Intervention de Élisabeth Guigou

Réunion du 26 septembre 2012 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉlisabeth Guigou, rapporteure :

Notre Commission examine ce matin le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire. Il n'a échappé à personne à quel point ce traité, et au-delà le « paquet européen » qui l'accompagne, le complète, mobilise et intéresse les responsables politiques que nous sommes. D'une certaine manière, je vois dans cette implication une chance pour l'Europe car, ces dernières années, me semble-t-il, l'idée même d'Europe a été abimée par les dérives libérales et la crise de la zone Euro. Or, il est de notre responsabilité, femmes et hommes politiques, de remettre le projet européen, l'ambition européenne au coeur du débat public.

Les ministres Laurent Fabius et Bernard Cazeneuve – ce dernier encore hier – se sont largement exprimés devant votre Commission et ont répondu – je l'espère – à l'ensemble de vos questions. Avant d'entrer dans le vif du sujet, je voudrais rappeler, mais vous le trouverez également dans le rapport que je vous ai fait parvenir, quelques éléments de notre histoire européenne tant j'entends ou je lis d'inexactitudes.

Premier point, les règles fondamentales de l'union monétaire remontent au traité de Maastricht, qui est à l'origine de la monnaie unique. Car il a toujours été clair pour tout le monde qu'une union monétaire ne pouvait se construire sans règles communes. C'est pourquoi les Européens ont alors décidé que la monnaie unique serait gérée par une Banque centrale indépendante des États et ont édicté des règles qui plafonnent leurs déficits publics à 3 % du PIB et leur dette publique à 60 %. C'est aussi au traité de Maastricht que remonte l'établissement d'une procédure de surveillance du respect de ces règles. Le peuple français l'a accepté, par référendum, en septembre 1992.

Ces règles ont été ensuite précisées, complétées, amendées par des dispositions dites de droit dérivé : le pacte de stabilité et de croissance en 1997, sa réforme en 2005, enfin l'ensemble de règlements et de directive que l'on appelle le Six pack en 2011.

Le traité budgétaire dont nous débattons aujourd'hui s'inscrit dans la continuité de ces dispositions. Quand on l'analyse, on se rend compte que les innovations qu'il apporte sont limitées. C'est pourquoi, d'ailleurs, nous pouvons l'approuver et le transcrire dans notre droit national sans avoir à modifier la Constitution. Comme l'a jugé le Conseil constitutionnel, le 9 août dernier, ce traité ne comporte pas de nouveaux transferts de souveraineté.

Le traité comprend trois parties principales. Elles sont respectivement consacrées au « pacte budgétaire », à la coordination des politiques économiques et à la gouvernance de la zone euro.

L'article 3 constitue la principale disposition du traité. Il pose le principe d'un déficit structurel annuel des administrations publiques qui ne peut excéder 0,5 % du PIB. Il autorise en outre les États à s'écarter temporairement de cette obligation « en cas de circonstances exceptionnelles » – ce qui inclut, par exemple, les cas de récession économique grave – et lorsque cela ne remet pas en cause la soutenabilité, à moyen terme, de leur budget.

Selon certains commentaires, cette limite de - 0,5 % nous enserrerait dans un corset financier sans précédent. De mon point de vue, cette opinion ne résiste pas à l'analyse.

Tout d'abord, la volonté de limiter le déficit n'est pas nouvelle. Comme je l'ai dit, elle est présente, dans le droit européen, depuis le traité de Maastricht. Quant à l'introduction d'une référence non plus au déficit tout court mais au déficit structurel, elle remonte à la révision du pacte de stabilité en 2005. Ce que le traité budgétaire change, c'est de fixer la limite maximum de déficit structurel à 0,5 % du PIB au lieu de 1 %. C'est un fait, la règle devient ainsi plus stricte.

La notion de déficit structurel appelle des précisions. Elle laisse ouverte des possibilités de négociation et des marges de manoeuvre importantes aux politiques nationales, et ce, pour plusieurs raisons.

– Première raison, il y a plusieurs manières de calculer le taux de croissance dit « potentiel », dont l'écart par rapport au taux de croissance réel permet ensuite de calculer le solde structurel. En France, il en existe trois ou quatre différentes. Ensuite, au-delà de cette question du calcul, il y a des débats sur la définition même du périmètre de ce que l'on met ou non dans le solde structurel. Ainsi certains États souhaiteraient-ils que l'on ne prenne pas en compte les dépenses d'investissement. Je pense à l'Italie où je me suis rendue récemment et où mes interlocuteurs m'ont confirmé cette demande. Cela dit, le gouvernement français ne la partage pas.

– Deuxième raison, du fait du choix d'une référence au déficit public structurel calculé après avoir neutralisé l'impact de la conjoncture et du fait que l'on définisse une trajectoire à moyen terme pour l'atteindre, nous pourrons avoir, si nous le souhaitons, des politiques contracycliques. Cela évitera les situations absurdes et dramatiques où, face à une dégradation des comptes publics consécutive à une panne de croissance, les États se voient obliger d'y ajouter une contraction budgétaire qui accroît les difficultés.

– Enfin, vous avez sans doute lu les analyses qu'ont faites des économistes, notamment ceux de l'OFCE en juillet dernier, sur ce point. Sans entrer dans leur détail, il ressort de ces analyses un constat essentiel : viser 0,5 % de déficit structurel laisse en fait de nombreuses options budgétaires et économiques possibles.

Les choix budgétaires que notre majorité a faits ne sont pas imposés par le traité. Nous les tiendrons parce que le Président de la République a été élu par les Français sur ce programme et parce qu'ils correspondent à notre intérêt national.

Nous devons en effet rassurer nos partenaires européens et les investisseurs financiers sur le sérieux de la politique budgétaire française, après une décennie où la France, je le souligne, n'a pas été un exemple en la matière. Je veux rappeler que, sept années sur dix, entre 2002 et 2011, notre pays a affiché un déficit public global de plus de 3 % du PIB, ne respectant pas les engagements de Maastricht.

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