Intervention de Nicolas Dufourcq

Réunion du 15 mai 2013 à 9h00
Commission des affaires économiques

Nicolas Dufourcq, directeur général de la Banque publique d'investissement, BPI :

J'entends bien l'impatience des uns et des autres. M. Emmanuelli a souligné la complexité du sujet. Sans doute un « choc de simplification » sur les opérations de fusion acquisition serait-il une bonne idée… Nous avons besoin d'obtenir l'autorisation à la fois de l'ACP, de l'Autorité des marchés financiers (AMF), de l'Autorité de la concurrence, de la Commission européenne ainsi que des comités d'entreprise des trois entités que nous fusionnons. Le 3 juin prochain, j'entamerai un tour de France pour lancer la marque « bpifrance » dans les vingt-deux régions, en remplacement des marques OSEO, CDC Entreprises et FSI. J'anticipe un peu, sachant que l'ACP ne nous donnera son autorisation définitive que le 24 juin – mais l'instruction du dossier se déroule sans heurt. Au demeurant, nos amis de la Commission européenne, avec lesquels le dialogue est bien engagé et que je reverrai fin mai, ne nous ont pas demandé de notifier à proprement parler le dossier au titre des aides d'État ou de la concentration. Je pense que nous ne pouvons pas attendre. L'Autorité de la concurrence est d'accord pour que nous lancions BPI France, sans que ce lancement anticipé soit perçu comme un passage à l'acte qui serait bien évidemment répréhensible pénalement. Quant aux représentants du personnel, ils nous donneront leur avis définitif sur la phase 1 de la création de BPI France, c'est-à-dire sur les apports, entre le 29 mai et le 3 juin. En fin de compte, BPI France existera au mois de juin, grâce à son logo, sa présence sur le territoire et ses directeurs régionaux.

Ces considérations ne nous ont pas empêchés de démarrer promptement la vente des produits du pacte de compétitivité. Nous avons lancé le préfinancement du CICE à la mi-février, le soir même de la publication de l'instruction fiscale. Depuis lors, nous avons engrangé 500 millions d'euros de crédits qui sont accordés ou qui, en cours d'étude, le seront bientôt pour environ 2 500 entreprises. Jamais un produit d'OSEO n'avait été lancé aussi rapidement et avec un tel succès, ce qui contredit quelque peu les propos d'entrepreneurs ou d'élus consulaires se plaignant d'un manque de rapidité. Je le redis : nous irons aussi vite que possible. Comme vous le savez, j'ai supprimé le plancher de 25 000 euros, de manière que BPI France Financement puisse, dans quinze jours, accorder le préfinancement CICE aux TPE. Grâce au recrutement d'intérimaires dans toutes nos agences régionales, les délais devraient être tenus.

Sur les 20 milliards d'euros que représente le CICE, 10 milliards iront aux très grandes entreprises et 10 milliards aux PME. Sur le montant affecté aux PME, seuls 2 milliards devront être préfinancés – toutes les PME n'auront pas besoin du préfinancement ou n'ont pas une masse salariale inférieure à 2,5 SMIC. Sur ces 2 milliards, nous accorderons 700 millions d'euros de crédits directs – nous en avons d'ores et déjà accordé 500 millions – et 1,3 milliard d'euros de crédits bancaires privés et mutualistes garantis par BPI France. C'est ce second dispositif qui ne démarre pas, pour des raisons techniques, car le système d'information des grandes banques n'est pas conçu pour ce produit de préfinancement du CICE garanti par OSEO. Lorsque nous aurons signé, le 24 mai prochain, la charte avec les banques, en présence de M. Pierre Moscovici, les choses prendront très vite leur essor.

S'agissant du fonds « banlieues », il nous est demandé d'apporter une première réponse avant l'été. Nous nous sommes mis au travail et ferons des propositions le 17 mai. Nous finançons d'ores et déjà des fonds « quartiers ». En l'occurrence, nous monterons probablement un fonds de fonds qui consistera à alimenter des sociétés de gestion indépendantes, elles-mêmes issues du monde de l'économie sociale et solidaire et qui financent des actions dans les quartiers.

Nous finançons 86 fonds régionaux et continuerons de les financer. Souvenez-vous que CDC Entreprises a été créée en 1995 d'abord en fonds de fonds régionaux avec nos partenaires, les conseils régionaux. Dans une logique d'amélioration continue, nous nous attacherons à en consolider certains, en évitant le traditionnel éparpillement et en privilégiant les fonds les plus efficaces.

Le financement bancaire aux PME est assuré à 95 % par les banques privées mutualistes. OSEO ne détient donc que 5 % de parts de marché, ce qui est normal : notre objectif n'est pas de faire passer nos parts de marché de 5 % à 10 %, mais d'augmenter notre force de frappe en garantie et de combler les failles de marché. Nous pouvons le faire : nous sommes capables d'accorder 10 milliards d'euros de crédits supplémentaires et d'augmenter notre taille de bilan de 30 à 40 milliards d'euros si nécessaire, notamment grâce aux crédits « mezzanine ». Nous sommes donc très à l'écoute et notre partenariat avec les banques est très positif.

