Monsieur le président, vous avez pris une bonne initiative. Il aurait été inexplicable que la commission des Lois ne fasse pas connaître à la commission présidée par l'ancien Premier ministre, M. Lionel Jospin, sa position en toute liberté. Et dans la mesure où ce ne sont pas les groupes qui s'expriment, nous avons l'occasion d'affirmer quelques positions iconoclastes. Profitons-en !
Dans un premier temps, vous avez soulevé le problème des parrainages. Je vous rejoindrai mais m'éloignerai un peu de vous s'agissant de l'obligation d'obtenir la signature de 500 parrains.
Ce système a été souvent critiqué. Certains estiment qu'il permettrait d'éliminer un candidat représentant un courant de pensée significatif de la vie politique française – comme M. Charles Pasqua ou M. Dominique de Villepin. Certains ont relevé que le Front national aurait pu être éliminé en 2007 ou en 2012. En réalité, nul ne sait si ce prétendu barrage constitutionnel invoqué par le Front national était invalidant ou, au contraire, source de motivation pour ses sympathisants. Je constate en tout cas que la victimisation a toujours été l'argument essentiel du Front national et qu'à chaque fois, il a pu présenter un candidat.
Un candidat obtenant moins de 2 % des voix n'est pas forcément un candidat farfelu. Bien sûr, il y a eu des candidats farfelus comme M. Barbu, M. Ducatel, voire M. Cheminade. En tout cas, je constate que la règle des 500 signatures a rempli son rôle et que les candidatures farfelues n'existent plus en réalité.
Reste que de nombreux élus refusent désormais de donner leur parrainage. Certains estiment que la publicité donnée aux parrainages leur cause un préjudice important dans leur commune, en particulier en milieu rural. C'est un problème, alors même que le vote républicain est attaché à la notion de secret, surtout dans les désignations de personnes publiques.
Lorsqu'un candidat a recueilli plus de 500 signatures, 500 seulement de ces signatures sont tirées au sort et rendues publiques. Mon sentiment est qu'il faut rendre publics tous les noms des parrains. Et je suis d'accord avec vous pour que les parrainages, une fois validés, soient publiés au fur et à mesure.
Maintenant, qui peut être choisi comme parrain ? Faut-il se limiter aux maires et aux élus, sachant que les maires représentent 80 % des parrains ? Faut-il ouvrir la possibilité de parrainer un candidat à l'élection présidentielle à un vaste corps électoral qui serait composé de tous les conseillers municipaux ? Cela amènerait à relever de manière très importante le nombre de parrains, et nous irions dans le sens de votre proposition. Faut-il l'ouvrir aux partis qui ont des élus, nationaux, au Sénat, à l'Assemblée ou au Parlement européen ? Faut-il l'ouvrir, comme pour les référendums d'initiative populaire, à quelques dizaines ou centaines de milliers d'électeurs élus ou non élus ?
Toute réforme entraînera davantage de difficultés que la loi actuelle. Cela dit, nous pourrions suggérer un système alternatif, inspiré de la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 sur les référendums d'initiative populaire – demandés par un cinquième des membres du Parlement, soutenus par un dixième des électeurs inscrits. Ce pourcentage aboutissant à un nombre astronomique de signatures, on pourrait adopter le nombre que vous avez proposé, soit 350 000 signatures, ou peut-être 500 000 signatures. Il y aurait ainsi d'un côté 500 000 signatures de citoyens et de l'autre 500 signatures d'élus. On peut en discuter. Mais en tout état de cause, par nécessité de transparence, le nom de chaque signataire devrait être rendu public.
La commission Jospin a été saisie des modalités de financement de la campagne présidentielle. Selon moi, les règles ne sont pas susceptibles d'être remises en cause. J'ai pourtant été fortement interpellé par les déclarations – publiques – de M. Roland Dumas, ancien président du Conseil constitutionnel : l'élection présidentielle et les comptes ont été validés en 1995 à 5 voix contre 4, alors que les comptes de M. Balladur et M. Chirac auraient dû être rejetés. M. Dumas a dit avoir préféré une injustice à un désordre. Soit. Je tiens à rappeler que la justice pénale est encore actuellement saisie du litige, mais je note qu'aucun candidat n'a encore été mis en examen. Je ne sais pas si ce sera toujours le cas à l'avenir.
En réalité, le problème relève plutôt de la nomination et de l'indépendance des membres du Conseil constitutionnel, dont les décisions se doivent d'être incontestables. Je pense donc que c'est à ces deux exigences, l'indépendance des membres du Conseil et l'aspect incontestable de leurs décisions, que l'on devrait s'intéresser.
