Commission des affaires étrangères

Réunion du 26 septembre 2012 à 9h30

Résumé de la réunion

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La réunion

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Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire (n° 197)

La séance est ouverte neuf heures trente.

La commission examine, sur le rapport de Mme Elisabeth Guigou, le projet de loi autorisant la ratification du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire (n° 197).

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Notre Commission examine ce matin le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire. Il n'a échappé à personne à quel point ce traité, et au-delà le « paquet européen » qui l'accompagne, le complète, mobilise et intéresse les responsables politiques que nous sommes. D'une certaine manière, je vois dans cette implication une chance pour l'Europe car, ces dernières années, me semble-t-il, l'idée même d'Europe a été abimée par les dérives libérales et la crise de la zone Euro. Or, il est de notre responsabilité, femmes et hommes politiques, de remettre le projet européen, l'ambition européenne au coeur du débat public.

Les ministres Laurent Fabius et Bernard Cazeneuve – ce dernier encore hier – se sont largement exprimés devant votre Commission et ont répondu – je l'espère – à l'ensemble de vos questions. Avant d'entrer dans le vif du sujet, je voudrais rappeler, mais vous le trouverez également dans le rapport que je vous ai fait parvenir, quelques éléments de notre histoire européenne tant j'entends ou je lis d'inexactitudes.

Premier point, les règles fondamentales de l'union monétaire remontent au traité de Maastricht, qui est à l'origine de la monnaie unique. Car il a toujours été clair pour tout le monde qu'une union monétaire ne pouvait se construire sans règles communes. C'est pourquoi les Européens ont alors décidé que la monnaie unique serait gérée par une Banque centrale indépendante des États et ont édicté des règles qui plafonnent leurs déficits publics à 3 % du PIB et leur dette publique à 60 %. C'est aussi au traité de Maastricht que remonte l'établissement d'une procédure de surveillance du respect de ces règles. Le peuple français l'a accepté, par référendum, en septembre 1992.

Ces règles ont été ensuite précisées, complétées, amendées par des dispositions dites de droit dérivé : le pacte de stabilité et de croissance en 1997, sa réforme en 2005, enfin l'ensemble de règlements et de directive que l'on appelle le Six pack en 2011.

Le traité budgétaire dont nous débattons aujourd'hui s'inscrit dans la continuité de ces dispositions. Quand on l'analyse, on se rend compte que les innovations qu'il apporte sont limitées. C'est pourquoi, d'ailleurs, nous pouvons l'approuver et le transcrire dans notre droit national sans avoir à modifier la Constitution. Comme l'a jugé le Conseil constitutionnel, le 9 août dernier, ce traité ne comporte pas de nouveaux transferts de souveraineté.

Le traité comprend trois parties principales. Elles sont respectivement consacrées au « pacte budgétaire », à la coordination des politiques économiques et à la gouvernance de la zone euro.

L'article 3 constitue la principale disposition du traité. Il pose le principe d'un déficit structurel annuel des administrations publiques qui ne peut excéder 0,5 % du PIB. Il autorise en outre les États à s'écarter temporairement de cette obligation « en cas de circonstances exceptionnelles » – ce qui inclut, par exemple, les cas de récession économique grave – et lorsque cela ne remet pas en cause la soutenabilité, à moyen terme, de leur budget.

Selon certains commentaires, cette limite de - 0,5 % nous enserrerait dans un corset financier sans précédent. De mon point de vue, cette opinion ne résiste pas à l'analyse.

Tout d'abord, la volonté de limiter le déficit n'est pas nouvelle. Comme je l'ai dit, elle est présente, dans le droit européen, depuis le traité de Maastricht. Quant à l'introduction d'une référence non plus au déficit tout court mais au déficit structurel, elle remonte à la révision du pacte de stabilité en 2005. Ce que le traité budgétaire change, c'est de fixer la limite maximum de déficit structurel à 0,5 % du PIB au lieu de 1 %. C'est un fait, la règle devient ainsi plus stricte.

La notion de déficit structurel appelle des précisions. Elle laisse ouverte des possibilités de négociation et des marges de manoeuvre importantes aux politiques nationales, et ce, pour plusieurs raisons.

