Je partage les arguments que le rapporteur vient de développer.
Le projet de loi contient 69 articles et repose sur deux grandes priorités : favoriser la réussite pour tous les étudiants quels que soient leur baccalauréat et leur origine sociale, et répondre aux enjeux sociétaux de la recherche. Je regrette donc que la discussion se focalise sur l'article 2 et prenne une tournure passionnelle liée à la question de la langue. Ce débat a certes le mérite d'attirer l'attention sur l'enseignement supérieur et la recherche, mais il ne doit pas occulter le reste du texte.
Aujourd'hui, 790 formations sont dispensées partiellement ou exclusivement en langue étrangère – très majoritairement en anglais – dans les écoles et dans les universités françaises ; 600 d'entre elles le sont dans des écoles – dont 400 dans des écoles privées. Elles existent depuis au moins quinze ans et beaucoup de ceux qui se sont offusqués de cet article 2 ont d'ailleurs enseigné à l'étranger en langue anglaise. En outre, personne ne s'est opposé au développement de ces enseignements dans les grandes écoles ou dans les écoles de commerce. Pourquoi cela serait-il refusé aux étudiants des universités, qui proviennent souvent de milieux plus modestes, qui ont donc moins voyagé et qui n'ont donc pas eu les mêmes chances de pratiquer une langue étrangère ? Cette différence constitue un handicap pour leur CV et ce sujet mérite réflexion.
S'agissant ensuite de la francophonie, j'ai, comme le rapporteur, confiance dans la force du français. Partout dans le monde, j'ai constaté l'appétence pour la France, sa culture, sa tradition d'accueil et ses formations de qualité. Pourtant, les étudiants des pays émergents comme le Brésil ou l'Inde – où l'on compte 60 millions d'informaticiens et où l'on veut doubler le nombre d'étudiants – sont principalement accueillis dans les universités anglo-saxonnes. Beaucoup voudraient venir en France, mais se heurtent à l'obstacle de la langue. Ils sont prêts à apprendre le français, encore faut-il leur proposer d'abord des enseignements dans un anglais de spécialité.
J'y insiste, il s'agit là non pas d'un anglais de culture, d'un anglais hégémonique, mais d'une langue de spécialité qui concerne certaines disciplines scientifiques et technologiques – celles-là même où nous manquons de vocations et où les contacts noués entre étudiants peuvent tout à la fois améliorer le curriculum vitae de nos propres étudiants et faire naître des partenariats dont bénéficiera ensuite la balance de notre commerce extérieur. Contrairement à ce qui a été dit, nous améliorerons ainsi le rayonnement de notre culture et de notre université car ces jeunes, aujourd'hui, ne viennent pas en France. La disposition n'aura aucun impact négatif sur la francophonie.
Du reste, les enseignants qui maîtrisent cet anglais de spécialité ne sont pas si nombreux. Les moyens supplémentaires alloués tout au long du quinquennat permettront de recruter des professeurs étrangers pour dispenser un enseignement de qualité dans ces domaines.
L'action en faveur de la francophonie est d'un autre ordre. Nous devons aller davantage vers les pays du Maghreb et de l'Afrique subsaharienne – où les Chinois, soit dit en passant, sont très présents – pour nouer des partenariats qui ne soient pas seulement d'accueil. Aujourd'hui, 55 % des 290 000 étudiants que nous recevons viennent de ces zones. Leur nombre ne diminue pas. Mais ces pays francophones ont aussi besoin que l'on implante des formations chez eux. Nous avons signé des accords en ce sens avec le Maroc, qui peut jouer, comme le Sénégal, un rôle de sas par rapport à toute l'Afrique subsaharienne.
Cette action en direction des étudiants francophones est un des objectifs du quinquennat. Je rappelle que la francophonie représente actuellement 250 millions de personnes et concernera en 2050, selon les projections, 950 millions d'habitants sur une population globale de 9 milliards. Un chiffre sans commune mesure avec la population et la puissance économique de la France !
Bref, il ne faut pas considérer l'article 2 comme une menace pour la francophonie. Nous devrions être plus conscients et plus fiers de notre culture. Ce qu'il faut améliorer, c'est notre attractivité à l'égard des étudiants des pays émergents. Alors qu'elle était à la traîne, l'Allemagne a consenti cet effort et nous a désormais dépassés.
Il nous faut également améliorer les conditions d'accueil. La « circulaire Guéant » relative à l'accès à l'emploi des étudiants étrangers portait atteinte à l'image de notre pays. Son abrogation aura été un acte de salubrité publique, mais cela reste insuffisant. Par exemple, les étudiants étrangers doivent être accueillis dans des logements dignes. M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur, vous présentera également un projet de loi instaurant des visas pluriannuels au bénéfice des chercheurs et des étudiants étrangers, de manière à leur éviter des démarches pénibles et répétées pour obtenir des préfectures le renouvellement de leur titre de séjour.
Cela étant, je peux comprendre les préoccupations qui se sont exprimées. C'est pourquoi je suis ouverte à la discussion d'amendements de précision.