Intervention de Ségolène Neuville

Séance en hémicycle du 14 mai 2013 à 15h00
Réforme de la biologie médicale — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSégolène Neuville, rapporteure de la commission mixte paritaire :

Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, nous allons voter aujourd'hui le texte, issu des travaux de la commission mixte paritaire, de la proposition de loi relative à la réforme de la biologie médicale.

Contrairement à ce que pourrait laisser entendre son titre, cette réforme ne se limite pas à une profession médicale : elle intéresse tous les Français, car elle est nécessaire à la qualité des soins, donc à la sécurité des patients. Les biologistes médicaux ont participé activement à la rédaction de cette proposition de loi, car ils attendent depuis plusieurs années un cadre juridique clair leur permettant d'exercer leur profession. Au terme d'un long travail, nous sommes parvenus à un texte équilibré, qui pose les bases d'une biologie médicale moderne, au service des patients.

Je veux affirmer à nouveau, devant vous, que l'on ne devient pas biologiste médical par hasard. Comme pour les autres professions de santé, on choisit d'être biologiste médical d'abord parce que l'on souhaite soigner les gens, ensuite parce que l'on souhaite contribuer à notre système de santé, qui est exceptionnel à bien des égards, enfin parce que l'on souhaite faire progresser l'accès aux soins pour tous. Le patient est en permanence au coeur des préoccupations de tous les professionnels de santé. Aujourd'hui, il est au coeur de nos préoccupations de législateurs.

La France se distingue par un nombre de biologistes largement supérieur aux autres pays européens : 16,5 pour 100 000 habitants, contre 5,8 en moyenne dans les États membres de l'Union européenne. La biologie médicale française se distingue aussi par un nombre important de structures de proximité. Comparativement aux autres pays européens, les laboratoires sont très nombreux et de plus petite taille. Aujourd'hui, 58 % des laboratoires sont de petites structures de moins de dix salariés.

Ces quinze dernières années, une diminution du nombre de laboratoires s'est très nettement amorcée, du fait de regroupements et de rachats. Malgré des baisses de tarifs, l'attractivité du secteur reste grande et a provoqué une forme accrue de financiarisation du secteur. C'est aussi contre cette financiarisation que nous légiférons aujourd'hui, car la biologie médicale n'est pas un commerce. Certes, nous vivons en économie libérale, mais la santé n'est pas un bien de consommation. Il ne faut pas oublier que les laboratoires de biologie sont rémunérés en grande partie par l'assurance maladie : il n'y a aucune raison pour que cet argent enrichisse des groupes financiers.

Revenons au texte : lors des travaux de la commission mixte paritaire, les articles 1er à 3 n'ont pas été discutés, ayant été votés conformes par les deux assemblées. Les dispositions de ces articles ratifient l'ordonnance du 13 janvier 2010 et précisent la définition de l'examen de biologie médicale, tout en excluant l'anatomo-pathologie.

L'article 4, qui précise l'encadrement juridique du prélèvement d'un examen de biologie médicale et accorde une dérogation à l'Établissement français du sang pour son implantation territoriale, a été adopté par la CMP dans sa rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale. La principale modification apportée par l'assemblée résidait dans le remplacement de l'expression « phase pré-analytique » par le terme « prélèvement », de façon à limiter la partie de l'examen réalisable en dehors du laboratoire au seul prélèvement. Cette modification, qui va dans le sens de la médicalisation de la profession, a fait consensus au sein de la CMP.

L'article 5 n'a pas été discuté par la CMP, car il avait également été voté conforme par les deux assemblées. Il rétablit l'interdiction des ristournes, afin d'éviter que les établissements de santé aient recours préférentiellement à certains laboratoires privés en mesure d'accorder des remises sur les tarifs.

L'article 6, qui avait été supprimé par le Sénat puis rétabli par l'Assemblée, a été adopté par la CMP. Il s'agit de laisser la possibilité à certains médecins ou pharmaciens titulaires d'une discipline mixte – comme, par exemple, l'hématologie – mais non titulaires du diplôme de biologie médicale d'exercer la biologie médicale dans les centres hospitaliers universitaires.

L'article 7 a été adopté par la CMP dans la version issue des travaux de l'Assemblée nationale. Cet article contient une des avancées majeures de cette loi : il s'agit de la qualité des examens et de leur accréditation. L'objectif d'accréditation de 100 % des examens a donc été fixé pour 2020, avec plusieurs paliers intermédiaires. Certains ont demandé : pourquoi fixer cet objectif à 100 %, alors que 90 % pourraient suffire ? Je leur pose à mon tour une question : si vos parents, vos enfants ou vous-mêmes faisiez réaliser un examen par un laboratoire, accepteriez vous que cet examen fasse partie des 10 % non accrédités ? Surtout, comment choisir les examens qui ne nécessiteraient pas d'accréditation ? S'agit-il d'examens moins importants, moins utiles que d'autres ? Mais s'ils sont moins importants ou moins utiles, est-il légitime de les réaliser ?

Certains ont estimé que cette accréditation serait trop coûteuse. Je comprends cet argument, comme l'ensemble de la CMP. Mais pouvons-nous nous permettre de sacrifier la qualité au coût ? L'accréditation est la meilleure façon de réaffirmer le caractère médical de la profession, sans quoi nous risquerions de devoir nous aligner sur les autres pays européens, pour lesquels les actes de biologie sont des prestations de service effectués par de grands groupes.

Par l'article 8, nous réaffirmons qu'il faut limiter la financiarisation du secteur, car elle est dangereuse pour les patients qui risquent, si nous ne faisons rien, d'être renvoyés vers des plateformes techniques et de perdre les laboratoires de proximité. Un amendement à cet article a été adopté par la CMP : il vise à fixer une participation minimale pour les jeunes biologistes associés. Cette modification fait elle-même l'objet d'un amendement du Gouvernement que nous examinerons aujourd'hui.

La CMP a adopté l'article 10 dans sa rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale, et a maintenu la suppression de l'article 10 bis, qui réglementait les tarifs du COFRAC, organisme indépendant chargé de l'accréditation. Néanmoins, pour plus de transparence quant au coût de l'accréditation, l'ensemble de la CMP soutient pleinement la proposition du sénateur Jacky Le Menn de faire figurer ce sujet parmi les enquêtes sollicitées auprès de la Cour des comptes.

En conclusion, l'objectif de ce texte est de poser les bases d'une biologie médicale où l'humain passe avant le reste. Je crois que c'est là l'essentiel. À vrai dire, s'il ne fallait retenir qu'une phrase de mon exposé – qui est, je le reconnais, assez technique –, ce serait celle-ci.

Enfin, je tiens à remercier et à féliciter tous ceux et toutes celles qui ont travaillé avant moi sur cette réforme avec le souci commun de l'intérêt du patient. Ne perdons pas de vue que notre objectif commun doit être le patient, toujours le patient ! Garantir la qualité des soins, renforcer le caractère médical de la profession et sécuriser les laboratoires : toutes ces mesures ont pour point commun de garantir partout et pour tous l'accès à des soins de qualité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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