Intervention de Vincent Feltesse

Réunion du 14 mai 2013 à 17h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaVincent Feltesse, rapporteur :

Même si la procédure accélérée a été engagée sur ce projet de loi qui, par ailleurs, est un bon texte, il nous est toujours possible de l'améliorer par voie d'amendements. Je déposerai à cette fin, en tant que rapporteur, plusieurs amendements et le gouvernement fera de même à la suite des discussions qui ont eu lieu.

J'ai regardé comment la question de l'enseignement et de la recherche avait été traitée durant les quinze dernières années par les majorités successives. Afin de savoir ce que deviennent les lois, une fois adoptées, j'ai relu en particulier les débats parlementaires sur la « loi LRU », ce qui m'a permis de connaître les positions de la ministre de l'époque et du rapporteur du texte, ainsi que les promesses faites par le gouvernement. De nombreux rapports pour avis ont été rendus et je tiens également à rappeler la qualité de l'expertise de M. Jean-Yves Le Déaut. Nous sommes tous d'accord, au sein de la Commission des affaires culturelles et de l'éducation : l'enseignement supérieur et la recherche constituent un enjeu crucial pour le pays – ce n'est pas nécessairement l'avis des autres commissions ou de tous les gouvernements qui se succèdent, indépendamment de leur étiquette.

Il s'agit, à mes yeux, de préparer l'avenir en fonction de trois problématiques. La première concerne les moyens de l'enseignement supérieur et de la recherche dans une stratégie, à laquelle j'adhère, de maîtrise de la dépense publique ; la deuxième, les conditions de vie des étudiants, et la troisième, la précarité.

Si nous pouvions, par-delà nos sensibilités politiques, converger sur la définition et l'élaboration d'une stratégie de défense à long terme de l'enseignement supérieur et de la recherche, nous serions plus forts pour empêcher que cette question cruciale ne soit traitée que tous les cinq ans, lors des campagnes présidentielles.

S'agissant de l'analyse de la situation actuelle, je vous invite, mes chers collègues, à prendre du recul et à tenir compte des réalités : taux effectif de réussite en licence par rapport aux objectifs fixés ; rapport de la Cour des comptes sur les PRES sept ans après leur création ; nombre d'universités dont le budget est déficitaire sur un an ou sur deux ans ; nombre d'étudiants en situation précaire ; taux d'insertion professionnelle – des dizaines de milliers d'étudiants quittent chaque année l'enseignement supérieur sans aucun diplôme.

Soyons lucides : si les universités fonctionnaient parfaitement, si les étudiants réussissaient de manière exemplaire, si les PRES étaient partout un succès et si nous n'avions pas le sentiment que l'ensemble des acteurs de l'enseignement supérieur et de la recherche sont aujourd'hui épuisés, à force de bricoler avec des bouts de ficelles, de répondre à des appels à projets et de régler des questions institutionnelles, le présent projet de loi ne serait pas nécessaire.

Mais le constat sur la précarité et l'illisibilité du système d'enseignement supérieur français a été largement partagé par l'ensemble des participants – venus très nombreux – aux Assises de l'enseignement supérieur et de la recherche.

D'autre part, le vote du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (CNESER) en faveur du présent projet de loi – alors qu'il en a rejeté d'autres par le passé – et la position de la Conférence des présidents d'universités (CPU) devraient nous inciter à modérer nos jugements.

Ce texte n'est pas d'inspiration technocratique. Je n'ai d'ailleurs rien, pour ma part, d'un technocrate : j'ai été pendant quelques années un praticien de l'enseignement supérieur et de la recherche, et suis désormais le responsable d'une agglomération assez importante, confronté aux réalités du terrain et aux réformes successives du système universitaire.

Madame Buffet, je n'ai pas parlé de continuité avec la « loi LRU » : j'ai indiqué que l'autonomie des établissements était une préoccupation constante depuis la « loi Faure » – votée en novembre 1968 par l'ensemble des forces politiques à l'exception des députés communistes, qui se sont abstenus.

