Intervention de Jean-Pierre Aubert

Réunion du 28 février 2013 à 11h00
Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Jean-Pierre Aubert, délégué à l'évolution des métiers et des emplois à la direction des ressources humaines de la SNCF :

Il n'existe aucune raison pour ne pas envisager, dans certaines circonstances et de manière pragmatique, une intervention des pouvoirs publics dans un dossier. Je pense à des entreprises implantées sur un site qui ne leur permettait pas de poursuivre leur activité. J'ai contribué, avec d'autres, à accréditer l'idée que les pouvoirs publics pouvaient s'associer à l'entreprise pour créer un site ex nihilo à côté de l'ancien site, et donc financer ce que j'ai appelé le « changement de peau » de l'entreprise. L'intervention des pouvoirs publics consiste ici à diminuer des coûts, qui sont honnêtement abordés par l'entreprise comme un enjeu dans le cadre de son analyse économique, et de financer des investissements exceptionnels. J'ai par exemple encouragé cette approche à Fougères, où la collectivité a racheté le site de l'unité Sagem Industries, aujourd'hui filiale de Safran. Cela a permis de le gérer autrement et d'y faire venir d'autres entreprises.

Faut-il aller plus loin – momentanément – dans certains cas ? Je n'ai pas d'objection à formuler, dès lors que cela se fait sous de façon transitoire. Il ne doit pas s'agir simplement de sauvegarder l'emploi, mais de permettre à une entreprise de continuer à se développer. Il faut réfléchir à la stratégie dans laquelle cette aide peut s'inscrire. Ses formes peuvent être très variées et sont loin de se limiter à la nationalisation temporaire. On peut par exemple, comme nous l'avons fait pour Alstom à Tarbes, soutenir la reconversion d'un site – qui coûte très cher – et donc la formation des personnels. Nous avons ainsi accompagné l'entreprise pour assurer le transfert sur ce qui était un site de production, d'un laboratoire de recherche pour les produits nouveaux. Ces formes d'aide peuvent avoir un impact positif si elles s'inscrivent dans la stratégie de l'entreprise.

L'entreprise peut être aidée par les pouvoirs publics lorsqu'elle est en difficulté. La procédure judiciaire – redressement judiciaire, liquidation et reprise – est une aide : c'est une façon de relancer l'entreprise grâce à la réduction ou à l'abandon des dettes. Le Comité interministériel de restructuration industrielle (CIRI) est un spécialiste de ce type d'opérations, qui peut être géré dans de bonnes conditions : c'est un processus relativement maîtrisé, à condition de trouver de bons repreneurs et de préparer la reprise.

Les entrepreneurs peuvent aussi se mobiliser pour trouver des solutions locales. Je pense au territoire des Herbiers, en Vendée, où les patrons investissent les uns chez les autres.

Au total, il faut se garder de s'enfermer dans une logique, et gérer avec précaution les investissements dans une entreprise dont on a du mal à percevoir la stratégie.

J'en viens à l'indemnité supra légale. J'ai toujours lutté contre l'approche que vous dénoncez. Les salariés de Chausson, en pleine crise, réclamaient que les 400 millions de francs restant en caisse soient consacrés au financement de ces indemnités. Au terme de plusieurs mois de discussion, j'ai convaincu les organisations syndicales que la priorité première était le reclassement, et que les deux actionnaires – Renault et Peugeot – devaient mettre de l'argent pour l'accompagner. Il faut reconnaître que les pouvoirs publics ont parfois poussé au versement d'indemnités supra légales – par exemple à Seafrance. Je peux comprendre que les salariés soient tentés par cette option, mais cela coûte cher, sans être adapté à leurs besoins. Il reste qu'il est plus facile de céder sur des indemnités supra légales que sur d'autres points. L'État lui-même a déjà financé ce type d'indemnités dans le secteur privé.

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