction, surtout si on réaffirme l'objectif de logement social de 150 000 logements par an.
Aujourd'hui, on sort de la période binaire distinguant les zones tendues des zones non tendues, pour concentrer les efforts sur les premières. Cette vision était réductrice mais depuis, les points de vue ont évolué. Il faut arriver à prendre en compte les besoins de production qui sont différents des besoins en logement, eux-mêmes différents des niveaux de tension des marchés. Il s'agit de trois choses distinctes.
Il existe de multiples raisons de produire. Si je laisse de côté, même si c'est très important – quoique surtout au niveau local – la dimension économique de la production de logements, la première raison de produire résulte évidemment des déséquilibres entre l'offre et la demande : c'est là qu'on met en évidence les tensions ainsi que la priorité absolue pour l'agglomération parisienne. Mais il faut également éradiquer le « mal logement ». Les deux derniers rapports de la Fondation Abbé Pierre le démontrent clairement. Ce « mal logement » est présent partout sur le territoire avec des intensités et des modalités diverses qui pour certaines peuvent justifier – y compris dans des endroits où la tension du marché n'est pas aussi forte – des politiques de développement de logement social et des politiques de réhabilitation du parc social et privé en y injectant, pour une part, du logement social.
D'autres besoins de production sont liés à des enjeux de structuration ou de restructuration de l'offre sociale. J'ai travaillé sur des villes moyennes connaissant un contexte de faible croissance ou de crise économique mais dans lesquelles on ne peut parler de tension sur le marché du logement. Doit-on en conclure qu'il n'y a pas besoin d'y produire du logement social ?
Ce sont des villes dans lesquelles il y a des quartiers périphériques de logement social datant des années soixante-dix qui sont largement obsolètes même s'ils ont donné lieu, pour certains, à des actions de rénovation urbaine mais qui restent sans doute insuffisantes. On y trouve également des centres anciens abandonnés dans lesquels les dynamiques commerciales ont beaucoup reculé et où il serait nécessaire, en l'absence d'investissement privé, que le logement social joue un rôle. Cela ne signifie pas que dans ces villes on va vers un accroissement du nombre de logements sociaux. En revanche, produire pour remplacer et restructurer constitue un vrai enjeu. Et puis, dans un certain nombre de ces villes, y compris pour les plus grandes où le marché est faiblement tendu, l'investissement privé est absent. Cela engendre une absence ou une très mauvaise qualité de l'offre locative et de faibles capacités d'absorption des mobilités, des décohabitations des jeunes, des ruptures familiales qui trouvent plus facilement à se loger dans l'offre privée que dans l'offre sociale. Par ailleurs, cette absence d'investissement privé, du point de vue des politiques de l'urbanisme, entraîne mécaniquement, de l'étalement urbain. La production de logements devient uniquement le fait de ménages qui construisent leurs pavillons à la périphérie. Pour résumer, s'il n'y a pas de promoteurs immobiliers, il n'y a pas de densification, ni de production collective. Et s'il n'existe pas d'attractivité pour les investisseurs privés, il n'y aura strictement aucune production de logements. Cela exacerbe les problématiques urbaines : environnement, transports, place de la voiture. Dans ce contexte, le logement social peut se substituer à l'absence de dynamique de l'investissement privé.
Pour conclure, je dirais que je prêche pour un renouveau de l'acception, de l'analyse et de la connaissance des besoins en logement. Il faut sortir des approches strictement quantitatives de la plupart des programmes locaux de politique de l'habitat mais aussi dans des énoncés de politique nationale reposant sur des projections de l'accroissement du nombre de ménage. Les enjeux du logement vont bien au-delà : ce sont des enjeux urbains et des enjeux de résorption du « mal logement ». Cette rénovation de l'acception de la notion de besoin en logement tarde à s'imposer même si cela fait des années qu'on en parle.
Il devrait y avoir aussi une remise à plat des moyens de connaissances de la diversité des territoires pour définir les politiques nationales en matière de logement (via la mise en place, par exemple, d'Observatoire des loyers). L'État dans ses territoires déconcentrés a considérablement perdu en expertise depuis les années 1990, alors qu'elle y était très importante. Il ne faut pas oublier les collectivités locales et les intercommunalités. L'enjeu est donc une connaissance partagée, tant au niveau national qu'au niveau local et il y aurait, du point de vue de l'État, matière à inciter cette amélioration des outils de connaissance.
