Intervention de Jean Glavany

Réunion du 14 mai 2013 à 16h00
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean Glavany :

Mon premier sentiment est que la situation s'est apaisée par rapport à notre première visite, il y a trois mois. Nous étions arrivés en Tunisie quelques jours après l'assassinat de Chokri Belaïd. Il y avait alors une émotion terrible et une grave crise gouvernementale. Les partis démocrates et progressistes exigeaient qu'Ennahda renonce à ses ministères régaliens, ce que refusait son chef, Rached Ghannouchi. Par une sorte de miracle de la vie politique et démocratique tunisienne, le nouveau chef du Gouvernement, Ali Larayedh, pourtant issu d'Ennahda, lui aussi, est parvenu à obtenir ce qui avait été refusé à Hamadi Jebali.

Mon deuxième sentiment est celui d'une accélération du calendrier politique. Le ministre des affaires étrangères, le chef du Gouvernement, puis le président Marzouki, que j'ai rencontré en votre compagnie, Madame la Présidente, à l'occasion d'un troisième passage à Tunis, nous ont dit leur confiance dans l'accélération du processus constitutionnel et dans la perspective que des élections aient lieu avant la fin de l'année.

Enfin, une préoccupation que nous n'avions pas perçue au mois de février voit le jour en matière de sécurité, notamment dans le Sud du pays, à la frontière avec l'Algérie. Cette évolution n'est pas sans conséquence sur les débats au sein d'Ennahda. La confrontation avec la réalité du pouvoir amène ce parti d'obédience islamiste à faire face à des problèmes de terrorisme islamiste, ce qui pourrait accélérer son évolution interne.

J'en viens à ce que nous a dit le Président de la République, Moncef Marzouki. C'est un personnage à la fois central et potentiellement faible, puisqu'il n'est là que par la volonté de la troïka formée par Ennahda, Ettakatol, le parti socialiste du président de l'Assemblée nationale constituante, Mustapha Ben Jafaar, et son propre parti, le Congrès pour la République (CPR).

M. Marzouki nous a expliqué qu'il y avait aujourd'hui deux Tunisie : l'une rurale, religieuse et conservatrice ; l'autre urbaine, plus occidentalisée, plus démocratique et plus laïque. Quiconque voudrait que l'une des deux Tunisie l'emporte sur l'autre commettrait une erreur politique lourde. Selon lui, le rôle des responsables politiques, et en particulier celui du Président de la République, est de faire vivre ces deux Tunisie ensemble. C'est, au fond, le pari de la troïka.

M. Marzouki nous a aussi confié que ses principales difficultés avec Ennahda ne concernaient pas les rapports entre la religion et l'Etat – Ennahda avait toujours fini par reculer sur ce terrain –, mais les questions économiques et sociales, Ennahda ayant une approche néo-libérale, parfois très dogmatique, quand le CPR croyait au contraire à l'intervention de l'Etat et à la nécessité de la régulation.

Le président Marzouki nous a dit, malgré tout, sa volonté de faire vivre la troïka jusqu'aux prochaines élections. Il semblait penser qu'il pourrait rester à la Présidence de la République s'il était le candidat unique de la troïka, et que ce dispositif à trois pourrait perdurer. Cela peut paraître contradictoire avec certaines déclarations de M. Ben Jaafar, mais c'est l'impression que j'ai eue en écoutant M. Marzouki.

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