À tout cela s'ajoutait évidemment un discours stigmatisant envers le logement HLM et les personnes qui y vivent. Tout cela pour justifier l'injustifiable comportement des maires récalcitrants qui préfèrent voir s'étendre la crise plutôt que de construire des logements sociaux.
Le logement était considéré comme un bien comme les autres. Ni l'explosion des prix, et en premier lieu des loyers, ni les difficultés croissantes de nos concitoyens à se loger dignement à un tarif abordable n'ont poussé l'ancienne majorité à faire évoluer ses propres concepts.
Le texte qui nous est présenté aujourd'hui marque en cela une vraie rupture. Il constitue une première étape dans la refondation nécessaire de la politique du logement. Il remet à leur place les vraies priorités et commence par ce qui est le plus urgent : créer les leviers nécessaires pour construire davantage de logements accessibles au plus grand nombre.
L'objectif est connu et ambitieux : construire 500 000 logements par an, dont 150 000 sociaux. C'est 100 000 de plus que le rythme actuel.
Il nous faut pour cela répondre aux deux grands problèmes du logement aujourd'hui en France : le manque de terrains à construire, notamment dans les zones denses, qui explique pour partie l'envol des prix ; et la pénurie de logements sociaux, tout particulièrement pour nos concitoyens aux revenus les plus faibles.
Pour y parvenir, le Gouvernement traduit dans la loi deux engagements forts du Président de la République. D'une part, l'État mobilisera son foncier et le cédera aux collectivités avec une décote qui pourra aller jusqu'à la gratuité complète. D'autre part, les villes seront très fortement incitées à construire, grâce à l'obligation de compter 25 % de logements sociaux d'ici à 2025, et à la multiplication par cinq des amendes pour les communes récalcitrantes.
Cette mobilisation du foncier public est sans précédent. Elle demande un changement important de la manière dont l'État considère et gère son patrimoine. Alors que depuis vingt ans les terrains étaient vendus avant tout dans une optique de rentabilité financière, il sera désormais demandé aux administrations de participer à l'effort national pour le logement. Les résistances risquent d'être fortes et vous pouvez compter sur le Parlement, monsieur le ministre, pour jouer son rôle de contrôle de l'action de l'État.
Elle permettra également de construire sur des emprises situées en règle générale au coeur des zones denses, c'est-à-dire déjà intégrées à la ville, à ses commerces, à ses emplois, à ses transports. Il n'est pas question de recommencer les erreurs d'urbanisme des années soixante.
Le mécanisme adopté pour appliquer la décote permet aussi d'intégrer une notion que nous défendons sur ces bancs depuis longtemps : l'utilité sociale de chaque type de logement n'est pas identique. Ainsi plus les programmes de construction seront vertueux, c'est-à-dire concernant principalement des logements réellement accessibles aux revenus les plus faibles, plus l'effort de l'État à travers la décote sera important.
Le second angle de cette loi est l'approfondissement de la loi SRU avec le passage de 20 % à 25 % d'ici à 2025 du nombre de logements sociaux par ville et la multiplication par cinq des pénalités pour ceux qui refusent encore de construire.
Je ne compte plus le nombre d'attaques dont la loi SRU a fait l'objet lors de nos débats précédents dans cet hémicycle. Nous retrouvons d'ailleurs cette démarche dans de nombreux amendements de l'opposition.
La réalité c'est que 980 communes soumises à la loi SRU n'ont pas encore atteint les 20 % de logements sociaux. Parmi elles, 190 font l'objet d'un constat de carence. L'heure est à la mobilisation générale, pas à la recherche permanente d'excuses ou de moyens de contourner la loi. C'est précisément ce que ce texte met en place.
C'est notamment le cas du nouveau calcul du taux de rattrapage, qui va permettre une importante accélération des constructions. Jusqu'à maintenant, les communes avaient des objectifs triennaux correspondant à 15 % du total de logements sociaux manquants. Désormais, le taux de rattrapage pour la période 2014-2016 sera de 25 %, puis pour les suivantes de 33 %, 50 %, et enfin 100 % en 2025. Cela va très fortement inciter les communes à rattraper leur retard, car le prélèvement va également augmenter, en plus de la majoration qui pourra être quintuplée.
Grâce à cette loi, les municipalités devront assumer leurs responsabilités. Celles qui continueront, par idéologie, de refuser de construire du logement social auront à expliquer à leurs électeurs que 5 % des dépenses réelles de fonctionnement de leur commune partiront en pénalités et majorations. Pour les plus riches d'entre elles, ce sera même 10 %.
J'ouvrirai une rapide parenthèse pour le titre III relatif au Grand Paris. J'ai rédigé un rapport d'application de la loi Grand Paris en novembre 2011 avec mon collègue UMP Yves Albarello, le président Jean-Paul Chanteguet y a fait allusion. Nous avions mis en évidence un certain nombre de problèmes et de manques. L'impossibilité pour les départements et la région de signer des contrats de développement durable avec les communes en était un, et il est bien que le projet de loi permette cette mesure, demandée par tous les acteurs sur le terrain.
L'autre avancée est la prolongation jusqu'au 31 décembre 2013 du délai de soumission des CDT à enquête publique. Le calendrier était trop serré. Nous permettons d'avoir plus de temps et d'être ainsi plus en phase avec le futur SDRIF, qui doit être adopté dans les mois qui viennent.
Monsieur Apparu, les travaux de la commission des affaires économiques, qui s'est réunie pendant toute la journée de jeudi dernier, ont permis d'améliorer encore le texte et de le rendre plus efficace.
Je pense notamment à l'article et au mécanisme de la décote. Celle-ci sera plus ou moins importante en fonction de la volonté réelle de la commune de construire des logements sociaux. Nous avons également renforcé l'efficacité du dispositif de vente des terrains publics, afin d'en identifier le plus possible, et que les démarches aillent plus vite.
Concernant la loi SRU, nous avons voulu que les maires qui rattrapent leur retard uniquement avec des logements financés en prêt locatif social, fermant ainsi les portes de leur ville aux revenus les plus bas, soient dorénavant obligés de construire des logements accessibles à tous.
Je ne doute pas que le débat que nous allons avoir aujourd'hui et demain permettra d'améliorer encore un peu ce texte.
Nous l'avons bien compris, cette loi est une première étape, importante, fondatrice et urgente. Nous commençons dès aujourd'hui par la construction, nous avons raison, c'est elle qui constitue le coeur du problème.
Dans la continuité de ce qu'a pu être la loi SRU il y a douze ans, ce projet de loi constitue donc un moment important qui restera dans les mémoires. Car après des années d'abandon, la gauche donne les moyens à l'État de faire enfin son grand retour dans le domaine du logement. Il était temps. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)