S'agissant de la méthode, je répondrai par un exemple.
Aujourd'hui, nous travaillons avec les Britanniques – dont chacun connaît le pragmatisme – à la création d'une synergie opérationnelle avec à sa tête les deux chefs d'état-major des armées. Ce cadre commun devrait nous permettre de constituer un état-major commun ad hoc.
En outre, nous nous efforçons d'étendre la coopération aux moyens existants, qui peuvent se révéler complémentaires. Ainsi, les Britanniques disposent d'hélicoptères lourds Chinook, tandis que nous avons des hélicoptères de manoeuvre en nombre plus important que les Britanniques. Nous espérons pouvoir, le moment venu, partager ces deux ressources.
Le Royaume-Uni possède aussi des drones tactiques Watchkeeper. Nous souhaiterions en acheter à l'industrie britannique, mais en coopérant ensuite avec nos partenaires pour partager les rechanges, le soutien et la formation. Nous avons d'ores et déjà envoyé des soldats de l'armée de terre se former au maniement de ces drones auprès des Britanniques.
Sur ce terrain, donc, les résultats sont satisfaisants et l'entente est bonne.
S'agissant des capacités, le Délégué général pour l'armement et son homologue britannique mènent une coopération plus méthodique, appuyés par un groupe qui rassemble les instances de la DGA et de l'état-major français et leurs équivalents britanniques. La coopération sur des projets d'armement est plus compliquée : non seulement nous n'avons pas les mêmes calendriers, mais il y a certains sujets sur lesquels nos amis britanniques n'ont, en réalité, pas envie de coopérer.
Nous développons néanmoins une démarche méthodique visant à recenser tous les sujets capacitaires. Nous disposons en France de schémas directeurs indiquant, sur trente ans, les grands axes à suivre, de manière à établir des priorités en fonction du budget disponible. Nous sommes en train de rapprocher ces schémas directeurs de ceux de nos partenaires afin d'établir une grille de lecture permettant d'explorer toutes les coopérations en termes de faisabilité et d'économies sur le plan des achats et du soutien.
Cette méthode permet de cadrer la réflexion entre états-majors et entre directions générales pour l'armement sur des sujets qui, sans cela, n'auraient jamais été explorés. Une fois ce premier travail accompli, nous rechercherons des projets de coopérations à une échelle plus fine au sein de chaque schéma directeur, programme par programme.
Une telle démarche constitue une réelle nouveauté. Nous essaierons d'appliquer la même méthode avec les Allemands. Ce que nous avons engagé laisse entrevoir une systématisation en matière de recherche de coopération.
L'AED, pour sa part, travaille sur la R&T et sur des coopérations très en amont, ainsi que sur le rapprochement du besoin opérationnel. Ce deuxième sujet est à nos yeux la base de toute coopération. Sans besoin opérationnel commun et sans rapprochement des doctrines d'emploi, on ne peut arriver à coopérer.
La coopération au sein de l'OTAN est plus difficile en raison du spectre des financements en commun. Comme le disait M. Védrine, notre intérêt est de renforcer le pilier européen de l'OTAN pour répondre au repositionnement stratégique des États-Unis en direction du continent asiatique. Or les petits pays européens, qui ont des budgets de défense réduits, préfèrent financer en commun plutôt que d'apporter leur pierre à l'édifice. Les États-Unis les encouragent en ce sens puisque l'industrie américaine s'en trouve favorisée.
Les financements en commun permettent aux petits pays de coopérer sans s'engager. La France, dont la part dans le dispositif s'élève à environ 11 %, préférerait que cet argent soit consacré au développement de l'industrie nationale et européenne. Nous avons accepté un financement commun pour le système de commandement et de contrôle (C2) du programme OTAN de défense active multicouche contre les missiles balistiques de théâtre (ALTBMD) mais nous ne voulons pas aller plus loin.
S'agissant enfin du programme FREMM, que je connais bien pour y avoir travaillé, il faut rappeler que nous avions pour toute expérience, au départ, le montage industriel extrêmement complexe et coûteux du programme Horizon et que la France, de ce fait, voulait au départ réaliser des FREMM à très bas coût. Plutôt que de construire un bateau de guerre capable de résister à des missiles de plus en plus modernes, il s'agissait de construire, en plus grand nombre, des bateaux capables, une fois touchés, de quitter la zone d'opérations. Nous avions imaginé une architecture de combat entièrement nouvelle qui aurait permis d'économiser de l'argent. Les Italiens voulaient, au contraire, tous les perfectionnements possibles.
À ces difficultés relatives au besoin militaire et au concept du bateau est venu s'ajouter la question du retour industriel. En conséquence, nous avons dû écrire un besoin commun sur la base de ce partage. Tout un travail a été fait pour pouvoir afficher une coopération, mais le résultat est là !