Je vais m'inscrire largement dans les propos de mon collègue. En préliminaire, je voudrais revenir sur la question des méthodes de programmation actuelles de l'État qui sont basées naturellement sur la notion de tension du marché. C'est une aberration de programmer la construction de l'habitat social en fonction des critères instantanés qui sont ceux du marché. En effet, le logement social s'amortit sur 35 ans minimum, voire plus. Il faudrait donc programmer la construction en fonction de critères structurels tels que les revenus des ménages, leur structure ou l'évolution de l'emploi. À partir de ceux-ci, on peut établir des méthodes de programmation très souples et efficaces à l'échelle nationale ou régionale.
La tension du marché n'est pas un bon critère dans la mesure où la situation à un moment donné sur le marché prend en compte l'effet des politiques publiques ou leur « non-effet ». Ainsi certains marchés peuvent être tendus parce que les acteurs publics du logement n'y ont pas correctement fait leur travail. A contrario, dans d'autres secteurs le marché apparaîtra relativement peu tendu, alors que ce sont des secteurs très attractifs mais où les niveaux de prix restent maîtrisés, car ils sont alimentés régulièrement par l'ensemble des acteurs.
Ce point me paraît fondamental : on ne peut pas programmer le logement locatif social sur des critères instantanés qui sont liés au marché.
Autre sujet de préoccupation : les orientations de l'État qui mettent fortement l'accent sur la concentration du logement social au sein des principaux pôles urbains en délaissant une grande partie du monde rural. C'est aussi un enjeu d'aménagement du territoire. Le maillon faible sur le territoire national concerne les gros bourgs, les chefs-lieux de cantons (agglomérations de 2 000 à 3 000 habitants) qui ont aujourd'hui un parc de logements inadapté au vieillissement de la population et aux besoins des jeunes ménages qui souhaitent plutôt des logements individuels sur des parcelles d'une certaine taille. Dans ces bourgs ruraux, on trouve plutôt des petits immeubles de logements collectifs ou des maisons de ville extrêmement denses sur plusieurs étages. La vacance y augmente et ce n'est pas le secteur privé qui prendra l'initiative de redynamiser ce type de tissu urbain. Il est nécessaire que le secteur social y joue un rôle, en s'appuyant sur les autres outils, notamment en matière foncière, compte tenu de l'enjeu financier relativement lourd (restructuration de ces petites villes) que cela représente.
Les bailleurs sociaux ont les capacités techniques de travailler dans ce type de tissu mais il faut les accompagner. Il convient notamment de favoriser la procédure d'acquisition-amélioration qui permet de réutiliser du bâti ancien pour faire du logement social. C'est un outil de transformation du logement, mais aussi, éventuellement, un outil d'aménagement du territoire. La procédure d'acquisition-amélioration souffre toutefois de modalités de financement relativement pénalisantes. Ce sont généralement des opérations de petite taille, peu rentables. La subvention est insuffisante pour équilibrer ces opérations.
C'est également un outil intéressant pour densifier l'habitat dans l'agglomération parisienne, notamment dans les banlieues, via l'acquisition-amélioration de pavillons suivie d'une extension. L'enjeu politique peut être important, notamment si l'on ne veut pas heurter les populations qui vivent dans les milieux pavillonnaires d'Île-de-France.
Une problématique nouvelle apparaît en région parisienne aujourd'hui : la division de maisons individuelles en appartements qui produit généralement du « mal logement ». Il s'agit d'un phénomène massif – et dangereux à long terme – notamment dans la petite couronne. Il faudra certainement revoir la réglementation relative aux permis de construire et y introduire la transformation de maisons existantes en appartements pour garantir que ces transformations débouchent sur des logements décents.