– Première raison, il y a plusieurs manières de calculer le taux de croissance dit « potentiel », dont l'écart par rapport au taux de croissance réel permet ensuite de calculer le solde structurel. En France, il en existe trois ou quatre différentes. Ensuite, au-delà de cette question du calcul, il y a des débats sur la définition même du périmètre de ce que l'on met ou non dans le solde structurel. Ainsi certains États souhaiteraient-ils que l'on ne prenne pas en compte les dépenses d'investissement. Je pense à l'Italie où je me suis rendue récemment et où mes interlocuteurs m'ont confirmé cette demande. Cela dit, le gouvernement français ne la partage pas.

– Deuxième raison, du fait du choix d'une référence au déficit public structurel calculé après avoir neutralisé l'impact de la conjoncture et du fait que l'on définisse une trajectoire à moyen terme pour l'atteindre, nous pourrons avoir, si nous le souhaitons, des politiques contracycliques. Cela évitera les situations absurdes et dramatiques où, face à une dégradation des comptes publics consécutive à une panne de croissance, les États se voient obliger d'y ajouter une contraction budgétaire qui accroît les difficultés.

– Enfin, vous avez sans doute lu les analyses qu'ont faites des économistes, notamment ceux de l'OFCE en juillet dernier, sur ce point. Sans entrer dans leur détail, il ressort de ces analyses un constat essentiel : viser 0,5 % de déficit structurel laisse en fait de nombreuses options budgétaires et économiques possibles.

Les choix budgétaires que notre majorité a faits ne sont pas imposés par le traité. Nous les tiendrons parce que le Président de la République a été élu par les Français sur ce programme et parce qu'ils correspondent à notre intérêt national.

Nous devons en effet rassurer nos partenaires européens et les investisseurs financiers sur le sérieux de la politique budgétaire française, après une décennie où la France, je le souligne, n'a pas été un exemple en la matière. Je veux rappeler que, sept années sur dix, entre 2002 et 2011, notre pays a affiché un déficit public global de plus de 3 % du PIB, ne respectant pas les engagements de Maastricht.

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Notre pays a dépassé ce taux de 3% à partir de 2008 avec la crise, mais aussi en 2002, 2003 et 2004, avant la crise. De 2007 à 2012, notre dette a augmenté de 600 milliards d'euros. Son poids dans le PIB s'est accru de 45 %. Certes il y a eu la crise, mais cette augmentation a été plus forte que chez tous nos principaux partenaires : de l'ordre de 30 % en Allemagne, en Espagne et aux Pays-Bas ; quant à la Belgique et l'Italie, elles ont fait encore mieux.

Ce comportement de la France tranchait avec la période précédente : de 1997 à 2001, sous le gouvernement de Lionel Jospin, notre déficit public global avait constamment été réduit, passant de 3 % du PIB en 1997 à 1,4 % en 2001, et le taux d'endettement public, toujours inférieur à 60 %, avait également diminué.

Plus généralement, alors que le service de la dette est devenu le premier budget de la nation, avec 50 milliards d'euros, le retour progressif à l'équilibre des comptes peut seul nous éviter de tomber durablement dans la dépendance des marchés financiers. Si nous voulons retrouver des marges de manoeuvre pour nos politiques, il est impératif de réduire notre dette.

C'est enfin un devoir moral : nous ne pouvons pas faire supporter aux jeunes générations le poids du surendettement de leurs aînés.

Pour en revenir à l'article 3, il faut préciser qu'il stipule également que chaque État se dote d'un mécanisme de correction qui peut se déclencher automatiquement s'il s'écarte de ses obligations liées au déficit. Il exige également que des organismes indépendants soient désignés, au niveau national, pour contrôler l'application et le respect de la règle de l'équilibre budgétaire. Enfin, il impose que, dans l'année qui suit l'entrée en vigueur du traité, les États signataires transcrivent, dans leur droit national, l'ensemble des obligations que je viens de décrire. Ils devront le faire, « au moyen de dispositions contraignantes et permanentes, de préférence constitutionnelles, ou dont le plein respect et la stricte observance tout au long des processus budgétaires nationaux sont garantis de quelque autre façon ».

