Intervention de Arnaud Richard

Séance en hémicycle du 25 avril 2013 à 21h30
Cumul de l'allocation de solidarité aux personnes âgées avec des revenus professionnels — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaArnaud Richard, Gérald Darmanin :

…– et nous avons tous quelques pensées pour notre présidente –, madame la rapporteure, mes chers collègues, la proposition de loi qui nous est soumise évoque un double fait de société : celui de la pauvreté qui gagne partout et celui des seniors et de la place qui leur est faite aujourd'hui. Il s'agit donc d'évoquer un moyen possible de solidarité active au bénéfice des plus modestes des retraités.

Le Sénat a adopté ce texte par 183 voix contre 20 ; le Gouvernement s'en était remis à la sagesse de la Haute assemblée et avait été jusqu'à lever le gage.

La question posée est simple : que faisons-nous des vieux pauvres ? De ces hommes et de ces femmes qui, avec une faible retraite et une famille qui n'a pas toujours les moyens de s'occuper d'eux, ne peuvent pas payer une maison de retraite ? La plupart restent chez eux, soutenus par les services sociaux.

Que faisons-nous pour lutter contre le déclassement des plus âgés de nos concitoyens ? Que faisons-nous pour engager une politique volontariste qui permette aux personnes âgées d'éviter la dérive sociale, alors que nombre d'entre elles ne sollicitent personne, ce qui fait d'ailleurs que les effectifs d'allocataires de l'ASPA demeurent probablement inférieurs au nombre de personnes éligibles. Et n'appelant plus à l'aide, c'est le silence qui l'emporte sur le besoin, l'isolement sur la solidarité et l'abandon face à la solitude. C'est un gâchis humain et une trahison collective.

C'est cette question à laquelle cette proposition de loi apporte une réponse en proposant simplement de corriger – et s'il faut le faire de façon réglementaire, faisons-le – un dispositif profondément inéquitable.

Les faits sont clairs et incontournables. La conférence nationale contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale à laquelle vous avez participé, madame la ministre, l'a montré il y a quelques semaines, tout comme la Cour des comptes à l'occasion de la publication de son rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale pour 2012.

Une enquête réalisée par le Fonds de solidarité vieillesse sur les allocataires du minimum vieillesse au 31 décembre 2010 notait une progression de près de 20 % par rapport à 2010 des bénéficiaires de l'ASPA. Elle révélait également que les femmes représentent plus des trois-quarts de l'ensemble des allocataires isolés et 62 % des allocataires isolés âgés de soixante-cinq à soixante-dix ans.

Depuis le mois d'avril dernier, ce minimum vieillesse s'établit à 777 euros par mois et concerne environ 580 000 personnes. En dépit des revalorisations successives de cette allocation, l'écart persiste avec le seuil de pauvreté fixé à 60 % du revenu médian, c'est-à-dire 964 euros.

En d'autres termes, bénéficier du minimum vieillesse ne garantit aucunement de sortir de la pauvreté ; tout au plus, permet-il de mieux y faire face, de mieux survivre. L'OCDE évoquait récemment des perspectives globales particulièrement inquiétantes qui verraient le niveau moyen des pensions pour les nouveaux retraités passer, en 2020, à 850 euros nets mensuels, alors que la retraite médiane se situe aujourd'hui autour de 1 100 euros par mois.

C'est sur la base de ces constats, que le précédent gouvernement avait décidé, dans le cadre du « rendez-vous de 2008 sur les retraites », – et je salue la présence parmi nous de Xavier Bertrand – d'accroître de 25 % le montant de l'ASPA pour les personnes isolées et des deux allocations du minimum vieillesse pour les personnes seules.

En l'état actuel du droit, lorsqu'ils perçoivent des revenus professionnels, les titulaires de l'allocation de solidarité aux personnes âgées sont particulièrement pénalisés : non seulement la sécurité sociale prélève des cotisations sociales sur les revenus d'activité perçus, mais la prestation servie aux allocataires se trouve en outre réduite du montant desdits revenus, ce qui conduit à annuler purement et simplement le bénéfice financier de la reprise d'activité.

