Intervention de Jacques Myard

Réunion du 14 mai 2013 à 16h00
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJacques Myard :

Nous sommes arrivés à Tripoli le 21 avril dernier, en passant par Francfort, car il n'y a plus de vol direct depuis Paris. Nous devions déjà nous rendre en Libye au mois de février dernier, mais il a fallu se limiter à l'Egypte et à la Tunisie. Notre ambassadeur redoutait alors une action des salafistes. Nous nous sommes déplacés dans Tripoli en Mercedes blindées, avec des gardes du corps et une voiture de police qui nous ouvrait la voie. Quant à l'adjoint au chef de la Mission d'appui des Nations unies en Libye (MANUL), que nous avons rencontré à notre arrivée, nous avons pu constater qu'il travaillait dans une villa implantée dans un complexe très sécurisé.

Nous nous sommes aussi entretenus avec le Premier ministre et le ministre des affaires étrangères, ainsi qu'avec des députés libyens, avec l'évêque catholique de Tripoli, dont les fidèles sont essentiellement des travailleurs philippins, et avec des membres de la société civile.

Une des particularités de la Libye est que ce ne sont pas les Frères musulmans, ni les salafistes, qui ont remporté les élections, mais des modérés que l'on pourrait qualifier, sinon de laïcs, du moins de « démocrates ». Le président du Congrès, M. Mohamed Megarief, est un ancien ambassadeur qui avait fait défection il y a longtemps. Quant au Premier ministre, Ali Zeidan, il s'était exilé en Allemagne.

Les représentantes d'ONG que nous avons rencontrées à l'ambassade nous ont décrit une situation assez difficile pour les femmes, d'ailleurs moins en raison des textes en vigueur que des attitudes à leur égard dans la société libyenne.

Les chefs d'entreprise français, pour leur part, se plaignaient tous du fait qu'Air France ne desservait plus Tripoli et que l'ensemble du pays était classé en rouge dans la fiche « conseils aux voyageurs » du ministère des affaires étrangères, à l'exception d'une étroite bande côtière. Le lendemain de cette rencontre avec la communauté française, un attentat a détruit l'ambassade à 80 %. Je dois dire que nous avons été très frappés par le contraste entre cet attentat et la confiance de tous les Français que nous avons rencontrés à Tripoli.

Je peux vous donner quelques nouvelles du gendarme qui a été grièvement blessé. Il était hors de danger lorsque je l'ai eu au téléphone, il y a quelques jours. Il n'a eu la vie sauve que parce qu'il se trouvait dans le sas blindé situé à l'entrée de l'ambassade au moment de l'explosion. C'est un miracle qu'il n'y ait eu de mort ni d'un côté ni de l'autre de cette rue très étroite.

Le chef du protocole libyen avait trois hypothèses lorsqu'il nous a raccompagnés à l'aéroport, après l'attentat. Selon lui, il pouvait s'agir d'un acte commis soit par d'anciens kadhafistes, soit par des membres d'Al-Qaida, soit par les katibas qui font régner leur loi en Libye.

Quelques jours après notre départ, elles ont d'ailleurs fait adopter une loi d'exclusion politique après avoir asségé plusieurs ministères, dont celui des affaires étrangères, en utilisant des pick-up équipés de mitrailleuses et d'armes anti-aériennes. Cette loi d'épuration, qui va très loin, est un véritable coup d'Etat des salafistes.

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