Cette rédaction laisse ouvertes des possibilités multiples quant à la transposition de cette clause en droit national.

Les options prises par nos partenaires sont très diverses. Certains ont l'intention d'inscrire leur règle d'équilibre budgétaire dans une loi ordinaire. Ce serait, par exemple, le cas du Danemark, du Luxembourg, de l'Estonie et de la Hongrie. L'Irlande a effectué une révision constitutionnelle de façon à assurer la compatibilité du traité avec sa Constitution, mais envisage d'inscrire la règle d'équilibre budgétaire dans une loi ordinaire, ce qui est notable dans un pays qui recourt systématiquement au referendum pour toute révision des traités européens. Les Pays-Bas envisagent d'inscrire la règle d'équilibre budgétaire dans une « loi sur la soutenabilité des finances publiques » qui serait une loi simple. D'autres, comme l'Espagne, prendront ou ont pris des lois organiques après avoir révisé leur constitution antérieurement au traité.

En France, pour la règle d'équilibre, ou « règle d'or », nous n'avons pas besoin d'une révision de la Constitution. Comme l'a indiqué le Conseil constitutionnel, nous pouvons nous en tenir à une loi organique qui confortera un instrument utile, les lois de programmation des finances publiques. Et il me paraît difficile de contester l'utilité d'une projection pluriannuelle des finances publiques, dont le principe est posé depuis 2001 dans la loi organique relative aux lois de finances.

De même, comme l'a observé le Conseil constitutionnel, le mécanisme dit « automatique » de correction des dérives sera en fait modérément contraignant, le traité laissant à chaque État le soin de le définir et garantissant en tout état de cause le respect des prérogatives des parlements. Comme nous le verrons avec la loi organique, le Gouvernement nous proposera effectivement une transposition respectueuse de nos prérogatives budgétaires.

Quant à l'obligation de disposer d'un organisme de conseil « indépendant » sur les questions budgétaires, comment le Parlement pourrait-il s'en offusquer après tant d'années à discuter de la validité des prévisions économiques et budgétaires des gouvernements successifs et à chercher à développer sa propre expertise ? Comment, en tant que parlementaires, ne pas être satisfaits que le Conseil constitutionnel, dans sa décision sur le traité budgétaire, ait annoncé son intention de développer une jurisprudence sur la sincérité budgétaire, qui se fondera sur les travaux de l'organisme indépendant que nous allons établir dans la loi organique ?

L'article 4 du traité oblige tout État présentant un ratio d'endettement supérieur à 60 % du PIB à réduire sa dette dépassant cette valeur à un rythme moyen d'un vingtième par an. Cette exigence n'est pas nouvelle. Elle a été introduite en 2011 par le Six pack. Elle doit en outre être nuancée car elle ne s'appliquera pas aux États membres soumis à une procédure concernant les déficits excessifs, ce qui est le cas de la France, ni pendant une période de trois ans à compter de la correction de leur difficulté. Dès lors, elle ne risque pas de concerner notre pays avant 2017.

L'article 5 prévoit que tout État sous le coup d'une procédure pour déficit excessif établira un « programme de partenariat budgétaire et économique ».

L'article 6 invite les États à transmettre à l'avance au Conseil et la Commission leurs plans d'émission de dette publique. Cette disposition pourrait constituer un premier pas dans le sens de la coordination des émissions des dettes des États de la zone euro.

L'article 7 constitue, comme l'article 3, une des principales innovations du traité. Les États membres de la zone euro s'engagent à appuyer les propositions ou recommandations de la Commission relatives à un État en situation de déficit excessif sauf si une majorité qualifiée d'entre eux n'y est pas favorable. Concrètement, cela reviendra à appliquer le principe de majorité qualifiée inversée lorsqu'un État ne respectera pas le critère du déficit. Cette disposition s'inscrit encore dans la continuité du Six pack, qui a prévu la même chose pour le vote sur les sanctions éventuelles. Le traité empêchera ainsi de renouveler l'expérience de 2003, lorsqu'une simple minorité de blocage avait pu mettre un terme aux procédures engagées contre la France et l'Allemagne. Je rappelle que le président Jacques Chirac et le chancelier Gerhard Schröder avaient imposé cela. C'est aussi à cette époque qu'ils ont refusé de donner des prérogatives de contrôle sur place à l'Office statistique de l'Union européenne (Eurostat), parce qu'ils ne voulaient pas qu'il aille regarder comment leurs statistiques nationales étaient élaborées. Mais si Eurostat avait eu ces pouvoirs, il aurait pu enquêter sur la fiabilité des statistiques grecques et l'on n'aurait peut-être pas attendu 2009 pour découvrir qu'elles étaient maquillées, découverte tardive qui a précipité la crise.

