Intervention de Richard Ferrand

Séance en hémicycle du 16 mai 2013 à 15h00
Interdiction des licenciements boursiers et des suppressions d'emplois abusives — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRichard Ferrand :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le constat qui fonde la proposition de loi que porte notre excellent collègue André Chassaigne n'est pas un motif de divergences.

Il est toujours utile et même nécessaire que, dans notre assemblée, dans ce haut lieu de notre vie démocratique, les situations humaines et sociales déchirantes soient évoquées.

Notre peuple compte aussi sur notre capacité de lutte et d'action face aux injustices que subissent un certain nombre de nos concitoyens en raison de ce que l'on nomme les « licenciements boursiers ».

Personne ne peut, certes, s'arroger le monopole de la solidarité avec le monde du travail, et ce n'est pas sur l'objectif poursuivi que nous divergeons, mais sur les méthodes et les moyens de l'atteindre.

Oui, nous avons l'obligation d'agir fortement pour enrayer un processus qui broie des vies humaines et des familles, qui ne relève que rarement du sens commun économique, et qui, souvent, résulte de la seule cupidité de quelques-uns.

Les licenciements dits boursiers obéissent à la même logique que celle des marchés financiers : la rentabilité à court terme et la rémunération maximale des actionnaires au détriment de la vie des salariés.

Sacrifier l'intérêt général, l'intérêt collectif à quelques intérêts particuliers est intolérable : la gauche, faut-il le rappeler, est née du combat contre l'injustice sociale.

Mais au fond, ce qui nous réunit aujourd'hui est de savoir si, à l'heure où s'opère une mutation du dialogue social dans notre pays, nous devons freiner collectivement cette nouvelle dynamique.

Engagement solennel du Président de la République immédiatement mis en oeuvre, la méthode du dialogue social véritable est une réalité en devenir dans le paysage démocratique français, dans les relations entre partenaires sociaux et dans nos entreprises.

Tel a été le sens de la grande conférence sociale lancée en juillet 2012 ; tel sera le sens de la prochaine conférence sociale des 20 et 21 juin prochains.

Tel est également le sens du projet de loi constitutionnelle relatif à la démocratie sociale.

Le premier fruit de ce travail fécond fut la loi de sécurisation de l'emploi, qui a résulté à la fois de plusieurs mois de négociations et d'un dense travail parlementaire.

Ainsi, très concret sera le droit des salariés d'être représentés avec voix délibérative au sein des conseils d'administration des grandes entreprises. Cette nouvelle possibilité, revendication historique de l'ensemble des gauches, permettra aux salariés de participer à la stratégie des entreprises, et éventuellement d'alerter en amont des risques de plans de licenciements sans motifs économiques valables.

J'ai la conviction que cette transparence aura un effet bien plus dissuasif que toute nouvelle norme législative ou réglementaire ; ce sera un puissant levier d'action.

Évoquons également le droit d'alerte, instauré lui aussi par la loi de sécurisation de l'emploi. Cette procédure d'information et de consultation au cours de laquelle le comité d'entreprise peut demander des explications avec l'appui d'un expert, confie aux salariés un outil pour contrôler l'utilisation des aides publiques.

Enfin, dernier élément – mais non le moindre –, l'obligation de chercher un repreneur, que la proposition de loi visant à redonner des perspectives à l'économie réelle et à l'emploi industriel inscrira dans notre droit, sera une avancée nécessaire et utile.

Ainsi, si le texte à l'ordre du jour pose les bonnes questions, les réponses proposées ne nous paraissent pas adéquates.

Démocratie sociale réelle, participation au conseil d'administration, expertise et exercice du droit d'alerte sont des outils de nature à permettre, si le monde du travail s'en saisi, le rééquilibrage des rapports sociaux dans les entreprises, sur le terrain, au plus près de la vie quotidienne.

Pas plus qu'une loi contre le mensonge n'empêchera jamais celui-ci, aucun texte ne suffira à empêcher la prospérité de ce que d'aucuns avaient naguère nommé les « patrons voyous ».

L'enjeu est ailleurs : il est de faire naître et se développer une culture de la confiance et du respect entre partenaires sociaux, une culture du dialogue, de la protection des salariés et de la réussite des entreprises.

Notre ambition doit être la réussite économique partagée, et non une loi dont l'efficacité serait nulle et qui n'apporterait aucune autre satisfaction que celle d'avoir été adoptée.

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