Aussi longtemps que la Chine elle-même tiendra ! La question de la transition politique est posée en Chine. L'une des plus mauvaises analyses que l'on pourrait faire de la situation dans la région serait de penser que rien n'évolue en Chine. À l'instar de qui s'est passé en Europe de l'Est avec l'URSS, dès que la Chine bougera, dans quelque direction que ce soit, le régime nord-coréen ne pourra pas survivre seul.
Je suis plus sceptique que mon collègue sur le soutien de la population au régime. Les scènes de larmes à la mort de Kim Jong-Il ne dupent personne. Des scènes d'hystérie semblables avaient eu lieu à Pékin à l'annonce de Mao Tse-Toung. Pourtant, dès que la Chine s'est ouverte aux réformes, personne n'a regretté la période précédente – même si on peut aujourd'hui avoir parfois la nostalgie de l'égalitarisme maoïste. Je ne suis pas certaine qu'en Corée du Nord, hormis la frange de population privilégiée, certes importante puisqu'elle regroupe tous les militaires et leurs familles, la population pleurerait beaucoup si le régime actuel s'effondrait.
Celui-ci est aussi extrêmement corrompu. Comme en Chine d'ailleurs, il faut tenir compte d'importantes ressources « grises » ou « noires ». Et les trafics, précisément entre la Chine et la Corée du Nord, sont nombreux. Je me suis rendue une fois dans les provinces méridionales de Corée du Nord. Alors que n'y circulait aucun véhicule – les gens cheminaient à pied, au milieu de gros chiens errants –, n'était-il pas étrange d'apercevoir, dans une zone de restaurants ouverts aux étrangers, un gros 44 de marque américaine, immatriculé à Pyongyang ? À l'évidence, des affairistes de la capitale venaient là rencontrer des gens du Sud.
J'ai aussi eu l'occasion de m'entretenir à l'étranger avec des diplomates nord-coréens fort bien éduqués et s'exprimant dans un anglais parfait. Les enfants de l'élite sont formés à l'étranger – cela a été le cas de Kim Jong-Un – et y vivent une bonne partie du temps. Ils savent donc parfaitement ce qui s'y passe et profitent des avantages que cela leur procure. Ce sont les réformes en Chine qui ont entraîné l'effondrement du clan de Mao et le retour en grâce de Deng Xiaoping. C'est précisément ce que ne veut pas le clan Kim en Corée du Nord.