En ce qui concerne la gouvernance des universités et les risques de conflits, voire de paralysie, que vous relevez, chers collègues de l'opposition, je vous invite à relire le rapport remis par M. Philippe Aghion à la ministre Valérie Pécresse en 2010 : la dyarchie qui existe au sein des universités françaises se retrouve presque partout dans le monde. En outre, vous évoquez un déséquilibre entre les prérogatives du conseil académique et celles du conseil d'administration, alors que tel n'est pas le cas. Enfin, vous nous reprochez de remettre en cause l'autonomie des universités, mais vous avez vous-mêmes une attitude contradictoire : plusieurs d'entre vous ont déposé un amendement tendant à créer une instance supplémentaire, le conseil d'orientation stratégique, alors que le présent projet de loi permet déjà au conseil d'administration de mettre en place un tel organe.

Nous avons examiné de près la composition et le fonctionnement des conseils d'administration avant la « loi LRU », depuis cette loi et tels qu'ils sont prévus par le présent projet de loi. Celui-ci favorise un fonctionnement plus démocratique des conseils universitaires et en améliore la représentativité, sans remettre en cause – ce point fait d'ailleurs débat au sein de la gauche – le pouvoir du président, nécessaire pour que l'université puisse déployer une stratégie.

S'agissant de la réussite des étudiants, vous trouvez le projet « bavard ». Or, il apporte des améliorations non négligeables au code de l'éducation. Surtout, avec le principe de continuité entre le second cycle de l'enseignement secondaire et le cycle de licence, l'instauration de quotas en faveur des bacheliers professionnels et technologiques pour l'accès aux STS et aux IUT, et les dispositions relatives à l'international, il crée les conditions nécessaires à la réussite des étudiants. De plus, je présenterai des amendements visant à préserver les stages. Je vous invite à nouveau, chers collègues, à tenir compte des taux d'échec et de décrochage des étudiants.

Vous estimez, monsieur Hetzel, que la question de l'insertion professionnelle constitue l'« angle mort » de mon rapport. Cependant, j'assume les propos que j'ai tenus à ce sujet. Le gouvernement présentera un amendement – qui suscite d'ailleurs des débats entre nous – tendant à ajouter au sein du conseil d'administration, parmi les personnalités extérieures, un troisième représentant du monde économique et social. La « loi LRU » n'était pas allée aussi loin.

Mes propos concernant le MEDEF ne sont en rien une provocation. Cependant, j'ai été surpris de ne pas pouvoir entendre leur avis. L'université doit être ouverte sur le monde de l'entreprise et les territoires. Je regrette également que les syndicats de salariés – si ce n'est les syndicats internes au système universitaire – ne se soient pas davantage exprimés, alors qu'ils ont des positions à faire valoir, notamment sur les liens qu'il convient de créer entre la formation professionnelle et l'enseignement supérieur.

Vous nous reprochez de créer une nouvelle « usine à gaz » avec les communautés d'universités et établissements. Pourtant, le projet de loi ne crée aucune superstructure supplémentaire. Il prévoit plusieurs dispositifs de regroupement des établissements, souples et fonctionnant de manière démocratique – la ministre y reviendra certainement en détail. D'autre part, il est urgent d'agir : compte tenu des enjeux, nous ne pouvons pas nous permettre de mettre quinze ans à réaliser une fusion d'universités, comme cela a été le cas dans le Sud-Est.

S'agissant des points soulevés par Mme Marie-George Buffet, notamment en ce qui concerne les conditions de vie des étudiants, nous pouvons poser des jalons pour l'avenir. C'est pourquoi je propose la rédaction d'un Livre blanc sur l'enseignement supérieur et la recherche, qui abordera tant la stratégie que les moyens et la programmation. Il n'y a pas raison que notre politique de défense fasse seule l'objet d'un Livre blanc !

Nous débattrons également de la substitution de l'accréditation des établissements à l'habilitation des diplômes, ainsi que de l'instauration d'un cadre national des diplômes. Le projet permet, là aussi, de parvenir à un point d'équilibre.

Enfin, nous aurons un débat approfondi sur la langue des enseignements. L'article 2 prévoit des exceptions à la « loi Toubon » de 1994, mais il ne s'agit nullement de bannir l'usage du français à l'université ! Ces nouvelles dispositions visent non seulement à permettre aux étudiants étrangers d'étudier en anglais dans notre pays, mais aussi à corriger une injustice : dans les grandes écoles, les étudiants ont accès à de nombreux cours dispensés en langue étrangère, alors que tel n'est pas le cas à l'université. Les universités françaises ont en outre vocation à accueillir des étudiants étrangers. Certains de nos collègues socialistes ont d'ailleurs déposé des amendements à ce sujet, notamment sur la question des visas.

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