Un nouvel intermédiaire pourrait-il aider à résoudre la crise coréenne ? On en voit peu en-dehors de ceux qui existent déjà. L'Union européenne a assez longtemps été dans le jeu par sa contribution financière à l'Organisation pour le développement énergétique de la péninsule coréenne – dont l'acronyme anglais est KEDO. Mais ce que les pays de la région attendent, c'est un engagement de sécurité. Cela limite le rôle de l'Europe perçue comme une puissance « douce ». La stratégie d'aide, au travers notamment de ce programme KEDO, n'a pas permis de stopper le développement des capacités nucléaires et balistiques de la Corée du Nord. L'Union européenne avait par ailleurs la désagréable impression qu'on attendait seulement d'elle son aide financière.
La Russie participait aux fameux dialogues à six, aujourd'hui interrompus. Elle était notamment à la tête d'un groupe de travail au moment où on pensait que ce dialogue pourrait évoluer vers une sorte d'organisation régionale de sécurité en Asie du Nord-Est. Elle reste aujourd'hui en retrait sur la question nord-coréenne. Si la situation s'apaisait et si, comme il en avait été question un temps, pouvaient s'ouvrir des voies de chemin de fer entre le Nord et le Sud de la péninsule, elle serait intéressée d'y relier son propre réseau ferroviaire et de pipe-lines et de disposer ainsi d'un débouché direct sur l'Océan Pacifique. On est loin de ce projet aujourd'hui. Impliquée dans la crise coréenne actuelle comme l'est tout membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, sensible à tout ce qui touche à l'ingérence, la Russie semble attendre aujourd'hui que la situation se décante.
À quelle échéance la Corée du Nord pourrait-elle disposer de véritables armes nucléaires ? Je ne saurais le dire. En effet, la plus totale opacité règne sur le sujet. Il est sûr en revanche que ce pays est beaucoup plus en avance que l'Iran en matière de capacités nucléaires et balistiques. S'il parvenait à se doter d'armes nucléaires, la menace devrait être prise très au sérieux. Les États-Unis ont d'ailleurs déjà déployé des batteries de missiles anti-missile à Guam et au Japon.
Aux yeux de Pékin comme de Pyongyang, même s'ils l'expriment différemment, la principale menace est celle d'un changement de régime, après usage éventuel de la force. Ils songent au cas de l'Irak et la Libye. Pékin fait valoir que si l'Irak avait disposé de l'arme atomique, Saddam Hussein serait toujours en place. C'est aussi ce que pense Pyongyang pour qui l'arme nucléaire représente à terme comme une garantie de survie.
Je laisserai M. Dayez-Burgeon vous répondre pour ce qui concerne la contestation interne. Pékin a-t-il les moyens de soutenir un clan ou une faction plus favorable à l'ouverture économique ? Le régime étant très opaque, on en est réduit à s'interroger sans obtenir vraiment de réponse. En dépit d'une situation économique très difficile depuis longtemps, le régime se maintient car d'une part, il n'a aucun souci du bien-être de la population – son seul objectif est de satisfaire l'armée et le clan au pouvoir –, d'autre part c'est la Chine qui lui permet de survivre. Elle a certes voté les sanctions internationales mais depuis le vote des premières sanctions en 2006, après le premier essai nucléaire, elle est devenue, et de loin, le premier partenaire commercial du pays. Les échanges entre la Chine et la Corée du Nord atteignent aujourd'hui six milliards de dollars par an. Elle est aussi le premier investisseur dans le pays. Elle prend des intérêts dans ses mines, ses ports, ses infrastructures… Elle est en outre son seul fournisseur de pétrole. Contrairement à ce qu'elle laisse parfois entendre, elle a vraiment les moyens d'exercer une pression sur la Corée du Nord.