Intervention de Nicolas Dufourcq

Réunion du 15 mai 2013 à 9h00
Commission des affaires économiques

Nicolas Dufourcq, directeur général de la Banque publique d'investissement, BPI :

Notre activité d'investissement se décline, d'une part, en investissements directs dans le capital des entreprises françaises et, d'autre part, en placements dans des fonds d'investissement, qui eux-mêmes investissent dans le capital d'entreprises françaises.

Pour ce qui est de l'investissement direct, nous avons l'intention d'investir, entre 2013 et 2017, 9,2 milliards d'euros : 1,7 milliard dans les petites et moyennes entreprises (PME) et les « grosses » très petites entreprises (TPE), avec des tickets compris entre 500 000 et 4 millions d'euros ; 500 000 millions dans le capital-risque de notre pôle innovation ; et 7 milliards dans les grosses PME et les entreprises de taille intermédiaire (ETI), ainsi que pour des opérations exceptionnelles dans de grandes entreprises, comme nous avons pu le faire pour Eramet.

Pour ce qui est de l'activité fonds de fonds, elle devrait représenter 2,7 milliards d'euros dans les quatre prochaines années. Autrement dit, nous injecterons cette somme dans des fonds privés partenaires via plusieurs fonds de fonds issus des différentes conventions que nous avons signées avec nos partenaires, comme la convention France investissement, le programme d'investissements d'avenir (PIA) et le fonds multithématique qui nous sera confié au titre de l'extension du PIA.

S'agissant de la doctrine d'investissement, les éléments principaux sont simples.

D'abord, nous resterons actionnaires minoritaires. Ensuite, plusieurs secteurs nous sont interdits : la presse, les instituts de sondage, l'immobilier, la banque et – conformément au choix réalisé pour la répartition des tâches entre notre actionnaire, la Caisse des dépôts et consignations, et nous-mêmes – les infrastructures. Pour ces dernières, c'est CDC Infrastructure ou d'autres entités de la sphère publique qui investiront. Après en avoir été exclu, le tourisme fait désormais partie de notre spectre d'intervention potentiel, dans la mesure où OSEO – qui devient la branche financement de BPI France – finance dans une large mesure le tourisme français.

Les entreprises ciblées par BPI France sont les TPE, les PME, les ETI et, exceptionnellement, les grandes entreprises. Notre plan stratégique, qui sera présenté au second semestre, fait état d'un ticket de plusieurs centaines de millions d'euros dans une entreprise de très grande taille, et ce au minimum tous les dix-huit mois en moyenne. Ce type d'opération est imprévisible : il s'agit de défendre Danone ou Valeo quand ils sont attaqués, ou encore de racheter Eramet quand Areva souhaite s'en désengager. Pour le reste, il s'agira de faire des PME avec des TPE et des ETI avec des PME.

Nous intervenons en capital développement, en capital amorçage et en capital-risque, mais également dans le domaine du retournement en soutenant les repreneurs. Nous sommes en quelque sorte des architectes qui aidons les pompiers – sans être pompiers nous-mêmes. Les ministres et les présidents de conseil régional ont été unanimes à considérer qu'il est inenvisageable que BPI France ait une activité de retournement en direct. En effet, cela exige d'être majoritaire au capital de l'entreprise pour pouvoir réduire ses coûts et lui donner ainsi une chance de se redresser. En outre, la pression sur la puissance publique serait telle que les risques de pertes en capital seraient considérables. Le choix historique est donc maintenu : soit nous accompagnons des repreneurs, soit nous finançons des fonds d'investissement spécialisés dans le retournement et gérés par des sociétés de gestion indépendantes. Ainsi, l'un des rôles de BPI France est d'animer, voire de construire une profession française du capital retournement privé, laquelle prendra des participations majoritaires dans les entreprises en difficulté. Pour ce faire, nous mettons dans les fonds en question entre 30 % et 40 % de la mise.

Nous portons une attention particulière aux secteurs d'avenir pour notre pays que sont les biotechnologies, la transition écologique et Internet, pour lesquels nous avons des fonds dédiés. Nous lançons un fonds maladies rares ainsi qu'un fonds de capital-risque intensif qui nous permettra d'investir des tickets entre 10 et 50 millions d'euros dans des entreprises qui, soudainement, explosent après validation de leur technologie.

