Intervention de Didier le Bret

Réunion du 3 avril 2013 à 16h30
Commission des affaires étrangères

Didier le Bret, directeur du centre de crise du ministère des affaires étrangères :

Monsieur Charasse, ce qui s'est passé en Centrafrique était la chronique d'une mort annoncée. Ce pays est enclavé, compliqué et victime de multiples coups d'État, au point que les Centrafricains en viennent à regretter l'époque de Bokassa !

Aujourd'hui, la situation est dramatique car ce pays n'a pas beaucoup d'atouts. De plus, l'Union africaine a voulu se doter d'instruments de régulation et de sanction pour faire en sorte que la démocratie ne passe pas à côté de l'Afrique, et on a mis un cordon sanitaire autour du nouveau président autoproclamé. Déjà, quasiment tous les expatriés sont partis, les salaires des fonctionnaires et des militaires ne sont pas payés, et le pays connaîtra très vite un problème de pénurie alimentaire : ce cordon sanitaire devrait précipiter une deuxième vague de catastrophes et le président risque d'être à nouveau renversé. Il va donc falloir voir comment accompagner l'inévitable transition – on n'aura peut-être pas d'élections d'ici un an – et éviter de provoquer une nouvelle catastrophe. Je ne suis pas très optimiste sur l'avenir de ce pays.

Monsieur Myard, je suis d'accord avec vous : je suis tout à fait hostile à l'idée de déresponsabiliser les Français, mais Ariane est un outil permettant de compenser notre déficience actuelle sur l'appréciation du nombre de touristes, qui est une information importante pour calibrer les moyens de l'État en cas d'évacuation. Ce mécanisme n'est pas liberticide, mais fondé sur le volontariat.

Nous avons aussi un dispositif réglementaire – qui correspond à une réforme souhaitée par M. Bernard Kouchner –, obligeant les personnes prenant des risques inconsidérés à rembourser les frais engagés par l'État. Si, depuis trois mois que je suis en fonction, je n'ai pu obtenir de mes collaborateurs de me donner un exemple de son application, je vous garantis que dans les trois mois qui viennent, il sera activement mis en oeuvre. Je veux que nos compatriotes le sachent.

S'agissant des journalistes, je vous invite à lire le dernier livre d'Hervé Ghesquière, à qui on a reproché de mettre en danger l'opération en Afghanistan, de mobiliser des moyens et de prendre des risques inconsidérés : il y explique qu'il voulait tester une route censée être sécurisée par les Américains, alors qu'elle ne l'était pas…

Monsieur Marsac, en vertu du traité de Lisbonne, les pays de l'Union européenne doivent une entraide aux autres États membres là où ils ne sont pas représentés. Or, dans 18 pays en crise sur 34, nous sommes État pilote. J'ai à cet égard lancé deux initiatives à Bruxelles : la renégociation du concept d'État pilote – il n'y a pas de raison que la France le soit dans un pays sur deux – et le paiement du service rendu – lorsque par exemple nous assurons la sécurité des Espagnols, des Italiens ou des Estoniens.

Nous avons ainsi négocié un accord avec les Américains à Bangui, où ils nous ont confié leurs intérêts : en cas d'évacuation, l'indemnité qu'ils nous verseraient couvrirait largement nos frais. Pourquoi ne pas passer un accord de ce type avec l'ensemble de nos partenaires européens ?

Monsieur Chauveau, si l'on ne s'appuie pas sur des structures régaliennes que l'on contribue à renforcer, on prend en effet tous les risques.

Monsieur Marsaud, à Benghazi, les agents du dispositif chargé de la protection étaient menacés : nous les avons donc rapatriés.

Monsieur Dufau, nous avons à l'égard des crises un éventail de réponse gradué. Face à une crise mineure, j'appelle l'ambassadeur sur place et, en fonction de ce qu'il me dit, je réunis un premier groupe de personnes – en semaine, nous disposons d'un format interministériel – pour voir les premières mesures à prendre. Ce peut être l'envoi d'un SMS d'alerte via l'ambassade ou le centre de crise à l'ensemble de nos compatriotes sur place. Au-delà, on peut fermer le lycée français pendant quelques jours, prendre des mesures de confinement, voire de sécurisation de l'aéroport, comme nous l'avons fait à Bangui, avec l'accord des autorités centrafricaines, pour permettre de dépêcher des renforts. On peut aussi faire venir des forces directement de Paris, donner la consigne de regrouper l'ensemble des Français en vue d'une éventuelle évacuation, voire, dernier cran de réponse possible, envoyer les moyens pour évacuer toute la communauté française en cas de risque vital.

Si nous n'avons pas d'accord cadre avec Air France, nous dialoguons avec cette compagnie au cas par cas. Par exemple, je vais attirer l'attention de son responsable de la sûreté, qui envisage de fermer le seul vol hebdomadaire avec Bangui, sur le signal que provoquerait une telle mesure.

Je rappelle que quand, dans un pays faible, la France ordonne l'évacuation de ses ressortissants, le chaos s'installe rapidement. C'est la raison pour laquelle nous essayons d'éviter autant que possible d'en venir à cette extrémité.

S'agissant des catastrophes naturelles, le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (BCAH), qui est le bras armé humanitaire des Nations unies, dépêche un groupe faisant l'évaluation du risque dès qu'il y a une crise humanitaire majeure. Puis il lance un « appel consolidé » précisant le montant des moyens nécessaires.

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