Enfin, l'article 8 est le dernier article de la partie du traité consacrée au « pacte budgétaire ». Il donne compétence à la Cour de justice de l'Union européenne pour contrôler la transposition, par les États, de la règle d'équilibre budgétaire prévue à l'article 3. La portée de cet article ne doit pas être surestimée : en aucun cas les lois de finance de chaque État membre ne seront déférées aux juges de Luxembourg afin que ceux-ci en examinent la teneur et sanctionnent, éventuellement, leur incompatibilité avec les règles de discipline budgétaire. Ces lois sont et demeureront des actes de souveraineté, adoptés par chaque parlement, conformément aux constitutions nationales.

Le titre IV du traité, consacré à la coordination des politiques économiques, comprend trois articles. L'article 9 contient l'engagement des États contractants à renforcer la coordination de leurs politiques économiques. L'article 10 autorise le recours aux coopérations renforcées ou aux mesures spécifiques à la zone euro, conformément aux traités européens. Enfin, l'article 11 prescrit que toutes les grandes réformes de politique économique envisagées soient préalablement débattues voire coordonnées entre États.

Le dernier pilier du traité dont nous sommes saisis a trait à la gouvernance de la zone euro. L'article 12 consacre l'existence de sommets de la zone euro, lesquels existaient, de manière informelle, depuis l'automne 2008. L'article 13 soulève, lui, la question du contrôle démocratique de la mise en oeuvre du traité. Il prévoit l'organisation d'une conférence réunissant les représentants des commissions compétentes du Parlement européen et des Parlements nationaux, afin de discuter des politiques budgétaires et d'autres questions régies par le traité. Nous y reviendrons naturellement avec l'examen de la proposition de résolution.

Ce traité que je vous ai présenté est est indissociable des compléments qui lui ont été apportés grâce à l'action du Président de la République.

Ces compléments se sont concrétisés lors du Conseil européen des 28 et 29 juin 2012. Les chefs d'État et de gouvernement ont alors décidé l'adoption d'un pacte pour la croissance et l'emploi comportant des actions immédiates, à hauteur de 120 milliards d'euros. Selon le ministre des affaires étrangères, que nous avons entendu le 11 septembre dernier, l'effet de ces actions sera même plus que doublé du fait de leur effet de levier sur l'investissement privé. Ce pacte comprend notamment l'augmentation du capital de la Banque européenne d'investissement, afin de permettre d'accroître de 60 milliards d'euros la capacité de prêts de l'institution. Il comprend aussi le redéploiement de 55 milliards d'euros de fonds structurels qui n'avaient pas encore été engagés, afin d'en faire bénéficier les PME et l'emploi des jeunes. Il implique aussi une accélération de la mise en oeuvre de project bonds – c'est-à-dire d'emprunts pour financer des projets – pouvant aller jusqu'à 4,5 milliards d'euros.

Le Conseil européen des 28 et 29 juin dernier a également accompli d'importants progrès vers la mise en place prochaine d'une taxe sur les transactions financières par le biais d'une coopération renforcée. Il en a fait de même s'agissant de la supervision bancaire, qui pourrait constituer la première étape vers une « union bancaire ». Je ne vais pas m'attarder sur ces mesures car nous avons longuement entendu les ministres des affaires européennes, hier, sur ce point.

Enfin les chefs d'État et de Gouvernement ont souhaité mettre l'accent sur l'approfondissement de la solidarité financière. Ils ont notamment accepté que le Mécanisme européen de stabilité puisse recapitaliser directement les banques. Ceci est extrêmement important.