La politique de zonage des produits défiscalisés (type Scellier, Duflot…) paraît trop simpliste. Il est évident que la demande pour ces produits est concentrée dans les grandes villes, car elle concerne une clientèle jeune et mobile, et sur les marchés assez dynamiques en termes d'emplois. Pour autant, faut-il l'interdire sur une grande partie du territoire national ? Il serait préférable d'aller vers une régulation des quantités sur l'ensemble du territoire plutôt que d'avoir des territoires « noirs » et d'autres « blancs », ce qui condamne un certain nombre de villes à ne pas construire de produits défiscalisés et donc à ne pas renouveler leur parc de logements pendant dix ou quinze ans. Il faut permettre aux promoteurs de venir dans ces communes, ce qui ne déstabiliserait pas les marchés, tout au moins dans la situation actuelle, car ils ne seront pas nombreux. On pourrait avoir une régulation qui fixe à travers les programmes locaux de l'habitat, 50 ou 100 logements à réaliser par an, sur telle ou telle agglomération.
La question de la réhabilitation et de la restructuration du parc HLM est un autre enjeu d'importance. Il existait un outil, la prime à l'amélioration des logements à usage locatif (PALULOS) qui avait ses défauts. Une réflexion s'impose désormais sur l'évolution du parc HLM dans un cadre autre que celui de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU). En effet, il serait dangereux de limiter la réflexion à la seule politique de la ville. Nous préconisons donc d'introduire un plan stratégique de patrimoine inter-bailleur qui permettrait, à l'intérieur d'un programme local de l'habitat (PLH), de définir une politique claire associant les élus (car dans les plans stratégiques de patrimoine, ils sont tenus à l'écart) et définissant un programme de réhabilitation et de restructuration du parc HLM, victime d'obsolescence.
Merci pour ces interventions éclairantes et qui posent un certain nombre de questions. À vous entendre, il faudrait faire du logement social un peu partout. Votre approche théorique me paraît juste, mais ne sommes-nous pas dans une situation d'extrême urgence ?
Compte tenu de la situation dans certaines zones tendues, notamment en région parisienne, pouvons-nous mener toutes ces politiques de front ? N'y a-t-il pas nécessité de concentrer l'action publique là où les besoins semblent les plus nécessaires ?
Sur le même thème, j'ajoute à l'approche de mon collègue la problématique de la difficile conciliation entre le court et le long terme ? Se consacrer uniquement à l'urgence, n'est-ce pas en permanence courir après des effets dont on ne traite pas la cause en risquant d'épuiser les moyens publics ? Quelle conciliation peut-on opérer entre le traitement du court terme, qui répond à un certain nombre d'urgences (pas forcément de la construction neuve mais aussi de la réhabilitation) et le traitement du long terme ?
La question du court et du long terme est une question classique en matière de logement, surtout quand on parle de production. Celle-ci, de fait, n'agit que sur le long terme. Quelles que soient les quantités produites, elles ne représentent jamais qu'une part infime du stock de logements : 400 000 logements produits représentent 1,3 % du nombre de logements HLM existants. Même si on construisait 70 000 logements en Île-de-France, cela ne représenterait jamais que 1,6 % du stock de logements de la région. Ce n'est pas cette politique qui règlera, seule, l'urgence des situations de « mal logement » que nous connaissons. Il est donc nécessaire de la coupler avec d'autres politiques susceptibles d'avoir des effets à court terme.
Sans doute n'est-il pas possible de tout faire en même temps et il convient d'établir des priorités qui passant par une meilleure hiérarchisation des produits. Nous avons actuellement un modèle quasi unique de logement social qui s'applique à tout le territoire. Or, je ne suis pas sûr que ce soit le même type de produits, ni les mêmes modes de financement qui s'imposent partout. Les modalités de financement du logement social sont quasi uniformes sur tout le territoire alors que les coûts fonciers sont radicalement différents d'un site à l'autre. Si nous nous engageons dans une logique de restructuration et de rééquilibrage de l'offre au sein d'un certain nombre d'agglomérations moyennes, en faisant reculer le parc social dans certains quartiers, nous pourrions créer des ressources foncières contribuant au financement. La réponse peut provenir de la diversification des produits.
La question de l'urgence doit être rapprochée de celle de la mobilité dans le parc social. Augmenter d'un point la mobilité des locataires revient à libérer un nombre d'appartements supérieur à l'ensemble de la construction d'une année. L'accession sociale à la propriété, si elle était favorisée, permettrait d'augmenter la mobilité dans le parc social et dans le parc locatif privé.
