La question sur la DGA est difficile. La DGA a un rôle essentiel car in fine une coopération n'est vraiment concrète que lorsqu'il y a un contrat qui lance un programme d'armement. La conduite de ces programmes est toujours délicate et nous apprenons, État-major et DGA, à chaque réalisation. Nous avons par exemple beaucoup appris avec l'A400M, la DGA dans la négociation avec l'industrie via l'OCCAr, les États-majors dans l'établissement et le respect des besoins opérationnels. Chacun doit jouer sa partition.
Une bonne coopération entre nous est donc essentielle. Il peut néanmoins exister des divergences, notamment lorsque plusieurs possibilités de coopération sont envisageables. La DGA pourra par exemple soutenir une idée qui lui fait entrevoir une consolidation de la base industrielle ou un abaissement du coût d'un équipement difficile à financer seul mais sur lequel nous avons du mal à converger sur le besoin opérationnel. Dans d'autres cas, l'état-major défendra une possibilité dont il aura discuté avec ses homologues des armées étrangères par exemple de l'intérêt d'opérer sur le même matériel, alors que la DGA n'y souscrit pas pour des raisons de politique industrielle. La discussion peut alors être serrée, mais elle se déroule dans un cadre établi et le ministre rend ses arbitrages.
Nous en sommes à la deuxième génération de coopérations. Nous commettons encore probablement des erreurs mais nous travaillons déjà à les corriger pour la suite, un des enjeux étant clairement l'expression des besoins.
Les discussions autour de nEUROn, par exemple, nous amènent à réfléchir à ce que sera l'aviation de combat en 2045 et à nous poser la question de l'avion de combat européen. La démarche de R&T et de coopération industrielle peut démarrer, mais les considérations opérationnelles reviennent naturellement dans le jeu. Même si des décalages se produisent et si le processus peut paraître lourd, chacune des parties est immanquablement conduite à discuter avec les autres avant que des décisions ne soient prises.
De même, nous ne pourrions jamais, dans le contexte budgétaire actuel, financer seuls des satellites militaires. Il est donc normal d'essayer de trouver une coopération, puisque le besoin existe dans plusieurs pays. Sans drones, sans satellites, sans missiles performants, une armée moderne n'est plus capable d'accomplir les missions qui lui sont demandées. Même si l'industrie française de défense est capable de développer pratiquement tous les équipements dont nous avons besoin, nous n'avons plus la capacité de développer seuls la totalité des équipements. Nous devons nous adapter, l'industrie aussi. Le processus d'« urbanisation », comme on dit en informatique, est long mais il finira par aboutir. Nous sommes en période d'apprentissage.
Il reste néanmoins, Monsieur Bridey, des domaines qui relèvent entièrement de la souveraineté. Nous ne sommes pas prêts à partager, par exemple, la technologie de nos sous-marins nucléaires lanceurs d'engins, les autres pays ne le sont pas plus d'ailleurs. Il s'agit de savoir-faire élaborés pendant des dizaines d'années. Cette souveraineté étant parfois essentielle pour nos capacités opérationnelles.