Intervention de Didier le Bret

Réunion du 3 avril 2013 à 16h30
Commission des affaires étrangères

Didier le Bret, directeur du centre de crise du ministère des affaires étrangères :

Monsieur le président, tout site d'information obsolète ne présente plus d'intérêt : nous devons donc, au titre des critères prévus par nos procédures de certification, montrer notre capacité à délivrer une information aussi récente que possible. Nous faisons entre 1000 et 1400 changements de texte en moyenne chaque année sur environ 190 pays. Mais si notre information est actualisée, il faut enlever beaucoup de données inutiles, qui brouillent le message que nous voulons faire passer.

Monsieur Terrot, le nord du Bénin a été classé en orange – et non en rouge –, en raison de la porosité de la frontière avec le Nigéria, même si nous avions conscience que cela pouvait paraître injuste pour un pays où le risque ne s'était pour l'instant pas manifesté de façon évidente. Le nord du Nigéria est en fait un territoire camerounais : la région connaît des trafics en tout genre et nous avons appris que les prisons camerounaises détenaient des membres de Boko Haram – ce qui aurait dû nous conduire à placer la pointe la plus au nord du Cameroun en rouge.

Monsieur Loncle, je suis entièrement d'accord avec vous sur la stratégie du « grand parapluie », qui est une bêtise. En appliquant le principe de précaution à l'extrême et en surréagissant, on fait le jeu des terroristes, qui sanctuarisent ainsi des terrains d'intervention. Le code en quatre couleurs devrait nous permettre de sortir du manichéisme du tout ou rien que j'évoquais.

À cet égard, le fait que l'organisation du Paris-Dakar ait décidé en 2007, après quatre morts en Mauritanie et l'enlèvement de deux Français, qu'il n'était plus possible de traverser la Mauritanie et le Sénégal dans des conditions de sécurité, prouve que d'autres acteurs ont aussi une appréciation du risque.

Sur la question des rançons alimentant le terrorisme – qui lui-même met davantage en danger nos compatriotes – vous avez raison : le Président Hollande et le ministre des affaires étrangères ont d'ailleurs apporté une réponse claire.

La période actuelle, où 14 de nos compatriotes otages ont leur vie suspendue à un fil, n'est pas facile : les familles demandent une alternative – alors qu'on n'intervient pas, dans la mesure où les trois dernières interventions de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) ont été catastrophiques, et qu'on ne négocie pas avec les terroristes parce qu'on est en train de les combattre au Mali – ; elles se considèrent comme les dommages collatéraux d'une politique conduite dans l'intérêt général. Le simple fait qu'une ambassadrice écrive un livre pour expliquer que la France a payé des rançons, que ce soit vrai ou non, a laissé des marques.

Concernant le Burkina Faso, la tentation était grande de continuer à ouvrir le « parapluie » – nous avions reçu des menaces très directes. Nous avons dit à notre ambassadeur sur place : si vous obtenez des garanties de l'État burkinabé pour qu'il prenne très au sérieux ces menaces, nous sommes prêts à prendre le risque de ne pas le faire ; c'est ce qui a été accompli, et cela s'est bien passé. Il n'est pas d'actualité de placer ce pays en zone orange.

Monsieur Poniatowski, nous sommes conscients du risque d'induire en erreur nos compatriotes en changeant le code des couleurs : nous réaliserons donc cette réforme de façon progressive en essayant d'en expliquer le sens le mieux possible.

Je suis d'accord pour asseoir notre posture sécuritaire avant tout sur les expatriés, la plupart des otages étant en effet des professionnels. Certaines catégories de personnes ne peuvent pas éviter de prendre des risques : c'est le cas des journalistes et des entreprises. Nous continuons donc à prendre très au sérieux la menace sur Arlit, les informations provenant du nord du Niger étant mauvaises, et nous avons réussi à déployer nos forces spéciales sur place, sachant qu'on ne peut protéger tous les groupes industriels français.

Par ailleurs, nous avons des accords particuliers avec les grands groupes sensibles, ce qui nous amène à valider leurs plans de sécurité.

S'agissant d'Haïti, le principal enseignement que j'en retire est que, pour que le remède soit efficace, il faut intégrer en amont une dimension qu'on a toujours sous-estimée : la capacité d'absorption de l'aide et le fait de s'assurer qu'une grosse partie de celle-ci aille directement aux personnes en place.

De même, au Mali, il faut renforcer l'État dans ses composantes territoriales et régaliennes pour construire quelque chose de durable, et non déverser des tombereaux d'aides gérées par les organisations internationales.

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