Je suis élue du département des Pyrénées Orientales, proche de l'Espagne et de la commune espagnole frontalière de La Jonquera.
Le problème que pose la prostitution n'est pas seulement lié à notre société de consommation mais au rôle que jouent les hommes et les femmes. L'immense majorité des clients de la prostitution sont des hommes. Si nous voulons diminuer les chiffres de la prostitution, nous devons mettre à mal l'éducation actuelle qui explique aux garçons que pour être virils, ils doivent être des prédateurs sexuels, et aux filles que si elles veulent réussir dans la vie, elles doivent être « jeunes et belles » et plaire aux hommes. Tant que nous conserverons ce schéma, certaines jeunes filles rêveront de se prostituer pour se mettre en lumière et user de leur séduction vis-à-vis des hommes.
Des sociologues de la faculté de Perpignan ont étudié les répercussions de la prostitution sur la jeunesse des Pyrénées Orientales. Dans mon département, les jeunes garçons trouvent normal de passer la frontière pour aller voir les prostituées. Dès le collège, ils connaissent les lieux et les pratiques de la prostitution, et même le nom des prostituées. Quant aux jeunes filles, elles se sentent en concurrence avec les femmes prostituées.
Les proxénètes savent parfaitement comment présenter les choses : leurs établissements s'apparentent moins à des bordels qu'à des hôtels de luxe. Les clients choisissent les filles – c'est ainsi qu'ils nomment les prostituées – selon leur goût pour tel ou tel type physique.
Il existe aussi à La Jonquera une prostitution de rue, mais elle est beaucoup plus difficile à identifier, pourtant ce sont les mêmes filles et les mêmes proxénètes.
Quant à l'argument selon lequel il faut réglementer la prostitution pour des raisons sanitaires, il est totalement faux, je l'ai moi-même vérifié en tant que médecin spécialisé dans le dépistage du VIH. Les femmes prostituées ne vérifient jamais leur sérologie VIH, sauf celles qui le souhaitent et passent à leurs frais le test dans un laboratoire privé.
Les interlocuteurs espagnols que j'ai rencontrés, à Madrid comme en Catalogne, attendent beaucoup de la proposition de loi française car ils ne savent plus quelle attitude adopter face à ce phénomène. Ce qu'ils savent, c'est que leur législation n'est pas adaptée et qu'il leur sera plus facile d'agir, la clientèle de la Jonquera étant exclusivement française, si la France s'engage dans la voie de la responsabilisation du client.
Depuis des milliers d'années, la faute repose sur les personnes qui se prostituent alors qu'elles sont totalement innocentes puisqu'elles se prostituent pour survivre. Il ne s'agit pas d'interdire, mais d'inverser la faute. Si vous avez des suggestions pour y parvenir, Monsieur le président, nous sommes preneurs…