L'offre de logements est composée à 80 % ou à 90 % par des appartements libérés et non par des constructions nouvelles. Cela dit, la notion de « parcours résidentiel » pose problème dans les secteurs où l'on trouve de fortes concentrations de logements sociaux. Ce parcours résidentiel ascendant paupérise le parc social, phénomène qui peut s'étendre au quartier puis à la ville. C'est un problème lié à la répartition du parc social dans l'espace.
Le problème peut être résolu si le parc social est mis en vente. On finit par voir émerger une classe moyenne là où il n'y avait qu'une classe pauvre. C'est une des mécaniques qui fonctionne bien dans les secteurs « ANRU » où a été prise cette décision stratégique.
Parmi les principaux intervenants dans le logement social, il y a des acteurs qui financent les opérations de réhabilitation par la vente d'une partie de leur parc car ils ont des besoins en fonds propres importants.
En ce qui concerne les programmes locaux de l'habitat (PLH) et les programmes locaux d'urbanisme (PLU), je regrette d'avoir été, dans le passé, partisan d'une simplification qui mériterait d'être revue. Je souhaiterais avoir le point de vue des intervenants sur la possibilité d'une meilleure articulation entre le PLH et le PLU, notamment si ce dernier devait devenir intercommunal, ce que je souhaite. Il me semble qu'un seul et même volume en deux chapitres serait préférable plutôt que deux documents.
Concernant l'aspect qualitatif, je ne vous ai pas entendu évoquer le rôle de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) qui constitue pourtant un outil important.
En matière d'observation, plutôt que d'attendre des conclusions d'un observatoire national qui publie souvent ses travaux avec un délai important, ne devrions-nous pas préférer, dans un souci d'efficacité, des observations réalisées à l'échelle de la région ou de l'agglomération ? Je ne vous ai pas entendu établir de lien entre emploi et logement. Pour prendre l'exemple du quartier de la Défense, qui compte 120 000 emplois et seulement 20 000 logements, je présuppose que cette situation doit créer de la tension. À l'échelle hexagonale, quelles sont ces villes dont vous parlez qui ne présentent pas de tension en matière de logements et qui sont attractives ?
Enfin, en matière de densification concernant, en particulier, la petite couronne, ne pourrait-on pas envisager une redistribution foncière, à travers notamment la fiscalité foncière ?
L'idée serait au fond d'avoir une allocation régionalisée des aides. Ces aides seraient distribuées au niveau régional, en fonction d'observations plus fines, reposant sur des critères plus pertinents. L'idée étant ainsi de rompre avec un système national rigide. Votre proposition serait-elle bien d'aller vers une régionalisation ?
Sur la question du plan local d'urbanisme intercommunal (PLUI) et du PLH, je crains que le PLH ne devienne un simple volet habitat du PLUI. Il pourrait ne plus être un document stratégique. Ce seront plutôt les adjoints à l'urbanisme, le chef du service urbanisme qui piloteront le PLU et des bureaux d'études spécialisés sur la forme urbaine et le fonctionnement urbain qui suivront sa mise en oeuvre. Dès lors, le risque est de déconnecter complètement l'habitat de la partie sociale, c'est-à-dire du Plan départemental d'action pour le logement des personnes défavorisées (PDALPD) par exemple, et des problématiques d'accès au logement. En effet, les cabinets d'études qui travaillent sur la forme urbaine ne s'intéressent pas vraiment à l'équilibre du peuplement dans le parc HLM. Le risque est donc grand que la discussion du PLUI ne conduise à se polariser sur les questions foncières. Je pense donc que les deux procédures devraient être connectées tout en restant indépendantes l'une de l'autre.
Ce n'est pas toujours le cas, j'ai déjà vu, notamment en milieu rural, des appels d'offres de PLUI comprenant un volet habitat constituant en fait un PLH simplifié.
Concernant l'Agence nationale de l'habitat (ANAH), vous avez raison de souligner que c'est un outil oublié, à mon avis pour une raison simple, qui tient à la réorientation opérée il y a quelques années en direction des propriétaires occupants, réorientation qui a pesé lourdement sur l'efficacité de la réhabilitation. En effet, lorsque l'on s'adresse à une cible de propriétaires occupants avec des ressources très limitées et qu'on leur demande de faire des travaux d'économies d'énergies relativement importants, on ne trouve que très peu de candidats. Aujourd'hui, il faut réorienter l'ANAH vers les propriétaires bailleurs.