La mise en oeuvre de ces mesures a déjà débuté. Ainsi la Commission européenne vient-elle de publier des propositions concrètes pour la supervision bancaire. Les négociations intergouvernementales pour parvenir à une coopération renforcée sur la taxe sur les transactions financières progressent. L'augmentation de capital de la BEI est actée et nous allons, en loi de finances, voter les crédits correspondant à la part de la France. Bernard Cazeneuve nous a dit hier que les retombées pour notre pays pourraient s'élever à environ 5 milliards d'euros, en se fondant sur les taux de retour constatés dans le passé. Il a cité plusieurs exemples concrets de programmes d'investissement susceptibles d'en bénéficier.

Rejeter le traité aurait pour conséquence de faire voler en éclats ces avancées. Plus généralement, ce traité, comme tout traité, s'inscrit dans un compromis global. Certains pays, l'Allemagne en premier lieu, y sont très attachés. Il est la contrepartie pour plus de solidarité dans la zone euro. Nous pouvons comprendre que l'on demande plus de responsabilité pour plus de solidarité. Nous pouvons comprendre que l'Allemagne ait pu vouloir marquer une rupture avec une période où les États membres, la France en particulier, n'ont pas toujours respecté leurs engagements budgétaires. En tout état de cause, il n'est pas possible de retirer un élément d'un compromis global sans compromettre tout le reste.

D'ailleurs, le compromis global que j'évoque est directement inscrit dans les textes. Le traité budgétaire et celui qui a instauré le mécanisme européen de stabilité sont liés : à l'avenir, un État n'ayant pas ratifié le premier ne pourra bénéficier de l'aide du second. Refuser de ratifier le traité budgétaire aurait donc pour conséquence, pour la France, de la priver, à l'avenir, de la possibilité de bénéficier du principal outil de solidarité financière de la zone euro, un outil capable de venir en aide aux États mais aussi, c'est pour la France le plus important, aux banques en difficulté en les recapitalisant directement.

Enfin, le TSCG n'est pas une fin en soi. Les décisions prises à la fin du mois de juin constituent une première étape de la réorientation de la politique européenne. Le Président de la République a développé le 27 août dernier, devant les ambassadeurs, la feuille de route de la construction européenne telle qu'il la conçoit. Centrant son propos sur l'« intégration solidaire », il a évoqué la nécessité d'aller vers une mutualisation des dettes publiques et celle d'avancer vers l'harmonisation fiscale et la convergence sociale et environnementale. Il a aussi développé sa vision de l'union politique : l'Union doit avancer de sorte « qu'à chaque étape, des mécanismes nouveaux soient accompagnés par des avancées démocratiques ». Il y a ajouté des propositions concrètes sur le rôle de l'Eurogroupe et la fréquence des réunions des chefs d'État et de gouvernement de la zone euro. Intégration solidaire, avancées démocratiques et propositions pragmatiques s'inscrivant dans le cadre institutionnel actuel, tels sont les mots-clefs.

Partageant cette feuille de route pour l'Europe, je voudrais insister sur quelques points que je considère comme particulièrement importants.

Premier point : dans le domaine économique, je crois qu'il est essentiel d'en revenir au projet initial inscrit dans le traité de Maastricht, à savoir l'union économique et monétaire, et pas seulement monétaire. Il nous faut coordonner nos politiques économiques, comme le traité nous y invitait et comme nous ne l'avons pas fait. Sur ce point, la responsabilité est d'ailleurs partagée par plusieurs gouvernements. Ainsi pourrons-nous résorber certains déséquilibres croissants qui sont pour beaucoup dans les difficultés de la zone euro. Je pense en particulier à ceux des balances courantes, où l'on voit des pays tels que l'Allemagne et les Pays-Bas accumuler des excédents croissants, de l'ordre de 6 % de leur PIB, en grande partie aux dépens de leurs partenaires.

