Intervention de Geneviève Fioraso

Séance en hémicycle du 23 mai 2013 à 9h30
Projet de loi relatif à l'enseignement supérieur et à la recherche — Réponse du gouvernement aux orateurs inscrits dans la discussion générale

Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche :

Ils ont également été confortés par une loi de finances pluriannuelle votée le 28 décembre dernier. Pour les trois ans à venir, il y aura bien 1 000 emplois créés par an, que le ministère a voulu cibler sur ce qui est sa priorité, la résorption de l'échec en licence et la réussite étudiante.

La précarité s'est beaucoup développée sous le quinquennat précédent, en raison d'une frénésie d'appels à projets, par l'ANR, ou encore sur les investissements d'avenir, par exemple. Vous avez parlé hier de « bureaucratisation » ; il se trouve que, dans le cadre d'un rapport pour l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et techniques, j'ai fait le compte : ce sont une trentaine d'acronymes, pour la plupart correspondant à de nouvelles entités juridiques, qui ont été créés sous le précédent quinquennat. Je ne pense pas que cette « stratification géologique », pour reprendre l'expression de Jean-Yves Le Déaut, premier vice-président de l'office, contribue à la dynamique et au nouvel élan que nous voulons donner à notre recherche et à notre enseignement supérieur.

Cette précarité est donc liée au remplacement de crédits récurrents par des appels à projets de façon tout à fait déséquilibrée. Il n'y a rien d'idéologique dans mes propos ; les appels à projets ne me font pas peur, mais il ne faut pas, surtout dans un milieu où le moyen et le long terme sont si importants, déséquilibrer subitement les procédures, en passant de crédits récurrents au recours exclusif ou presque à des appels à projets.

Il était donc urgent de rétablir un équilibre, de mettre fin à l'inflation des CDD ; nous l'avons fait. Ce n'est pas dans la loi mais mon ministère a engagé cette action. Nous nous sommes engagés à titulariser 2 100 personnels des universités par an, de façon à résorber l'ensemble des postes précaires évalués à 8 400. Cela concerne souvent des techniciens, que l'on oublie fréquemment lorsque l'on parle des personnels des universités et des organismes de recherche, alors qu'il n'y a pas de manipulations possibles sans eux. Bien souvent, ce qu'on réalise en laboratoire dépend aussi de leur compétence, et nous ne pouvons continuer à les faire aller ainsi de CDD en CDD, de projets en projets. Quand le projet se termine, il n'y a plus de techniciens, et l'on se rend compte que le laboratoire ne tourne plus, que l'on a ainsi perdu tout le savoir capitalisé des années durant. C'est surtout vrai pour les petits laboratoires, qui ne peuvent compenser une perte de techniciens ayant ces expertises spécifiques.

J'évoque ces 2 100 titularisations par an, même si ce n'est pas dans le projet de loi, car il est important d'exposer le cadre général de notre action. La loi n'est pas bavarde ; elle se cantonne à son domaine, défini constitutionnellement. Elle reprend les préconisations du rapport des assises, de celui de Jean-Yves Le Déaut, ainsi que de ceux des rapporteurs, au premier rang desquels Vincent Feltesse, sans sortir du domaine législatif, car nous voulons être efficaces le plus rapidement possible ; nous avons déjà engagé les actions qui ne relèvent pas du législatif.

En ce qui concerne les organismes de recherche, nous avons là aussi commencé d'agir, depuis le conseil d'administration du 14 novembre dernier. Nous avons demandé à l'Agence nationale de la recherche, recentrée sur ses missions, j'y reviendrai, de définir des programmes pluriannuels au profit des projets de recherche fondamentale, pour éviter de demander à nos chercheurs d'inventer des livrables, qu'ils ne peuvent anticiper ; la recherche fondamentale étant par essence exploratoire, elle comporte des risques et ne peut pas non plus préjuger des applications, qui ne sont pas prévisibles. Nous avons donc obtenu de l'ANR qu'elle remette en place des programmes pluriannuels.

Nous lui avons aussi demandé, et son conseil d'administration l'a voté, d'inscrire un plafond à l'embauche des CDD pour tous les appels à projets. Nous avons en outre redirigé, comme je l'ai dit, un peu plus de 70 millions d'euros des appels à projets vers des crédits récurrents pour les laboratoires, afin de permettre à la recherche fondamentale de retrouver son rythme et une certaine sécurité pour les projets de long terme. Ces projets sont souvent à l'origine de progrès dans les connaissances, qui font évoluer une société, la tirent vers le haut et redonnent du lustre à un pays, ce dont nous avons bien besoin, après dix ans de confusion. Ils rendent également possibles des innovations de rupture ayant un retour sur investissement plus important que les innovations incrémentales issues d'autres types de recherche ou de transferts.

Un agenda social s'ouvre avec les organismes, à qui nous avons demandé de maintenir un équilibre entre l'embauche, l'ouverture de postes pour les jeunes chercheurs, notamment pour permettre aux « post-doc » d'avoir un débouché et une insertion plus rapides que ceux qui s'offrent à eux aujourd'hui, et la titularisation des personnes aujourd'hui « trimbalées » de CDD en CDD.

S'agissant de l'université, si l'on veut exposer clairement la situation, il faut regarder l'historique. Au ministère, j'ai en permanence dans mon bureau un grand tableau Excel. Pardonnez-moi pour la publicité, ce n'est pas un logiciel libre, mais ce tableau a le mérite de bien montrer, université par université, l'évolution du budget, fonds de roulement et trésorerie, depuis le passage en RCE – responsabilités et compétences partagées. Toutes les universités, depuis qu'elles ont acquis cette autonomie opérationnelle, consomment leurs fonds de roulement et ont une trésorerie qui se dégrade. Pourquoi ? Parce que la loi LRU était une grande loi de transfert de la masse salariale vers les universités sans aucune anticipation de l'évolution,…

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