Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues – M. le rapporteur ne devrait certainement pas tarder –, on comptait fin mars 2013 3,22 millions de chômeurs, soit une augmentation de 11 % en un an, 1 300 demandeurs d'emploi supplémentaires par jour, une hausse du nombre de défaillances d'entreprises de 3 % en 2012 et une augmentation de 13 % des procédures ouvertes au cours des trois derniers mois par rapport à la même période en 2011. Avec un PIB en recul de 0,2 % au premier trimestre, notre pays est officiellement en récession.
« J'ai bien conscience d'une récession », avoue le Président. Mais il semble encore croire que la croissance se décrète. Pas une semaine ne passe sans que nous ayons connaissance de licenciements dans nos circonscriptions respectives. Certains, massifs, font la une des médias, mais ceux dont on parle moins, additionnés les uns aux autres, concernent des milliers de familles qui vivent dans l'angoisse du lendemain.
Les chiffres parlent d'eux-mêmes. La politique du Gouvernement en matière de lutte contre le chômage se solde par un échec – désolée, monsieur le ministre ! Tous les clignotants virent au rouge. C'est pourtant la préoccupation première des Français. Quand j'entends le Président de la République ne citer que les emplois d'avenir, les contrats de génération et le crédit d'impôt compétitivité emploi comme remède au chômage, le pire est à craindre. Contre le chômage, nous n'avons pas tout essayé mais nous n'avons pas tous non plus les mêmes recettes.
Pour nous, la première des exigences est de dire la vérité aux Français. C'est une question de respect et on ne construit rien sur le mensonge. Or, pendant la campagne électorale, le candidat et sa majorité – ô combien nombreuse sur ces bancs cet après-midi ! – se sont bien gardés de décrire la réalité du contexte économique, d'où une immense déception.
Par pur calcul électoral, pour aller chercher les voix à sa gauche, le parti socialiste n'a pas fait la pédagogie du monde contemporain et a préféré multiplier les promesses démagogiques. D'où le sentiment de trahison, particulièrement ressenti chez les ouvriers et les employés, que vous risquez de pousser dans les bras des populismes et des extrémismes. Votre devoir, notre devoir collectif, est pourtant de faire preuve de lucidité, de responsabilité et de courage, si nous voulons sortir notre pays de la crise. Une crise, qui, si l'on est optimiste, peut être vécue comme une opportunité et, si l'on est pessimiste, est perçue comme un danger. Mais il faut l'expliquer et surtout le prouver, par des actes concrets.
Alors, rien d'étonnant au dépôt de cette proposition de loi défendue par M. Chassaigne avec la passion qu'on lui connaît, visant à interdire les licenciements boursiers. Nous reconnaissons aux élus du Front de gauche leur constance et la cohérence de leurs engagements en la matière. Faisons, avec eux, le constat que l'opinion publique se dit majoritairement choquée par les annonces de licenciements dans des entreprises qui font des bénéfices et qui, dans le même temps, versent des dividendes aux actionnaires. Que cette même opinion publique s'interroge alors sur l'augmentation immédiate du cours des actions de ces entreprises en bourse et qu'elle observe un décalage avec l'économie réelle.
D'où, probablement, le trente-cinquième engagement du candidat Hollande, visant à « renchérir le coût des licenciements collectifs » pour les entreprises qui versent des dividendes ou rachètent leurs actions. Devenu président, il se ravise et annonce une loi à venir cette année. Mais pas une loi interdisant les licenciements boursiers : tout au plus annonce-t-il « une traduction pour renchérir un certain nombre de licenciements ou pour faire en sorte que la précarité soit combattue davantage qu'elle ne l'est aujourd'hui ». Qu'en termes sibyllins ces choses-là sont dites ! Et toujours le même décalage entre les discours et les actes d'un pompier pyromane que plus personne ne croit…