Sur cette question, je voudrais citer Jacques Delors, en avril dernier : « Mon avertissement essentiel, vous le connaissez : il faut un pilier économique et un pilier monétaire dans l'Union économique et monétaire. Il n'y avait qu'un pilier monétaire et l'économique n'existait pas (…). S'il y avait eu coordination des politiques économiques, si les ministres des finances avaient voulu se parler franchement, cela aurait pu fonctionner (…). Si les ministres des finances avaient voulu se rendre compte de la situation, ils auraient vu que l'Irlande faisait des folies avec ses banques, que l'Espagne en faisait autant avec le crédit immobilier, que la Grèce nous cachait ses véritables statistiques. Mais ils n'ont rien vu ».

Deuxième point, l'union économique impose de reprendre le processus interrompu d'harmonisation fiscale et sociale. Je citerai seulement deux exemples : est-il tolérable que les taux de l'impôt sur les sociétés de certains États membres soient proches de 10 % et que quand l'un de ces États sollicite l'aide massive des autres – je pense naturellement à l'Irlande – personne ne lui demande de mettre fin à ce dumping fiscal ? Deuxième exemple : on constate en l'Allemagne, qu'en l'absence de salaire minimum légal et suite à la réunification, à l'immigration de travailleurs de l'est et à la directive dite Bolkestein, un quart des salariés, soit huit millions, gagnent moins que le SMIC horaire français, et peut-être deux millions moins de 5 euros. Dans ces conditions, la concurrence est-elle loyale ? Est-ce compatible avec une union économique ? Je ne le pense pas. Il nous faudra un jour un salaire minimum dans chaque État membre de l'Union européenne et, à plus forte raison, dans la zone euro.

Je conclurai sur l'union politique, car nous ne pouvons pas éluder ce débat quand nous renforçons l'union monétaire, budgétaire, bancaire et économique. Deux problèmes se posent à l'Europe, qui sont d'ailleurs liés : le premier, c'est l'incapacité à prendre de vraies décisions, le syndrome « trop peu, trop tard » ; le second, c'est le déficit démocratique, ce qui me conduit à penser que la crise de la zone euro est avant tout une crise politique. Je pense qu'il y a beaucoup de progrès que nous pourrions obtenir dans cette voie sans avoir à réviser les traités européens.

Prenons par exemple la désignation du futur président de la Commission européenne en 2014. Pour lui donner une légitimité démocratique, Mme Merkel a proposé qu'il ou elle soit élu au suffrage universel. Ce que propose le Parti socialiste européen est beaucoup plus simple, car cela s'inscrit dans les traités actuels pour un résultat voisin. Je vous rappelle que le PSE a décidé que le futur candidat des Socialistes européens serait désigné avant les élections européennes de 2014, dans le cadre d'une sorte de primaire européenne. Cette personnalité mènera, au nom de tous les partis adhérents au PSE, une campagne européenne sur un projet commun. En mettant ainsi en lumière une personnalité, qui portera un projet politique à l'échelon européen, nous espérons susciter l'intérêt des citoyens et donc combattre l'abstention. A fortiori si les autres partis européens, notamment le Parti populaire européen et les Libéraux, s'engagent dans la même démarche, car alors le débat électoral européen commencera à ressembler à ce qui se passe dans chacun des États. Nous aurons en effet des différences programmatiques identifiables par tous, des personnalités qui s'exposeront pour convaincre les électeurs de leur aptitude à diriger l'Union, des engagements de campagne.

Je vais conclure sur le contrôle démocratique en vous présentant la proposition de résolution adoptée hier par la commission des affaires européennes. Je souhaite naturellement que nous l'adoptions.

Ce qui sous-tend cette résolution, c'est l'idée que la légitimité démocratique peut être double dans une fédération d'États-nations : elle repose à la fois sur le Parlement européen et sur les parlements nationaux. Je suis d'ailleurs heureuse que M. Barroso ait repris à son compte cette idée de fédérations d'États-nations évoquée par Jacques Delors il y a plus de vingt ans !

La résolution a donc d'abord pour objet la mise en place rapide d'une conférence réunissant des représentants des parlements nationaux et du Parlement européen, conformément à l'article 13 du traité budgétaire. Dans ce domaine, nous ne partons pas de rien. Plusieurs propositions, plus ou moins différentes, ont déjà été faites, que ce soit par certains de nos collègues ou ex-collègues des commissions des finances et des affaires européennes pendant la législature précédente, par le Parlement européen ou encore par des personnalités telles que Jean-Louis Bourlanges. En ce qui me concerne je souhaite surtout que nous allions vite et que nous ayons une institution efficace. C'est pourquoi je plaiderai pour que cette conférence parlementaire soit dotée d'une sorte de commission permanente restreinte pour assurer un contrôle continu.

