Intervention de Olivier Dussopt

Séance en hémicycle du 17 avril 2013 à 21h30
Projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Dussopt :

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le rapporteur de la commission des lois, j'ai eu l'occasion, au cours des débats en première lecture, de souligner combien l'adoption de ce texte était importante et je ne peux que me féliciter que le Sénat ait adopté les principaux articles, notamment le premier ouvrant le mariage et l'adoption aux couples de même sexe.

Ce vote conforme des principales dispositions du projet de loi vient sanctionner positivement un débat qui a déjà beaucoup duré : douze semaines de travail préparatoire, alors que nos règlements n'en prévoient que six, des auditions nombreuses, sous la conduite du rapporteur, 110 heures de débat en séance, mais aussi l'examen de milliers d'amendements.

Il s'agit là d'éléments certes formels, mais nous devons toujours avoir en tête et rappeler qu'ils sont au service d'une belle réforme qui va permette encore plus d'égalité au coeur de notre République, au service d'hommes et de femmes longtemps discriminés pour leur orientation sexuelle.

J'avais d'ailleurs eu l'occasion, en première lecture, d'évoquer celles et ceux qui attendent ce texte. J'avais souligné les difficultés que rencontrent aujourd'hui encore des adolescents qui découvrent leur homosexualité, des adolescents blessés par la haine de certains propos – encore aujourd'hui – et parfois plus encore par la réaction de leurs proches. Ces jeunes confrontés à des regards interrogateurs, aux insultes, et parfois aussi au rejet de leurs propres parents.

Je veux aujourd'hui vous parler des familles, des familles homoparentales, de ces familles qui existent.

À écouter certains opposants au projet, ouvrir le mariage aux couples de personnes de même sexe pourrait dénaturer la notion même de famille. Comme si la loi allait créer de nouvelles familles, en inventer les contours et en déterminer l'existence même. Or je rappellerai une évidence : ces familles existent, elles sont là, dans notre quotidien. Elles existent dans leur diversité, comme toutes les autres familles. Elles connaissent les mêmes bonheurs et les mêmes difficultés. Elles vivent les mêmes moments joyeux à l'occasion d'une naissance, d'un anniversaire ou de fêtes de famille. Elles connaissent aussi les mêmes peines, les mêmes deuils, les mêmes difficultés.

Subsiste pourtant une différence entre ces familles et toutes les autres : elles n'ont tout simplement pas les mêmes droits. Elles connaissent une situation de précarité inacceptable lorsque survient le deuil ou la séparation, précarité tant dans la transmission du patrimoine que dans la reconnaissance de droits aux conjoints survivants, précarité surtout pour le maintien des liens affectifs existants entre les enfants et celui ou celle que la loi ne reconnaît pas encore comme parent. Elles connaissent des difficultés et des obstacles pour ce qui concerne l'exercice de l'autorité parentale ou sa délégation au sein du couple, comme après la disparition de l'un des deux parents ou de la séparation de ceux-ci. Elles connaissent une situation d'injustice en restant méconnues de la loi. Cette méconnaissance est une forme d'humiliation et finalement de déni même de leur existence.

C'est pour lever ces difficultés, pour permettre à ces familles de se construire sans frein ni empêchement que nous sommes engagés aujourd'hui. C'est une obligation morale que nous avons là, notamment pour protéger les enfants qui grandissent au sein de ces familles. Car, il faut le rappeler, de la même manière que ces familles existent, elles sont très souvent construites et soudées autour d'enfants.

Il s'agit de familles recomposées après la séparation de couples hétérosexuels, de familles construites autour d'une adoption ou d'un projet coparental, des familles qui existent grâce à la procréation médicalement assistée ou, parfois, et même si cela est et restera proscrit sur notre territoire, après avoir eu recours à la GPA.

Ce sont toutes ces familles que nous allons sécuriser, en tout cas accompagner, en ouvrant le mariage et l'adoption aux couples de personnes de même sexe et en leur donnant les mêmes droits qu'aux autres.

Ce sont aussi ces familles qui nous montrent, et depuis longtemps, combien la filiation et la parentalité sont avant tout sociales et humaines, et qu'elles se sont affranchies depuis longtemps des règles de droit. À toutes ces familles qui nous regardent, je veux dire que nous sommes très fiers de voter ce texte. Mais je veux aussi m'adresser à celles et ceux qui s'y opposent encore.

Je veux leur demander comment ils vont faire. Comment ferez-vous, demain, lorsque vous croiserez ces familles dans la rue, dans l'école de vos enfants, dans les commerces de votre quartier et dans les salles de mariage de vos communes ? Pourrez-vous regarder ces hommes et ces femmes dans les yeux et leur dire que vous leur avez refusé l'égalité des droits ? Pourrez-vous dire à ces enfants que vous n'avez pas voulu reconnaître leur famille, et que, par votre vote, vous avez préféré les laisser dans l'insécurité juridique et maintenir leur famille dans la précarité ? Pourrez-vous dire à ces familles que vous n'avez tout simplement pas voulu leur reconnaître la même valeur qu'à la vôtre ?

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