Désormais, 90 % des décisions de crédit et 95 % des décisions d'innovation sont prises en région pour ce qui est de l'aide à l'innovation classique de l'ex-Agence nationale de valorisation de la recherche (ANVAR). En revanche, les grands programmes d'innovation du ministère de l'industrie, via le Fonds unique interministériel (FUI) et le programme Innovation stratégique industrielle (ISI), sont décidés centralement puisqu'ils mobilisent de 3 à 10 millions selon le projet. Quant aux décisions d'investissement en fonds propres, elles sont également prises à 90 % en région. Je parle en nombre de tickets : jusqu'à 4 millions d'euros, elles sont prises en région ; au-dessus de 4 millions d'euros, faute de disposer de la masse critique des équipes de gestion en région, les décisions sont prises à Paris, où sont localisées les équipes FSI.

Nous finançons les pôles de compétitivité pour le compte du ministère de l'Industrie, puisque nous allouons des subventions, nous finançons les projets structurants des pôles de compétitivité (PSPC) et nous finançons en capital les entreprises qui sont les champions des pôles.

Nous allons accueillir vingt salariés de la COFACE pour placer l'assurance prospection. Comme nous sommes le premier réseau de distribution des produits de la puissance publique vers les PME françaises, il était bien normal que nous distribuions ce grand dispositif d'État, qui est de la pure subvention. De la même manière, nous allons accueillir cinquante salariés d'Ubifrance qui deviendront des chargés d'affaires internationaux. Ce faisant, le pilier international de BPI France commence à prendre forme. Il prendra son essor avec la création d'une activité de crédit acheteur à l'export, qui nous a été demandée notamment à l'occasion du contrat avec STX.

Dans le domaine de la transition écologique, nous disposons d'un fonds du PIA. Sans être très important, il fonctionne bien et nous pourrons en augmenter la puissance de feu. Nous avons également une activité bancaire peu connue, mais très importante puisque 15 % des engagements de crédits OSEO portent aujourd'hui sur la transition écologique. Nous sommes ainsi le grand financier du photovoltaïque grâce à la branche innovation d'OSEO. Désormais, nous publierons régulièrement le bilan de nos interventions en transition écologique pour les six métiers confondus de BPI France et il fera apparaître des montants très importants.

Le retournement est une question très délicate. On ne peut pas reprendre une entreprise en minoritaire. Le retournement d'une entreprise exige très souvent de changer le management, autrement dit d'en prendre le contrôle et donc d'y être majoritaire. Or, BPI France ne peut être majoritaire – cela n'a d'ailleurs jamais figuré dans la doctrine ni du FSI ni de CDC Entreprises. Il est très difficile pour une banque publique de prendre le contrôle majoritaire d'une entreprise pour ensuite prendre des décisions de licenciement afin de réduire les coûts. Nous avons eu ce débat avec les vingt-deux présidents de conseil régional et il y a même eu unanimité au sein de l'assemblée du conseil régional du Nord-Pas-de-Calais pour dire que ce dernier ne pouvait pas prendre la responsabilité de créer un fonds de retournement direct. En effet, les pressions seraient trop fortes et nous n'aurions pas réellement les moyens de prendre les mesures douloureuses qui s'imposeraient pour donner une chance à l'entreprise d'être retournée.

Malheureusement, nous ne voyons pas d'autre solution que celle consistant à donner des fonds, parfois importants, à des sociétés de gestion, certes à majorité de capitaux privés mais dont c'est le métier. Le FCDE est une première solution, même si elle est très insuffisante, comme l'a souligné M. Emmanuelli. Doté de 300 millions d'euros, il est détenu à 47 % par BPI France et à 53 % par BNP Paribas, Société générale, Axa, Crédit mutuel Arkéa et CM CIC Capital. Sur les quatorze opérations auxquelles il a procédé, dont neuf étaient en livre VI, trois entreprises ont fait faillite. Il fait donc un peu plus que du rebond : il prend des risques. Sur les entreprises qu'il a sauvées, il a réalisé deux très belles opérations qui lui ont permis de financer trois ou quatre autres opérations, qui se sont révélées très mauvaises. Il a perdu beaucoup d'argent sur un certain nombre d'entreprises que vous connaissez : elles sont dans vos départements. Avec le FCDE, on peut donc certainement doubler la mise, mais encore faut-il pouvoir convaincre nos partenaires privés de le faire.

Cela m'amène à répondre à Mme Grommerch, qui s'interroge sur la façon de convaincre le secteur privé de remettre de l'argent dans le capital développement français. Nous avons 5 % de parts de marché dans le crédit, mais 45 % dans le capital développement, situation anormale mais qui s'explique par le fait que le capital développement n'attire plus assez de capitaux privés français et étrangers. La Caisse des dépôts et consignations a apporté une première réponse au travers des fonds d'épargne, qui font aujourd'hui 200 millions d'euros d'investissement dans le capital développement des PME. Ils vont nous accorder une enveloppe de 50 millions d'euros par an, qui nous permettra, dans notre activité fonds de fonds, d'apporter à la fois la contrepartie publique et la contrepartie privée, et donc à des fonds de démarrer leurs opérations de capital investissement. Finalement, grâce à cette enveloppe, une dizaine d'équipes de gestion privées, très impatientes d'investir, pourront se lancer sur le marché.

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