Enfin, concernant les observatoires, je ne suis pas de votre avis car je connais des observatoires qui travaillent avec des données récentes.
Vous m'avez mal compris, il y a de remarquables observatoires en région, notamment à Rennes. Je parlai plutôt de la manière de collecter des données au niveau national. Jusqu'où l'observation nationale est-elle exigeante ?
Je suis totalement d'accord avec ce qu'a dit Jean-Marie Cipolat-Gotet sur le PLUPLH. Le PLU est un document public qui a une forte publicité, ce que n'avaient pas jusqu'à présent les PLH. Or, le PLH introduit des réflexions stratégiques à moyen et à long terme alors que le PLU dit simplement ce qu'il est possible ou non de faire sur les parcelles Je crains qu'on ouvre une boîte de Pandore en soumettant à la concertation, dans les mêmes termes, les PLU et les PLH quand on sait la popularité des politiques de l'habitat dès qu'il s'agit de construire, des logements sociaux.
Sur les observatoires, la priorité doit être l'observation locale. L'observation ne doit pas être la compilation d'annuaires statistiques mais un lieu d'animation du milieu local. Si on a des observatoires locaux pertinents, faire remonter des informations au niveau national permet d'avoir une meilleure perception, pour les politiques de l'État, de la diversité des territoires et d'aller au-delà des zonages que nous avons ici commentés.
Sur la question de la fiscalité, je ne peux que rejoindre Jean-Marie Cipolat-Gotet sur la question de la division pavillonnaire en première couronne. Il y a là un facteur de production d'habitat indigne qui est tout à fait préoccupant et qui produit, de fait, une densification incontrôlée. Je pense qu'il faut agir sur le droit de l'urbanisme.
Je voudrais revenir sur la question de la complémentarité entre le parc social et le parc locatif privé. Les difficultés de la réhabilitation d'une frange importante du parc locatif privé seront difficilement solubles par des procédures de type ANAH, c'est-à-dire des procédures d'incitation. Il faut, notamment avec l'outil d'acquisition-amélioration, faire des bailleurs sociaux l'un des leviers d'une réhabilitation durable du parc ancien. Il faut donc introduire le parc social au centre des villes. Cela coûte relativement cher mais c'est un investissement à long terme. Par contre, l'initiative privée doit pouvoir s'exprimer sur du logement neuf de qualité.
Si l'on allégeait un certain nombre de dispositifs, notamment le fonctionnement des allocations de logement social (ALS), on pourrait facilement avoir des outils de mutation spontanés qui permettraient la régénération des villes. Or, c'est aujourd'hui un véritable parcours du combattant à mettre en oeuvre, sur le plan du droit civil. La solution serait de dire qu'il y a un organisme qui rachète l'ensemble mais cela reste extrêmement cher. Avec la surcharge foncière des aides à la pierre (c'est-à-dire la subvention complémentaire versée par l'État) qui a disparu, le financement n'est pas aisé. Enfin, il existe des mécanismes d'association d'outils publics et privés, je pense à la ville de Dieppe qui est un cas d'école, qui sont très efficaces sur le long terme pour restructurer les centres anciens.
Ma première question concerne l'urgence qu'il y a à construire du logement et la manière structurelle dont le logement public peut y répondre. On ne mobilise pas assez le parc privé alors qu'il y a de nombreux intérêts à le faire car il est extrêmement diffus, il s'adapte tant en zone urbaine qu'en zone rurale et il permet de faire du social sur l'ensemble du territoire. De ce point de vue, le département du Doubs a retravaillé la question de la reconquête des centres-bourgs afin de les revitaliser. On devrait avoir recours à la mobilisation du parc privé plutôt que de développer des politiques publiques : cela permettrait de gagner beaucoup de temps. Il faudrait donc s'interroger sur la manière de systématiser l'ensemble des outils nécessaires pour remobiliser cet immense parc privé, ce qui rend nécessaire un recensement exhaustif.
