Intervention de Marie-Hélène Fabre

Réunion du 24 avril 2013 à 17h00
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Hélène Fabre :

Monsieur le rapporteur, au nom du groupe socialiste, j'apporte un soutien plein et entier aux positions que vous venez de défendre.

Il faut rappeler le contexte : la Commission européenne, avec un sens du timing politique qui n'appartient qu'à elle, a cru bon de réintroduire, en les renommant, les farines animales dans la chaîne agro-alimentaire en pleine affaire de la viande de cheval.

Cette décision constitue, aux yeux du groupe socialiste, un véritable égarement. Pour autant, elle ne nous surprend qu'à moitié, car elle nous menace depuis le jour où ces farines ont été interdites, il y a quinze ans.

Depuis lors, en effet, l'industrie n'a eu de cesse de vouloir les réintroduire, avec une abnégation et une constance qu'on saluerait volontiers si elles n'étaient inspirées par des intentions aussi troubles. Quinze ans après le scandale de la vache folle, qui a failli emporter la filière bovine européenne, les farines animales sont donc de retour, au travers des PAT.

Face à cette attitude à la fois critiquable et inopportune de l'Union européenne, vous rappelez que nos autorités et nos élus ne se sont pas tant inquiétés du risque sanitaire, que du message envoyé aux consommateurs français, en ces temps d'incertitude et de craintes ravivées concernant leur alimentation.

Certaines personnes à Bruxelles auraient pu s'interroger sur l'intérêt de donner un tel signal ! Heureusement qu'hier, par la voix de son ministre de l'agriculture, la France, ainsi que tous les acteurs de la filière aquacole nationale, se sont engagés à ne pas utiliser les PAT dans les élevages.

Tout le monde se réjouira donc que les pâtes – et non les PAT ! – restent l'apanage dans notre pays des enfants et des amateurs de cuisine italienne, même si, plus sérieusement, tous les poissons consommés en France n'y sont malheureusement pas produits, loin s'en faut.

Cette proposition de résolution est opportune aussi en ce qu'elle se penche sur les causes de la décision de la Commission et met l'accent sur l'origine de cette évolution inquiétante. La décision de la Commission ne s'explique pas uniquement par sa faible résistance aux pressions qu'elle a subies. Le coeur du problème est qu'aussi longtemps qu'existera une filière agro-alimentaire, il sera impératif pour tous ses acteurs de valoriser ses déchets. Ce qu'on appelle les coproduits non consommés représente un volume conséquent, trop important pour le négliger.

D'où la vraie question sous-jacente : comment valoriser ces sous-produits ? Les farines animales restent, à ce jour, l'unique réponse de l'industrie à ce problème.

Une autre piste pourrait être la généralisation de l'utilisation de ces farines pour l'agriculture biologique comme « amendement azoté », car elles sont riches en azote et assimilables par les plantes.

Il faut aussi s'interroger sur les logiques de filière. En France, la totalité du coût de l'équarrissage est supportée par les acteurs privés – environ 15 % pour les éleveurs et 85 % pour les abatteurs. La situation est bien différente dans d'autres pays, comme l'Allemagne, où cette prestation fait l'objet d'un financement public régional à hauteur de 50 à 66 % selon les Länder – ce qui rend moins pressant le besoin économique de valoriser à tout prix ces farines. Par ailleurs, notre périmètre normatif très rigoureux engendre davantage de charges chez nous que chez nos voisins européens.

Monsieur le président, votre proposition de résolution vient courageusement interpeller l'Europe sur ce sujet sensible et lui rappeler que cette décision précipitée crée sans doute plus de problèmes qu'elle n'imagine en régler. J'appelle donc tous les membres de la Commission à la soutenir.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion