Intervention de Alain Tourret

Réunion du 21 mai 2013 à 16h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlain Tourret :

Est-il bien nécessaire de convoquer le Congrès pour changer, en fin de compte, un membre du CSM ? Cette convocation, concevable au regard de l'ensemble de la réforme constitutionnelle, ne relève-t-elle pas, désormais, de l'acharnement thérapeutique ?

S'agissant des liens entre le parquet et le garde des Sceaux, nous nous étions opposés à la réforme proposée par Mme Guigou ; il avait fallu des transactions complexes pour aboutir à un texte qui ne fut finalement pas voté, puisque le Congrès n'a pas été convoqué. Les radicaux de gauche refusent la République des juges comme l'indépendance des procureurs. Notre architecture judiciaire est en effet fragilisée par la non-reconnaissance de la spécificité du statut du garde des Sceaux : sa désignation devrait être ratifiée par le Parlement, et il devrait échapper aux aléas des remaniements gouvernementaux – je suis d'ailleurs loin d'être le seul à défendre cette idée. Une telle indépendance politique, en le mettant à l'abri des soupçons, lui permettrait d'établir un véritable rapport hiérarchique avec le parquet. Mais ce n'est évidemment pas le sens du texte qui nous est proposé.

Comme l'a par exemple montré l'affaire Clinton aux États-Unis, l'indépendance donne aux procureurs la possibilité d'agir avec férocité et ce, en l'absence de tout contrôle ; elle devient alors synonyme de partialité – d'où mes doutes quant à toute disposition en ce sens. De plus, comme M. Schwartzenberg le soulignait, l'unité de la politique pénale doit être assurée sur l'ensemble du territoire, tâche qui incombe d'ailleurs aux procureurs de la République – dont chacun sait qu'ils détiennent le vrai pouvoir en la matière – bien davantage qu'aux procureurs généraux. En ce sens, l'absence de hiérarchisation entre le parquet et la Chancellerie me semble dangereuse pour la République.

L'État, rappelons-le, est séparé non pas en trois mais en deux pouvoirs, puisque la justice n'est pas un pouvoir ; c'est une autorité. C'est pourquoi les deux textes dont nous discutons ne laissent pas de m'inquiéter. J'approuve les amendements du rapporteur au projet de loi constitutionnelle portant réforme du CSM, mais ceux-ci ne correspondent toutefois pas aux engagements du président de la République. Enfin, gardons-nous de réduire le lien entre les procureurs et le garde des Sceaux aux directives de politique pénale.

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