Monsieur le président, nous avons été également saisis de la question du calendrier. En 2002, lorsque nous avons dû nous prononcer à ce sujet, les radicaux de gauche ont proposé l'élection présidentielle et les élections législatives aient lieu le même jour. Se poserait bien évidemment, dans le cadre de la réforme constitutionnelle, le problème du deuxième tour. Je rappelle qu'aux termes de la Constitution, le délai de quinze jours entre les deux tours de la présidentielle n'a été fixé que pour permettre des désistements – celui du candidat arrivé en deuxième position en faveur du candidat arrivé en première position – ce qui demandait un certain temps. Tout le monde se rend bien compte que cela n'a plus aucun intérêt. Une harmonisation s'impose donc.
Quant au statut juridictionnel du Président de la République élu, je pense qu'il n'y a aucune raison de le modifier. Le tribunal correctionnel de Paris vient de condamner le président Chirac pour des délits commis avant son élection. Il a ainsi justifié le statut tel qu'il existe actuellement, même si on peut espérer l'améliorer avec la loi organique en cours d'examen.
La commission Jospin devra se prononcer sur les conséquences de la suppression de la Cour de justice de la République. Pour ma part, je ne suis pas du tout persuadé qu'il faille supprimer cette cour. Aurait-on dû, dans l'affaire du « sang contaminé », renvoyer les trois responsables devant une cour d'assises – si l'on retenait la qualification d'empoisonnement – ou devant un tribunal correctionnel ? Croyez dans la sagesse d'un avocat qui termine sa vie d'avocat : je me méfie de l'idée de s'en remettre à la justice des cours d'assises ou à celle des seuls magistrats de profession. Cela ne m'apparaît pas être la meilleure des solutions pour des infractions commises dans l'exercice des fonctions de ministre.
De la même façon, la commission Jospin devra se prononcer sur les modes de scrutin. L'ajout d'une dose de proportionnelle pour les élections législatives semble faire consensus. Elle aurait le mérite d'assurer une meilleure représentation de l'opinion et de renforcer la participation électorale. Pour autant, de tels arguments ne me semblent guère convaincants. Permettre à des extrémistes de droite ou de gauche de siéger à l'Assemblée nationale ne renforcera pas la légitimité de celle-ci. Ils sont déjà présents au Parlement européen, dans les conseils régionaux et même ici : que veut-on de plus ? Par ailleurs, la République a trop souffert de l'instabilité parlementaire sous la IVe République pour que l'on n'en tire pas des conséquences.
Le nombre de députés apparaît à peu près intangible. L'élection de 100 députés élus à la proportionnelle amènerait à chambouler toute la carte électorale. Les contestations seraient multiples. Tout le monde n'a pas les ciseaux de M. Pasqua et son habileté ! Cela ruinerait bien évidemment dans l'opinion le surplus de légitimité qui aurait pu être obtenu.
Quitte à faire une révolution électorale, je peux vous en proposer une, qui avait été proposée par un certain nombre de professeurs de droit : l'élection du Sénat à la proportionnelle intégrale. Une telle réforme amènerait de nombreuses femmes au Sénat – un sénateur sur deux serait une femme. Elle détruirait peut-être le lien avec les collectivités territoriales, mais renforcerait la légitimité électorale du Sénat. Le principe de stabilité serait par ailleurs préservé, puisque le dernier mot revient à l'Assemblée nationale. Nous gagnerions sur les deux tableaux.
Le 12/10/2012 à 09:58, YVAN BACHAUD (retraité) a dit :
Sur la cour de justice de la République. RAPPEL HISTORIQUE..
Le RPR avait en 1993 en 4 ème de 20 promesses l'instauration du référendum d'initiative citoyenne DANS l’année 1993 Rappelons que N.SARKOZY , dont l'UMP parle beaucoup en ce moment, s'était fait élire député sur cette promesse et que ministre d'Etat avec M. BALLADUR il a bien réuni un congrès en hâte, en juillet 93, mais pas pour instaurer le RIC PROMIS, mais la Cour de justice de la République alors que dans une sondage du 19.11.92 à peine 6 mois plus tôt 80% des Français avaient dit qu'ils voulaient que les ministres soient jugés comme les autres citoyens.
En Italie où le RIC existe pour abroger les lois, en 1987 il y a eu 85% de OUI a l'abrogation d'une loi qui prévoyait que pour poursuivre un ministre il fallait l'autorisation DISCRÉTIONNAIRE d'une commission parlementaire inquirente .
Il est grand temps de supprimer la cour de justice de la république qui n'aurait jamais vu le jour si le peuple n'était pas scandaleusement réduit au silence entre deux scrutins de même niveau.
Nous attendons de voir ce que fera la nouvelle assemblée nationale..
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