Le caractère différentiel du minimum vieillesse place par conséquent les allocataires dans une situation d'iniquité à l'égard des autres retraités qui bénéficient du cumul emploi-retraite depuis 2003.

Alors que des mécanismes d'intéressement existent pour d'autres minima sociaux et que le nombre d'allocataires du minimum vieillesse pourrait s'accroître, dans un contexte budgétaire et financier pour le moins contraint, on comprendrait mal aujourd'hui que ceux-ci ne puissent cumuler leur allocation avec des revenus d'activité, en particulier lorsque ces revenus sont modestes.

Le Conseil d'orientation des retraites – des conclusions duquel vous vous ferez l'écho dans les prochains mois devant notre assemblée – a d'ailleurs récemment rappelé que « le droit à la retraite ne prive pas les retraités d'un droit fondamental, le droit au travail ».

D'ailleurs, force est de constater que le cumul emploi-retraite a connu un développement très important depuis 2004. Le nombre de bénéficiaires est aujourd'hui estimé à 500 000 personnes, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 ayant ouvert la possibilité d'un cumul intégral lorsque les retraites ont été liquidées à taux plein, y compris à l'aide de périodes assimilées financées par la solidarité nationale.

On pourra toujours dire, en se fondant sur une enquête de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques de 2010, que l'âge moyen des allocataires du minimum vieillesse étant de soixante-quinze ans, seul un tiers des bénéficiaires, âgés de soixante à soixante-quinze ans, bénéficierait de fait de ce dispositif.

Cela nous dispense-t-il pour autant d'agir pour ce tiers exclu, au risque de le marginaliser plus encore, alors que bien d'autres mesures votées dans cette enceinte visent des publics sectorisés et ciblés ? Se plaindra-t-on d'un dispositif qui parle au fond de solidarité intergénérationnelle, alors que le Gouvernement a précisément inscrit cette philosophie dans le projet de loi relatif au contrat de génération ?

On pourrait même arguer, comme l'ont fait en commission certains de nos collègues de la majorité, de la nature réglementaire de cette mesure. Mais le législateur est-il pour autant dispensé de jouer son rôle de lanceur l'alerte quand la vie de nos concitoyens est en jeu, alors que la ligne de partage est souvent imprécise et aléatoire entre dispositifs de nature législative et réglementaire ? C'est au Gouvernement d'adapter techniquement la demande qui lui est transmise, d'autant qu'elle est marquée du sceau de l'évidence mais aussi de l'urgence.

En toute hypothèse, il est évident qu'un nombre non négligeable des plus de soixante-cinq ans travaillent aujourd'hui au noir et cumulent, de fait, leur allocation avec un emploi, malheureusement illégal. Encadrer juridiquement cet état de fait serait donc de nature à mieux protéger les intéressés et, par conséquent, à faire respecter leurs droits.

Dans une société où l'on est vieux de plus en plus jeune pour travailler, il nous faut redonner une chance aux plus modestes de nos aînés, qui sont autant de plus-values humaines que l'on gâche. Il faut offrir une chance à l'autonomie, à l'action individuelle, à la capacité pour chacun de se confronter le plus longtemps possible au réel. C'est aussi une façon de lutter contre les conséquences liées au vieillissement, parfois prématuré, provoqué par l'inaction, la solitude et parfois la dépression. C'est presque une mission d'intérêt public, qui n'exclut pas les jeunes et qui prolonge la vie dans la vie.

Le groupe UDI votera donc pour cette proposition de loi, en espérant que la majorité, ayant ouvert les yeux sur le bien-fondé de cette proposition de loi, ait la sagesse de l'adopter.

Pour conclure, madame la ministre, permettez-moi de citer un proverbe chinois : « Pour bien faire, mille jours ne sont pas suffisants ; pour faire mal, un jour suffit amplement. ». Je crains que ce jour ne soit arrivé. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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