Je vous présenterai de manière synthétique un parcours professionnel désormais long.
Je suis né à Beyrouth au Liban où j'ai grandi et achevé mes études de droit à la faculté de droit et sciences économiques de l'université Saint-Joseph, avant d'intégrer l'École nationale de la santé publique à Rennes. Mon premier poste a été au Centre national d'ophtalmologie des Quinze-Vingts où j'ai effectué mon assistanat au sein de l'équipe de direction, avant de rejoindre le Syndicat interhospitalier régional d'Ile-de-France, structure aujourd'hui disparue, dont, aux côtés du secrétaire général, j'ai accompagné les premiers pas. Cette première expérience m'a appris les vertus de la coopération entre structures hospitalières et l'intérêt de conduire des projets en collaboration.
Quatre ans plus tard, il m'a été proposé de prendre la direction de l'Hôtel-Dieu de France à Beyrouth. J'ai donc rejoint le ministère des affaires étrangères comme expert de coopération technique. Dans un contexte difficile puisque c'était entre 1983 et 1986, j'ai assumé la direction de ce qui était alors l'unique institution de coopération française subsistant au Liban. J'ai mené à bien la modernisation de l'établissement et répondu à l'objectif qui m'avait été assigné de le faire fonctionner comme tout autre centre hospitalier universitaire indépendamment du contexte. J'en ai également conçu l'extension, parachevée quelques années plus tard. Cette étape de ma vie professionnelle m'a certainement appris à relativiser toutes choses ainsi qu'à développer réactivité et imagination pour faire face à des besoins dont la satisfaction n'allait pas de soi tous les jours.
Après cette expérience où il m'a semblé faire oeuvre utile au service de deux pays, l'un pour soulager les souffrances de ses habitants, l'autre pour perpétuer la tradition médicale et hospitalière française à l'étranger, il m'a été proposé de rejoindre la Croix-Rouge française où, pendant trois ans, j'ai été chargé de la direction des opérations internationales, c'est-à-dire des opérations de secours en situation de conflit armé ou de catastrophe dans nos zones d'intervention et de l'aide au développement. Puis, toujours à la Croix-Rouge, j'ai été douze ans durant directeur des établissements et de la formation – ses établissements sanitaires, sociaux, médico-sociaux et d'enseignement, pourtant au nombre de 680 à l'époque où j'en avais la charge, sont un aspect moins connu des activités de la Croix-Rouge. Alors que l'hôpital m'apparaissait jusqu'alors comme l'alpha et l'oméga de la prise en charge médicale, cette expérience m'a fait découvrir un autre monde où j'ai appris toute la valeur de structures non hospitalières. J'ai conduit une politique active de restructuration pour réorienter les activités de la Croix-Rouge vers les soins post-période aiguë, la prise en charge des personnes âgées très dépendantes et des personnes polyhandicapées lourdes.
Aux termes de ces fonctions, j'ai été nommé directeur de l'Agence régionale de l'hospitalisation (ARH) d'Alsace, poste que j'ai occupé durant sept ans, jusqu'à ce que, début avril 2010, les agences régionales de santé ne se substituent aux ARH.
J'ai alors été nommé conseiller général des établissements de santé et ai rejoint l'Inspection générale des affaires sociales où, durant un an et demi, mes fonctions m'ont permis de prendre de la distance par rapport au terrain. J'ai eu la chance de participer à plusieurs missions qui m'ont passionné, comme celle de rédiger, en collaboration avec le professeur Pradat-Diehl, chef du service de médecine physique et de réadaptation à la Pitié-Salpêtrière, le rapport remis au Premier ministre sur la prise en charge des traumatisés crâniens et des blessés médullaires, ou encore le rapport sur l'organisation de la radiothérapie en Ile-de-France.
Fin novembre 2011, il m'a été proposé de prendre la direction générale de la Fondation Caisses d'épargne pour la solidarité, dont je précise que c'est une fondation reconnue d'utilité publique et non une fondation d'entreprise. Elle s'occupe notamment de structures d'hébergement ou de maintien à domicile pour personnes âgées dépendantes ou personnes handicapées, et gère quelques établissements de soins de suite et rééducation.
Ce parcours, dans sa diversité, m'a permis d'approcher différentes formes d'intervention dans le domaine de la santé et auprès des personnes les plus vulnérables. Il explique sans doute l'intérêt que je suis honoré et heureux de marquer publiquement pour la présidence du conseil d'administration d'un organisme comme l'INPES.
Bien que, comme vous l'avez rappelé, madame la présidente, cette fonction ne soit pas de nature exécutive, j'y vois l'opportunité d'une implication active, en liaison avec l'autorité de tutelle de l'institut, au service d'enjeux que je vais maintenant vous exposer.
Les actions de prévention sanitaire sont ingrates, destinées à être toujours recommencées. Il n'empêche que l'INPES est aujourd'hui reconnu tant par le grand public que par les acteurs du secteur qui savent le support précieux qu'il constitue. Chacun reconnaît la maîtrise avec laquelle il remplit ses missions et la pertinence de son activité.
J'ai mis à profit la période qui s'est écoulée entre le moment où il m'a été proposé de prendre la présidence de son conseil d'administration et aujourd'hui pour parfaire ma connaissance du travail de l'INPES et de la politique de prévention sanitaire en général. J'ai notamment lu avec grande attention le rapport sur la prévention sanitaire, réalisé par la Cour des comptes à la demande de la Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) de votre Assemblée. La lecture du contrat d'objectifs et de performance et du projet d'établissement de l'INPES a également été très instructive pour moi. J'y ai relevé des points sur lesquels il était possible de progresser, et de là, j'ai identifié six objectifs de court ou moyen terme.
