Pour avoir siégé pendant plus de dix ans de façon tout à fait opérationnelle dans diverses structures – grand établissement, à la présidence d'un institut d'administration des entreprises, dans des PRES ou dans des conseils d'administration d'université – je peux dire, sans idéologie mais avec pragmatisme, à quel point la formation, la vie étudiante, qui contribue à la réussite des étudiants, ou la pédagogie et ses innovations, étaient souvent absentes de conseils d'administration surchargés.
L'idée est, comme au fondement de toute démocratie, de séparer les pouvoirs : le conseil d'administration s'occupe des grandes orientations stratégiques et, d'un autre côté, les acteurs concernés s'occupent eux de la vie académique, de la formation et de la science. Ce ne sera pas une usine à gaz. Si nous avons élargi les conseils académiques, c'est parce que nous voyons bien que des réformes décidées d'en haut, de façon assez dogmatique comme cela s'est passé dans le précédent quinquennat, n'ont aucun effet sur le terrain quand les acteurs ne se les approprient pas. C'est un moyen également de participer sur le terrain.
Nous ne voulons pas non plus déstabiliser la gouvernance des conseils d'administration et les présidents d'universités : c'est pourquoi nous leur faisons confiance. Ce sont donc bien les conseils d'administration qui décideront de la gouvernance de ces conseils académiques. Ils pourront, contrairement à ce que vous avez dit dans l'opposition, être présidés par le président du conseil d'administration. Ce conseil pourra désigner l'un de ses vice-présidents pour présider le conseil académique, ou une personnalité extérieure. Nous nous faisons confiance et nous leur faisons confiance pour prendre des décisions de gouvernance qui seront adaptées à leur écosystème.
C'est cela l'autonomie : faire confiance aux sites et non pas seulement la proclamer. Il a d'ailleurs été dit hier que la loi LRU a été « proclamée ». Vous avez fait un beau lapsus, puisqu'elle a été proclamée sans être mise en pratique. On proclamait l'autonomie, mais on la refusait aux acteurs de terrain : ce n'est pas notre façon de voir les choses. Nous voulons concilier un État stratège et des territoires dont la spécificité et la dynamique doivent être stimulées et reconnues.
Nous avons aussi instauré la parité, mais nous y reviendrons, car j'ai vu en commission que la parité, dans l'opposition, ne vous agréait pas. Cela me paraît pourtant essentiel que l'Université et la recherche, qui doivent se trouver à l'avant-garde de l'évolution d'une société et qui ont produit nombre d'études sur le genre et les causes de l'absence de parité, soient à la pointe dans ce domaine.
S'agissant de la recherche, je n'en dirai ici que quelques mots puisque nous y reviendrons. Nous pouvons être fiers de notre recherche fondamentale. Nous n'avons pas à rougir, mais bien au contraire à être fiers de nos médailles Fields, de nos prix Nobel ou de nos lauréats du conseil européen de la recherche. Mais nous devons aussi être conscients que notre recherche ne se transforme pas suffisamment en emplois. Il ne s'agit pas d'imposer le transfert, comme je l'ai entendu dire, à toute la recherche, y compris à la recherche en sciences humaines et sociales, qui parfois peut être transférée à des collectivités territoriales – par exemple, il est très utile d'avoir des études sur la politique de la ville ou sur la sécurité, lorsque l'on s'occupe de politiques publiques. Ce lien, là encore, doit être renforcé. Mais il ne s'agit pas de contraindre des disciplines qui, à l'évidence, ne sont pas concernées par le transfert.
Ce transfert se fera quand il est possible, comme nous l'avons précisé dans un amendement. Il n'est pas normal d'accepter plus longtemps que nous soyons la sixième puissance scientifique du monde, mais que nous occupions entre la quinzième et la dix-huitième place, selon les critères retenus, pour l'innovation. L'innovation, c'est l'emploi. 80 % des emplois créés aujourd'hui en Europe viennent de l'innovation. Il est essentiel d'améliorer ce processus de transfert. Or ce n'est pas une technostructure au nom évocateur de « société d'accélération du transfert de technologies » qui va suffire : encore une fois, il faut l'« environner ». Aussi avons-nous pris un certain nombre de dispositions sur lesquelles nous reviendrons dans l'étude du texte.
Il s'agit également de s'occuper des sciences humaines et sociales et des disciplines rares. Nous avons découvert en lançant une mission dans notre ministère qu'il n'y avait aucun outil statistique : ils avaient disparu. Les sciences humaines et sociales et les disciplines rares n'étaient plus en effet dans les préoccupations de ce ministère.