Notre dimension filière est d'ores et déjà assez avancée, puisque nous avons des fonds thématiques – équipementiers automobiles, nucléaire, ferroviaire, industrie du bois, industrie du patrimoine, mode. Nous lançons un fonds consacré aux savoir-faire d'excellence français. En indirect, nous finançons des fonds spécialisés dans les biotechnologies, Internet, l'agroalimentaire, etc. Cette dimension filière sera renforcée et prendra la forme, dans l'organisation de BPI France, d'une organisation matricielle autour de nos métiers verticaux – banque, investissement aux PME, investissement aux grandes entreprises, etc. – avec, en transversal, des dirigeants responsables de l'animation des communautés sectorielles, de la banque jusqu'à l'investissement.

Les objectifs de rendement que nous nous fixons s'appuient sur les taux qui ont été atteints historiquement par la Caisse des dépôts et consignations – représentée par CDC Entreprises et le Fonds stratégique d'investissement (FSI) – dans sa mission d'intérêt général et de politique publique. Entre 1995 et 2011, CDC Entreprises a réalisé en moyenne un rendement de 2 % sur ses investissements directs et indirects dans les entreprises. Selon nous, ce niveau est en parfaite cohérence avec la mission d'intérêt général confiée à la Caisse et désormais transférée à BPI France. Le FSI, quant à lui, enregistre un taux moyen de l'ordre de 6 %, qui correspond également, pensons-nous, à la mission d'intérêt général qui nous est confiée. Il s'agit bien de taux moyens : dans certains cas, des taux supérieurs nous permettront de financer des opérations où nous aurons pris des risques, pour lesquelles le taux sera proche de zéro, voire négatif, comme cela a été le cas pour des participations cotées du FSI.

Ainsi, la Banque publique d'investissement reste le produit de l'agrégation d'entités de caractère fortement public et nous continuons d'intervenir dans le cadre d'une mission d'intérêt général, ce dont il faut se féliciter.

Notre doctrine d'investissement intègre systématiquement des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). L'étude annuelle de CDC Entreprises, publiée chaque année en septembre-octobre et qui détaille, fonds par fonds et entreprise par entreprise, le suivi des critères ESG, sera désormais celle de BPI France. Le FSI a également réalisé un important travail en la matière sous la houlette du président de l'Association pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), puisque des contrats de progrès sont suivis régulièrement.

Nous donnons la priorité à l'investissement d'argent frais dans le capital des entreprises, notre vocation n'étant pas de racheter les participations des fonds d'investissement privés. Toutefois, lorsque cela apparaît nécessaire, nous le faisons et nous continuerons de le faire. Le FSI se l'est interdit dans les deux ou trois premières années de son existence. Mais nous avons décidé qu'il devait être possible de racheter les participations de fonds privés au capital d'entreprises dans la mesure où cela permet de constituer des ETI. En effet, nous voulons éviter le crève-coeur de voir vendue à l'étranger une entreprise qui perdrait alors sa chance de devenir l'Essilor de 2020.

Les exceptions à la doctrine d'investissement devront être discutées et validées en conseil d'administration avant de faire l'objet d'une décision unanime des actionnaires. La doctrine ne doit en effet évoluer que sur des cas très particuliers. En outre, aucune doctrine n'étant définitivement stable, la nôtre sera ajustée chaque année et présentée au conseil d'administration.

Comme le rappelle notre doctrine, BPI France est une banque interrégionale et les décisions d'investissement sont majoritairement prises en région. Comme je l'ai décidé au mois de janvier dernier, elles seront désormais décentralisées jusqu'à 4 millions d'euros.

BPI France, c'est le « capital patient » au service des entrepreneurs : son rôle est de détecter les champions de France 2020-2030, qu'il s'agisse d'entreprises ou d'hommes et de femmes hors normes qui ont décidé de passer à l'attaque des géants. Notre objectif est de les aider dans la durée – pendant quinze, voire vingt ans s'il le faut – et non de faire tourner rapidement le portefeuille.

Enfin, la Banque publique d'investissement a vocation à accompagner les entreprises. Nous avons la possibilité d'augmenter notre puissance de feu en augmentant le volume des crédits de 30 %. Le taux moyen de crédit aux PME françaises est le plus bas d'Europe – un point en dessous du taux moyen allemand. En outre, les possibilités d'investissement en fonds propres dans notre pays sont très importantes. En réalité, nous sommes limités par la demande. Les entrepreneurs ont besoin de visibilité car ils sont fragilisés et inquiets, d'autant que la reprise ne se fera sentir qu'en 2015, et ils sont surtout très isolés. Or, une décision d'ouverture de capital, qui s'accompagne généralement d'une décision de financement d'une exportation, d'une internationalisation et d'une innovation, exige d'être sûr de soi et d'être accompagné. Cet accompagnement s'inscrit tout naturellement dans la doctrine d'investissement de BPI France.

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