Intervention de Jean-Louis Touraine

Réunion du 15 mai 2013 à 9h00
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Touraine :

Monsieur le professeur, je vous remercie d'avoir insisté sur le dépistage, qui est devenu une des priorités dans la lutte contre le sida, comme l'a indiqué la ministre de la santé. Je préside pour ma part un groupe parlementaire sur le sida, dont les premières réunions ont été consacrées à ce thème.

Depuis plusieurs années déjà, les modèles mathématiques – puis des modèles concrets – nous ont montré que le contrôle de l'épidémie n'était pas encore possible par un vaccin, mais pouvait l'être par un dépistage pertinent, plus efficace, associé au traitement de tous les patients. Dans le monde, la France a le meilleur taux de personnes traitées par rapport à l'ensemble des séropositifs du pays et sa performance dépasse, par exemple, celle des États-Unis.

Par ailleurs, le traitement est devenu un véritable outil de prévention – ce que les Anglo-saxons appellent le TasP (Treatment as Prevention) : la réduction de la charge virale des personnes traitées fait qu'elles ne sont presque plus contaminantes.

La question est donc de savoir comment améliorer le dépistage dans notre pays. Aujourd'hui, les 30 000 ou 35 000 personnes qui ignorent leur séropositivité sont à l'origine de 70 % des contaminations. Ces contaminations ne sont donc pas le fait des 80 % des personnes qui ont un sida avéré, mais des 20 % des personnes qui n'ont pas la connaissance de leur séropositivité. Si l'on arrivait à dépister et à traiter ces dernières, on pourrait faire chuter considérablement le nombre des nouvelles contaminations qui se produisent chaque année en France – 6 000 à 7 000.

Il faut donc mettre en place de façon urgente une stratégie de dépistage. Bien sûr, il ne s'agit pas de remettre en cause les tests traditionnels, très importants, effectués dans les consultations adaptées, non plus que les TROD, les tests rapides à orientation diagnostique. Mais la question s'est posée à propos des autotests. Aux États-Unis, les autotests salivaires sont autorisés par la Food and drug administration (FDA) depuis juillet 2012. En France, le Conseil national du sida, le Comité national d'éthique et la ministre de la santé ont donné leur feu vert à leur utilisation, sous certaines conditions : leur qualité doit être confirmée ; un test secondaire sanguin de confirmation doit être pratiqué ; le patient doit être accompagné ; enfin, les autotests ne doivent pas se substituer aux autres modes de dépistage.

Il convient évidemment de cibler les populations les plus exposées. Aujourd'hui, c'est plus facile : d'une part, les personnes séropositives ne sont plus stigmatisées – même s'il demeure encore quelques discriminations ; d'autre part et surtout, le dépistage apporte un bénéfice individuel, et pas seulement un bénéfice collectif. Dépister les malades, c'est donner à ceux-ci une chance d'être traités de manière plus efficace, tout en limitant les risques de nouvelles contaminations.

Le dépistage effectué par les professionnels de santé doit être renforcé. Une étude récente de l'Agence nationale de recherche sur le sida, avait montré le nombre « d'occasions manquées » de dépistages. En effet, lorsque l'on reprenait rétrospectivement les séropositifs récemment dépistés, on s'apercevait que la grande majorité d'entre eux avaient pourtant été en contact avec le système de soins, sans que personne ne leur ait proposé de faire de test. Le dépistage doit devenir un réflexe chez tous les professionnels de santé, même quand il n'y a pas de risque avéré au VIH, pour tous les gens qui n'ont pas récemment effectué de test.

Faut-il proposer les TROD en cabinet de médecine générale ? Il faut en tout cas répondre aux besoins de ceux qui ne peuvent pas ou ne veulent pas se rendre dans les consultations traditionnelles de dépistage – populations migrantes, personnes prostituées, toxicomanes, etc. Des tests de dépistage permettraient d'identifier et de traiter, pour leur propre bénéfice, précocement, des personnes qui ont été contaminées depuis peu et par là même, de diminuer le risque de contagion. On pourrait également développer des centres de santé sexuelle.

Je terminerai par deux questions : comment compléter l'efficacité, à court terme, des dépistages ? Que pensez-vous de l'exclusion des homosexuels du don de sang ?

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