Notre collègue Colette Capdevielle a insisté sur la notion de dialogue. Le dialogue, c'est l'héritage que nous a laissé la grande entreprise de séparation des Églises et de l'État avec la loi de 1905 ; il s'agissait de la volonté du législateur, dans le cadre d'un compromis plutôt libéral.
Disons les choses telles qu'elles sont : le débat auquel nous assistons depuis 1989 ne porte pas tant sur la notion de laïcité que sur la place de l'islam dans notre société. Il s'agit désormais de la deuxième religion de France, pratiquée par quelque 5 millions de Français, et qui a des exigences qui peuvent parfois heurter. Elle n'a pas trouvé véritablement sa place, ou du moins elle n'est pas totalement reconnue dans l'espace public et dans la République, et des problèmes liés à son financement et à la formation de son clergé se posent : autant de questions sur lesquelles le législateur devrait se mobiliser. Or, depuis 1989 et la première affaire du voile de Creil, ce qui mobilise le législateur, c'est très hypocritement la question des signes religieux, alors que nous savons tous de quoi il retourne ! Je m'oppose à cette façon d'aborder le débat.
Monsieur le rapporteur, je reconnais que vous avez fait une présentation apaisée, qui permet d'engager le débat – cela nous change des outrances de certains responsables de l'opposition sur les pains au chocolat… Vous avez notamment fait référence au rapport Stasi, qui comprenait plusieurs recommandations : ainsi proposait-il notamment reconnaître les principales fêtes religieuses, ce qui n'a pas eu de suite, et, s'agissant de la situation dans les entreprises, de prendre une disposition législative « après concertation avec les partenaires sociaux ». De fait, lors de la préparation de loi de 2004, les partenaires sociaux ont été auditionnés. Or je n'ai pas l'impression – et cela m'a été confirmé à la lecture de Libération, qui a consacré hier trois pages à l'étude de l'OFRE sur les pratiques religieuses dans l'entreprise – que les partenaires sociaux, qu'ils soient du côté des syndicats ou de celui du patronat, estiment qu'un recours à la loi soit susceptible de les aider à résoudre les difficultés qu'ils peuvent parfois rencontrer.
Tout est parti de l'affaire de la crèche « Baby Loup », et, quand on lit la décision de la Cour de cassation, on a dû mal à comprendre pourquoi tout s'est emballé. Cela étant, je ne vous tiens pas pour seul responsable, monsieur le rapporteur : j'ai en mémoire les propos du ministre de l'Intérieur, Manuel Valls, qui, s'affranchissant du respect de la séparation des pouvoirs, avait « pilonné » cette décision de justice.
Je vois dans cette affaire une crispation face à l'émergence d'une religion et de ses pratiques, qui nécessite qu'on engage une discussion avec les responsables communautaires et que l'on examine au sein des entreprises comment les demandes émergent et de quelle manière elles sont réglées ; aujourd'hui, le dialogue semble primer. Pourquoi ne pas s'en tenir à cela ? J'attends toutefois avec impatience la décision de la Cour européenne des droits de l'homme relative à la loi interdisant le port du voile intégral dans l'espace public, car je pense que les attendus seront très intéressants.
Les écologistes se sont toujours opposés à de telles initiatives législatives. En 1994, nous avions soutenu la jurisprudence du Conseil d'État, qui avait recommandé le dialogue pour régler les questions liées au port du foulard à l'école. Nous nous étions également opposés à l'interdiction du port du voile intégral dans l'espace public, parce que nous pensions qu'il s'agissait d'une atteinte aux libertés fondamentales. Pour les mêmes raisons, je voterai contre la présente proposition de loi.