Ce texte n'ayant, à l'évidence, aucun caractère politique, je vais me contenter d'une analyse technique ! Sur le fond, nos positions sur les questions d'attractivité de notre territoire et de sécurité juridique ne sont d'ailleurs pas très éloignées.
Vous avez déjà présenté plusieurs fois des textes semblables – vous avez, monsieur le rapporteur, oublié de citer Pascal Clément en 1991. Le texte de MM. Sarkozy, Debré et Douste-Blazy n'était pas exactement de même nature, puisqu'il remettait en cause l'annualité budgétaire.
Nous ne sommes pas favorables à vos propositions de loi, qui nous paraissent techniquement dangereuses et difficiles à mettre en oeuvre ; de plus, le but recherché est en réalité satisfait par la jurisprudence de la Cour de cassation, du Conseil constitutionnel, du Conseil d'État, et de la Cour européenne des droits de l'homme.
Personne, je crois, ne contestera qu'il est parfois nécessaire de voter des lois de validation, lorsque le législateur s'est trompé : ainsi, en 1993, une simple erreur dans la procédure – le législateur n'avait pas suffisamment précisé la notion de puissance fiscale – aurait pu conduire à l'annulation de toutes les recettes liées à la vignette automobile et à l'imposition de moteurs de plaisance !
Il faut aussi pouvoir clarifier des textes, pour lutter contre l'optimisation fiscale – et les cabinets d'avocats fiscalistes travaillent dur ! –, voire contre l'évasion fiscale, et éviter que la jurisprudence ne soit pas conforme à la volonté de la représentation nationale.
Il faut enfin pouvoir neutraliser le délai entre l'annonce d'une mesure fiscale et sa mise en oeuvre. Ainsi, en 1999, a été prise la décision d'assujettir à une taxe sur les plus-values les contribuables qui transféraient leur domicile hors de France : l'entrée en vigueur de ce texte a été fixée au jour de sa discussion en conseil des ministres. Sinon, les gens se seraient organisés pour ne pas tomber sous le coup de la loi au moment où elle serait entrée en vigueur.
Sur la « petite rétroactivité », c'est-à-dire l'imposition de l'année qui précède, nous pourrions être d'accord, mais il y aurait une solution beaucoup plus simple, dont nous avons parlé pendant la campagne électorale, pour régler le problème : la retenue à la source.
D'autre part, le contribuable est déjà protégé par l'interdiction de porter atteinte à l'autorité de la chose jugée, comme par l'interdiction d'instaurer des sanctions plus sévères en matière fiscale – le Conseil constitutionnel a d'ailleurs renforcé sa jurisprudence. Il est également protégé, parce que l'on ne peut évidemment pas faire renaître des prescriptions légalement acquises. Enfin, vous l'avez dit, le Conseil constitutionnel considère que la loi rétroactive doit être fondée sur un motif d'intérêt général suffisant. Votre proposition de loi organique est de ce point de vue moins protectrice que sa jurisprudence actuelle, puisqu'elle n'impose qu'un simple contrôle de proportionnalité en mentionnant un intérêt général « suffisant ».
Enfin, vous vous trompez sur la situation allemande. En Italie, en Belgique, aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Espagne même, la situation est peu ou prou la même que la nôtre.
Ne votons donc pas cette proposition de loi, même si, je le répète, elle ne présente à l'évidence aucun caractère politique…