Comme nos collègues du Sénat Jean-Pierre Chevènement et Gérard Larcher, je m'étonne moi aussi qu'il n'y ait pas eu d'opération « Eufor-Mali », alors même que l'Union européenne dispose – il est vrai sur le papier –, de « groupements tactiques » pouvant être engagés au terme de l'article 43, paragraphe 1, du traité de l'Union. Je m'étonne de même qu'il n'y ait pas eu la moindre mise en oeuvre de la fameuse « stratégie de l'Union européenne pour la sécurité et le développement au Sahel » élaborée en 2011.
Au Mali, l'Union européenne a hélas confirmé ce qu'elle est en train de devenir : au mieux une puissance civile susceptible d'aider sur le plan de la reconstruction économique et de l'assistance civile technique, mais toujours sans numéro de téléphone, pour reprendre l'expression très ironique de Henry Kissinger, au pire une sorte d'ONG qui multiplie les déclarations de principe, mais qui n'est guère capable de peser sur le cours de l'histoire sur le terrain.
Dans le cas du Mali, j'ajouterai que la seule mission prévue, d'ailleurs de longue date de la part de l'Union européenne, à savoir l'assistance à la formation de l'armée malienne, commence à peine à être organisée. Ce n'est qu'à grand-peine que la force EUPM-Mali a pu réunir les 500 formateurs nécessaires, la France apportant la plus grande contribution. On notera que le budget prévu, 50 millions d'euros au total, correspond à moins d'un mois du coût de notre intervention au Mali, et ne représente qu'à peine 10 % de l'effort consenti précédemment par les États-Unis pour la formation de l'armée malienne, à hauteur de 600 millions de dollars.
L'étude que viennent de réaliser nos collègues Joachim Pueyo et Yves Fromion pour la commission des affaires européennes de l'Assemblée sur « la relance de l'Europe de la défense », titre poétique s'il en est, confirme d'ailleurs ce diagnostic malheureux. Pour l'essentiel, la fameuse politique de sécurité et de défense commune, la PSDC, consiste en une série de petites opérations essentiellement civiles, réunissant souvent un petit nombre d'experts et de techniciens : à l'instar de Althéa en Bosnie-Herzégovine, des opérations EUTM en Somalie et en Ouganda, des missions EUJUST-LEX en Irak, EUDAM en Palestine ou EUSEC et EUPOL en République démocratique du Congo, à côté d'autres opérations du même ordre au Kosovo, en Afghanistan, en Moldavie, au Niger et au sud Soudan.
Une opération plus significative, initialement prévue en Libye, a été abandonnée après l'intervention française dès novembre 2011. En revanche, pour l'essentiel, ces opérations relèvent d'un caractère mineur, à l'exception de deux d'entre elles qui ont eu un certain retentissement et une certaine utilité stratégique : le dispositif Atalanta de surveillance maritime dans la corne de l'Afrique et du déploiement en urgence de 200 gendarmes en Géorgie après la guerre russo-géorgienne de 2008, là encore à l'initiative de la France.
On notera que ce saupoudrage sans grande visibilité politique pour l'essentiel, traduit une absence cruelle de moyens, alors que les traités européens prévoient que les opérations civiles doivent être prises en charge par le budget de l'Union. Dans la pratique, ces missions, qui emploient aujourd'hui 3 500 personnels au total, sont financées à hauteur de 50 % par les États.
En revanche, dans l'hypothèse d'opérations purement militaires, également prévues par les traités, le principe est que les opérations sont à la charge de ces États, selon le principe de l'imputation des coûts à leurs auteurs – costs lie where they fall comme on dit dans le jargon bruxellois.
La seule exception prévue par les traités concerne les activités préparatoires – c'est l'article 41, paragraphe 3, du traité de l'Union. Un mécanisme de financement dénommé Athéna, construit autour d'une clé de répartition en fonction des PIB respectifs, permet de couvrir une faible partie du coût total d'une opération militaire – à hauteur d'environ 10 % –, le reste demeurant à la charge exclusive des États.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, face à une telle situation, nous considérons à l'UMP qu'il est grand temps que la France appelle ses partenaires à une prise de conscience des responsabilités communes qui devraient incomber à tous en cas d'action répondant à une menace pesant sur les intérêts européens dans leur ensemble.
Le Mali est typiquement l'une de ces opérations : le sanctuaire terroriste que nous venons de démanteler dans le nord du Mali, avec ses centaines de tonnes d'armes et ses milliers de combattants, menaçait en effet non seulement la sécurité de la région du Sahel mais également les intérêts européens en Afrique et sur notre propre sol.
Dans ces conditions, comment comprendre l'absence totale d'engagement de l'Europe à nos côtés ? C'est la raison pour laquelle, dès février dernier et à l'approche du Conseil européen qui doit se tenir à la fin de l'année et qui sera consacré à la défense commune, il nous a semblé nécessaire de poser des questions à nos partenaires.
Dans ce type de situation, à défaut de s'engager militairement, les États européens ne pourraient-ils pas au moins partager le fardeau financier d'une opération militaire, sans parler des frais liés à la reconstruction économique du pays concerné ?