L'autre objet de la proposition de résolution, c'est une implication plus grande du Parlement français dans les processus de dialogue économique et budgétaire qui se mettent en place entre les institutions européennes et les États membres. Avec le « semestre européen », nous avons ainsi depuis deux ans un dialogue sur les choix économiques avec des échéances prédéterminées. Les propositions de nouveaux règlements dites Two pack actuellement en discussion entre les institutions européennes prévoiraient un peu la même chose sur les budgets nationaux. Le Parlement français doit systématiquement pouvoir jouer son rôle dans ce dialogue, ce qui implique que nous devons pouvoir en débattre aux dates qui conviennent.

En conclusion, je vous invite, chers collègues, à adopter le projet de loi de ratification du traité budgétaire et la proposition de résolution, afin que nous puissions poursuivre une construction européenne, je l'espère, plus solidaire et plus démocratique.

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Le groupe UMP votera la ratification de ce traité et il votera le projet de loi organique établissant la règle d'or, même s'il considère qu'il aurait été préférable d'inscrire cette règle dans le marbre de la Constitution.

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Nous souscrivons à la quasi-intégralité de l'argumentaire de la rapporteure. Comment pourrait-il en être autrement, s'agissant d'un texte que nous défendons depuis des mois ? Nous aurions préféré une ratification bien plus rapide, mais, à l'époque, la gauche n'en voulait pas.

Lorsque le Premier ministre et Mme la présidente Guigou exhortent les députés à approuver le traité, ce n'est pas à nous qu'ils s'adressent : c'est à leur propre majorité ! Le Premier ministre va jusqu'à affirmer que ceux qui voteront contre ou qui s'abstiendront veulent la mort de l'euro. Mais, pendant la campagne électorale, M. Hollande a tant répété que le traité n'était pas bon et devait être renégocié qu'il a semé le trouble non seulement dans l'opinion mais aussi dans sa majorité, qui apparaît fortement divisée. Phénomène singulier sous la Ve République, certains ministres du Gouvernement appartiennent à un mouvement qui votera contre la ratification.

Pour notre part, nous restons parfaitement logiques avec nous-mêmes : le traité a été négocié par le président Sarkozy, la chancelière Merkel et les chefs d'État des vingt-cinq pays signataires. Notre vote signifie aussi que nous entendons mener une opposition constructive et non pas systématique.

Vous nous dites que le pacte de croissance a changé la donne. Pourtant, il se résume à la réaffectation de 55 milliards d'euros de fonds structurels non utilisés et à une extension – prévue dès le début de 2012 – du rôle de la Banque européenne d'investissement : ce n'est pas avec cela que l'on pourra lancer des projets importants en France. On nous parle de 7 milliards pour notre pays. C'est évidemment insuffisant pour relancer la croissance.

Notre vote favorable tient aussi à l'absence de judiciarisation du dispositif : aux termes de l'article 8, il n'appartient pas à la Cour de justice de l'Union européenne de veiller au respect du pacte budgétaire par chaque pays.

Quelques observations : les administrations publiques visées à l'article 3 sont à la fois celles de l'État et celles des collectivités territoriales. Un tel dispositif fonctionne déjà en Espagne et en Allemagne. Étant donné l'importance des budgets des collectivités territoriales en France – et sachant que celles-ci sont en majorité tenues par la gauche –, comment entendez-vous leur faire respecter le pacte ?

Je note que le sommet des chefs d'État et de gouvernement de la zone euro, prévu à l'article 12, confirme une initiative que le président Sarkozy avait prise au plus fort de la crise, durant la présidence française de l'Union.