Premier de ces objectifs : la nécessité de conforter l'institut dans son rôle d'expert et de référent en matière de prévention, d'éducation à la santé et de promotion de la santé, dans les champs professionnel et scientifique, ainsi que son rôle d'opérateur. Il convient pour cela d'amplifier la fonction d'expertise qui lui est reconnue et qui est attendue du terrain. L'institut est également un centre de documentation. À cet égard, il faudra achever la constitution de la base documentaire numérique à destination des professionnels, en chantier depuis longtemps. Il faudra clarifier et rationaliser les rôles respectifs de l'échelon national et de l'échelon régional – disant cela, c'est sans doute l'ancien directeur d'une agence régionale de l'hospitalisation qui s'exprime en moi. Les nouvelles agences régionales de santé attendent d'un opérateur comme l'INPES un appui technique, une expertise et une assistance. Ce partage plus clair des rôles entre échelons est également nécessaire au regard des moyens mis en oeuvre par chacun.
Deuxième objectif : hiérarchiser les priorités d'action de l'institut et établir une programmation reflétant cette hiérarchie. En effet, les actions de prévention, plus que toutes autres en matière de santé, apparaissent ponctuellement comme des coûts. Il faut qu'elles soient plus visibles, plus lisibles et plus cohérentes aux yeux des acteurs comme du public. Une hiérarchisation est indispensable pour allouer au mieux les moyens en fonction des pathologies et des actions, lesquelles ne doivent pas être menées au coup par coup mais s'inscrire dans une logique débattue au sein du conseil d'administration, en relation avec son autorité de tutelle. Il s'agit aussi de garantir les capacités d'intervention de l'institut dans la durée.
Troisième objectif : mieux cibler les vecteurs de diffusion de l'information en fonction des publics. Aujourd'hui, chacun dispose de nombreux moyens pour s'informer. Dans le cadre du programme national nutrition santé, l'INPES a récemment lancé sur son site mangerbouger.com « la fabrique à menus » : plusieurs centaines de milliers de connexions ont été enregistrées en à peine quelques jours. C'est dire combien le public est avide d'information et prêt à utiliser les moyens à sa disposition ! À nous de veiller à ce que soit chaque fois utilisé le vecteur le plus adapté en fonction du public-cible et du sujet abordé.
Quatrième objectif : si je suis effectivement nommé président du conseil d'administration de l'INPES, je lancerai, en lien avec les équipes, une réflexion de fond sur les services de téléphonie santé qui absorbent beaucoup de moyens, dont l'utilité est établie et indiscutable, mais dont la gestion et la mise en oeuvre exigent d'être révisées.
Cinquième objectif : s'il est intéressant d'évaluer a priori quel public va toucher une campagne de prévention ou d'éducation à la santé et comment, puis de mesurer a posteriori combien de personnes elle a effectivement touchées, il serait préférable de pouvoir évaluer son impact qualitatif, notamment son incidence sur les comportements. La tâche est plus ardue mais elle est indispensable afin de pouvoir affiner le message à chaque fois pour être plus efficace.
Dernier objectif enfin : optimiser les moyens. Ceux-ci se restreignant d'année en année, il importe de savoir faire mieux avec moins. C'est l'un des rôles des équipes dirigeantes.
Au-delà de ces six objectifs de court ou moyen terme, l'INPES a un rôle crucial dans le contexte actuel. La crise va faire sentir ses effets en ressac sur les populations les plus vulnérables pendant de longues années. Le vieillissement de notre population, même si la natalité de notre pays reste l'une des plus soutenues en Europe, aura lui aussi des conséquences, au premier chef pour les personnes concernées, mais aussi leur entourage et la société dans son ensemble : des messages spécifiques doivent être délivrés en direction de ce public. Enfin, comme l'actualité récente l'a encore montré, l'émergence de pathologies et de virus jusqu'alors inconnus dans notre pays appelle des réponses particulières. L'INPES, comme les autres agences du secteur, participe de la protection sanitaire des populations. Et cette mission-là a sans doute été quelque peu perdue de vue.
Le projet d'établissement est arrivé à échéance à la fin de 2012, et le contrat d'objectifs et de performance s'achève en 2014. Cela donne deux opportunités d'actualiser le positionnement de l'institut et de concilier au mieux ses projets et ses moyens.
Le conseil d'administration doit être le lieu privilégié d'une réflexion partagée et d'un dialogue pour alimenter la direction générale et rendre plus visible aux yeux de la tutelle comme de la représentation nationale, la feuille de route de l'établissement. Très honoré d'avoir été pressenti pour en prendre la présidence, j'ai l'ambition de mettre à sa disposition toute l'expérience que j'ai acquise au long de mon parcours professionnel. Ainsi les quinze années que j'ai passées dans le milieu associatif m'ont beaucoup appris, et je pense désormais connaître les spécificités de ce milieu. Or, beaucoup des partenaires de l'INPES en région sont des opérateurs à statut associatif. Je crois pouvoir le faire bénéficier, entre autres, d'une sensibilité particulière sur cet aspect-là.
N'ayant déjà que trop parlé, je ne m'étendrai pas sur le savoir-faire que j'ai pu acquérir en matière de planification et de régulation d'offre de soins et de santé.