Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes tous d'accord sur la nécessité de mobiliser tous nos moyens pour favoriser la construction et le développement de logements en France.
C'est important pour que les Français puissent mieux se loger, trouver une solution en rapport avec leurs revenus, que ce soit dans le parc public ou dans le parc privé. Les mesures de dynamisation de la construction apparaissent donc justifiées et, à ce titre, le groupe UMP les soutient. Elles le sont aussi au titre de l'emploi dont le secteur du bâtiment est un grand pourvoyeur.
Cependant, madame la ministre, permettez-moi d'appeler à une cohérence entre vos objectifs de construction et ceux que vous affichez en matière de relance du bâtiment. Rappelons que la TVA dans le secteur du bâtiment va augmenter de 7 % à 10 %, ce qui est très négatif pour la construction de logements dans le parc privé et pour l'artisanat, grand pourvoyeur d'emplois dans nos territoires.
Revenons-en au texte que vous nous proposez et tout d'abord à des questions de forme. En novembre dernier, nous étions réunis pour examiner la loi relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social. Aujourd'hui, nous examinons le projet de loi d'habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnances pour accélérer les projets de construction ; or nous savons d'ores et déjà que le futur texte en faveur du logement sera examiné en juillet prochain au sein de la commission des affaires économique avant son passage dans l'hémicycle en septembre, et que ce texte s'annonce riche de 150 articles…
Pourquoi le Gouvernement a-t-il choisi de légiférer par ordonnances sur ce sujet, alors que nous allons examiner un texte important, au moins par son nombre d'articles, prochainement ?
Vous vous en êtes expliquée en commission et aujourd'hui en séance, madame la ministre. Néanmoins, cette précipitation n'avait sans doute pas lieu d'être puisque vous nous demandez des délais importants pour rédiger les ordonnances.
Comment expliquer alors que les articles du projet de loi d'habilitation, que nous allons examiner dans quelques minutes, ne puissent pas tout simplement être intégrés dans la prochaine loi Duflot en juillet ? Peut-être n'aviez-vous aucun autre sujet à mettre pour l'heure à l'ordre du jour ?
Sur le fond, je veux dénoncer un point de l'article 1er qui me choque particulièrement et qui mériterait un débat approfondi dans cet hémicycle : le fait de recourir aux ordonnances pour limiter le recours à la justice. Certes, vous nous précisez qu'il s'agit d'encadrer les recours abusifs et que vous puiserez votre inspiration dans le rapport Labetoulle sur les recours contre les documents d'urbanisme. Encadrer les recours abusifs ne me choque pas au fond : il ne faudrait pas que le recours à la justice soit détourné de sa vocation initiale qui est bien de régler un différend entre les parties et non de faire échouer un projet sur des motifs généralement de procédure. Cependant, j'estime qu'il mérite un débat dans cet hémicycle au moins à deux titres. C'est restreindre les libertés des individus que d'encadrer les recours à la justice. Cela mérite donc un débat au fond dans cet hémicycle.
C'est aussi un sujet qui mérite d'être étudié dans d'autres secteurs que la construction. Il y a des recours abusifs dans de nombreux domaines économiques. À chaque installation classée de nouveaux élevages de porcs, ou à chaque construction d'usine, on trouve une association souvent plus nationale que locale qui vient déposer des recours administratifs pour empêcher le projet de se faire. Que dire, aussi, madame Duflot, des recours systématiques, et clairement abusifs au regard de la jurisprudence, dont est l'objet l'installation des antennes relais mobiles, qui retardent le développement des nouveaux services mobiles ?
Pourquoi donc privilégier l'encadrement d'un seul type de recours abusifs, ceux qui visent la construction, plutôt que réfléchir à l'encadrement des recours abusifs qui touchent les différents secteurs économiques ? Y a-t-il à vos yeux des secteurs économiques plus politiquement corrects que d'autres ?
Cette distinction me gêne donc par principe. La réflexion sur les recours abusifs doit avoir lieu dans cet hémicycle, car elle représente une restriction du droit des justiciables, donc des Français, à avoir recours à la justice. Une telle question ne peut pas être tranchée par ordonnance. Qui plus est, compte tenu de son intérêt, elle mérite une réflexion globale sur l'ensemble des secteurs économiques. Ce sera l'objet d'un amendement que je défendrai avec conviction tout à l'heure.