Intervention de Marie-Hélène Fabre

Réunion du 22 mai 2013 à 10h00
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Hélène Fabre :

L'organisation même de cette table ronde rappelle que le régime des auto-entrepreneurs fait polémique, en raison notamment de l'inéquité qu'il a introduite entre les auto-entrepreneurs et les artisans.

L'idée d'origine était de libérer l'initiative privée en simplifiant radicalement les démarches, afin de permettre à tous de se lancer plus simplement dans l'aventure entrepreneuriale. Mais ce statut a permis non seulement de s'affranchir des freins administratifs, mais également de lever la plupart des obstacles fiscaux qui se dressent habituellement devant les entrepreneurs. Ce régime d'exception, malgré les privilèges patents qu'il octroyait, n'a été limité ni dans son champ d'application, ni dans le temps. Les auto-entrepreneurs ont pu pratiquer des petits prix sur lesquels les artisans ne pouvaient s'aligner. Au nom d'une vision dévoyée de la libre entreprise, ce dispositif a fait prospérer la concurrence déloyale et le travail clandestin en toute légalité tout en ne participant que très faiblement à la création d'entreprises. Il a également favorisé la précarité : un grand nombre d'auto-entrepreneurs sont aujourd'hui des salariés déguisés, prestataires de services d'entreprises qui devraient être leurs employeurs. Les auto-entrepreneurs n'ont que peu de droits sociaux : ils ne paient pas ou presque pas de charges, mais n'ont pas d'assurance chômage et peinent à cotiser suffisamment pour valider leurs trimestres de retraites, si bien que la collectivité devra un jour les prendre en charge.

Enfin, le régime encourage la sous-déclaration du chiffre d'affaires – elle est supérieure en moyenne de 15 % à ce qu'elle est chez les travailleurs indépendants classiques.

Devant un tel bilan, c'est avec déception que le groupe socialiste, républicain et citoyen a accueilli le rapport de l'IGF et de l'IGAS qui, tout en pointant ces défaillances, ne propose pas de remèdes à la hauteur des enjeux. Il nous semble souhaitable de véritablement mettre fin aux distorsions de concurrence et de limiter le dispositif dans le temps, tout en en définissant étroitement le cadre.

Ce régime est également utilisé par de nombreux Français pour dégager un revenu complémentaire : il faudra définir avec rigueur le seuil à partir duquel on parle de revenu d'appoint. Le contrôle des qualifications, la lutte contre le travail dissimulé et l'exigence d'une attestation du dernier employeur, ainsi que l'inclusion de la CFE dans le panier de cotisations et de contributions, sont autant de dispositions qui nous semblent pertinentes pour réorienter le dispositif.

Il est de surcroît important de renforcer considérablement l'accompagnement, car il est illusoire de penser qu'on peut devenir facilement entrepreneur.

Nous appelons donc à une révision en profondeur du dispositif.

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