Ma seconde question porte sur le dispositif « Scellier », sur le futur dispositif « Duflot » et le resserrement du dispositif sur les zones dites tendues. Dans les zones non-tendues, la demande peut aussi être très importante, car si on y trouve des logements vides c'est parce qu'ils se situent dans des zones où personne ne souhaite habiter. Il ne faudrait pas les compter. D'autres logements ne sont tout simplement plus adaptés aux besoins. Je pense donc que la concentration du dispositif « Scellier » sur des zones très resserrées est risquée. C'est le principe du balancier : le dispositif « Scellier » a connu des dérives, avec des logements qui sont restés vides et un niveau des prix trop élevé ca grâce à la déduction fiscale les gens ont acheté des logements plus chers qu'ils ne valaient, mais il ne faut pas s'enfermer dans une logique inverse. Comment trouver le bon positionnement pour le dispositif « Duflot » ?
Il y a effectivement un potentiel important de mobilisation du parc privé. Cela étant, il est très divers suivant les territoires. Il ne faut pas surestimer le stock de logements vacants. Parmi les deux millions de logements vacants souvent cités, un bon tiers se trouve dans des endroits où personne ne souhaite habiter, une bonne partie est techniquement inhabitable sans travaux et il reste de nombreux logements vacants qui ne le sont que parce que l'on se trouve entre deux occupants. Du coup, le vivier mobilisable, si je prends l'exemple des logements d'instituteurs à Toulouse, n'est constitué que de quelques dizaines de logements tout au plus. On peut les mobiliser dans des conditions atypiques (colocation solidaire…) mais le potentiel qu'on peut en tirer au niveau national n'est pas gigantesque.
Concernant l'investissement locatif, je partage totalement votre point de vue. Un certain nombre d'entre nous avait dénoncé les dérives des dispositifs « Scellier » et « Robien », dans le contexte de marché dans lequel ils fonctionnaient, et aujourd'hui nous dénonçons un zonage trop restrictif. Les dérives venaient du fait qu'il n'y avait aucune maîtrise au niveau national, ni local, de ces produits dans les lieux où ils se mettaient en place. Peut-être y a t-il matière aujourd'hui à ce que l'on mette en place, dans les zones moins tendues, des outils de régulation, notamment avec des quotas ou des contreparties sociales.
Pourquoi cela ne constitue-t-il pas un chapitre du PLH ? Après tout, c'est un outil d'ordre public. Le zonage pourrait être délégué aux élus d'un PLH, sous couvert de l'État, qui pourraient alors décider d'une gestion fine du zonage plutôt que celle-ci soit issue d'un arrêté préfectoral.
Cela pourrait être effectivement un chapitre du PLH. Mais les dérives de ces produits ont pour origine leur a-territorialité. La proposition que vous formulez, je l'ai déjà entendue dans la bouche de M. Scellier lui-même.
Cela pose la question de l'outil-agrément, parallèlement à l'outil-financement. Le prêt locatif social (PLS) fonctionne sur agrément et sans subvention de l'État. On pourrait très bien avoir pour les produits défiscalisés un système qui se rapproche de l'agrément PLS, c'est-à-dire un agrément qui émerge d'un partenariat local avec l'État.
Le zonage du logement social n'est pas celui du logement intermédiaire. Que pensez-vous de l'idée de refondre ces deux zonages ?
Je pense qu'il faut complètement déconnecter les deux cartes. S'il fallait maintenir un zonage pour les produits défiscalisés, auquel je ne suis pas favorable, cela ne peut pas celui du logement social car il ne répond pas aux mêmes logiques. Le zonage du logement social est relativement réaliste, malgré un certain nombre de distorsions. Si on le supprime, cela pose alors la question de la régulation des loyers dans le parc HLM puisqu'il sert avant tout à identifier les plafonds de ressources et à réglementer les loyers. Techniquement, je ne vois pas d'autre solution.
Pouvez-vous préciser vos propos sur la question des villes attractives qui ne seraient pas tendues.
Le niveau de tension n'est pas totalement hors-sol, il entretient des liens avec les politiques publiques. Le cas rennais en est une illustration, ainsi que l'urbanisme opérationnel et les zones d'aménagement concerté (ZAC).
Il me semble que dans les ZAC, en 25 ou 30 ans, on est passé de 70 % de logements produits à moins de 25 % aujourd'hui.
On est proche de ce résultat en effet, mais on note de très fortes disparités territoriales. Toutefois, il y a un certain nombre de villes qui sont dans une logique de remontée.