La conférence des représentants du Parlement européen et des parlements nationaux, à l'article 13, est un projet que j'avais soutenu lorsque j'exerçais la présidence de la commission des affaires européennes. En liaison avec le représentant permanent de la France à Bruxelles, nous avons obtenu la création de cette instance interparlementaire en dépit des réticences de certains partenaires, notamment de l'Allemagne. La coordination entre les États est satisfaisante : il faut maintenant qu'elle s'établisse aussi au niveau des parlements.

À cet égard, je souscris à l'opinion de Mme la rapporteure : notre Assemblée doit améliorer son contrôle de l'action du Gouvernement. Sur les sujets importants, il nous faudrait auditionner systématiquement le ministre avant qu'il ne se rende à Bruxelles. En Allemagne, le contrôle est très rigoureux. La Chancelière est auditionnée avant de participer aux conseils de chefs d'État et de gouvernement et elle est tenue de rendre compte au Parlement après ces réunions. Sans aller jusqu'à copier ce système, nous ferions bien de nous en inspirer.

Hier, le ministre a laissé entendre que je « défendais » les propositions allemandes. Tel n'est évidemment pas mon propos. Je constate seulement que l'Allemagne a fait des propositions et j'aimerais que la France y réponde. Ce que je reproche au Gouvernement, c'est son silence. Mme Merkel et M. Schäuble souhaitent la création d'un ministre européen des finances, l'élection du président de la Commission au suffrage universel, différents transferts de souveraineté vers le niveau européen, ainsi que la réunion d'une « convention » qui réfléchirait à un nouveau traité. Il est temps que la France, deuxième puissance en Europe, se prononce. Elle peut être d'accord ou non, formuler, le cas échéant, des contre-propositions, mais il faut engager le dialogue.

Je partage enfin le voeu de la rapporteure en faveur d'une harmonisation fiscale, environnementale et sociale. Mais je doute que l'augmentation de 20 milliards de la fiscalité française, supportée pour moitié par les ménages et pour moitié par les entreprises, aille dans le sens d'une telle harmonisation. Nos prélèvements obligatoires, supérieurs de 10 points à ceux de l'Allemagne et de la moyenne des pays de l'Union, sont déjà parmi les plus élevés d'Europe. La politique engagée par le Gouvernement ne laisse pas de surprendre nos partenaires. Politique européenne et politique intérieure sont étroitement imbriquées. Mieux vaudrait mettre en actes les propositions que nous formulons et les textes que nous signons !

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Pour les raisons excellemment exposées hier par Charles de Courson, le groupe UDI votera ces textes.

Les centristes ont été les premiers à réclamer la « règle d'or ». Ils se félicitent aujourd'hui de son adoption, tout en regrettant qu'elle ne soit pas inscrite dans la Constitution. Ils se réjouissent également de la conversion du ministre des affaires européennes, dont le discours était par le passé quelque peu différent.

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Je ne m'exprime pas en mon nom personnel mais pour exposer la position majoritaire du groupe écologiste qui, par ailleurs, laisse la liberté de vote à ses membres. Les députés écologistes s'opposeront, dans leur majorité, à la ratification du traité, quelques-uns la voteront, d'autres s'abstiendront.

Cette position est conforme à la décision du conseil fédéral d'Europe Écologie-Les Verts, qui s'est prononcé à 70 % contre la ratification. On ne peut pourtant accuser les écologistes d'être anti-européens, eux qui, depuis près de quarante ans, réclament la construction d'une Europe fédérale !

Ce traité, le candidat François Hollande en disait beaucoup de mal et assurait que la France ne le ratifierait pas avant d'obtenir des concessions dans le cadre d'une renégociation. Or, le texte qui nous est soumis est celui-là même que Mme Merkel et M. Sarkozy ont élaboré et signé. Nous sommes donc cohérents : ce que nous n'aimions pas lundi, nous ne l'aimons pas plus mardi !

Cela dit, il est vrai que le Président de la République a obtenu des avancées dans la construction économique et politique de notre continent. Nous approuvons ces avancées mais nous constatons que le pacte de croissance est assez limité. Les 120 milliards annoncés sont peu de chose au regard du budget des pays de l'Union européenne, d'autant que, sur ce montant, 80 milliards étaient déjà engagés avant la négociation du pacte.

Un pacte pour quelle croissance, du reste ? S'agit-il de mettre en oeuvre avec des fonds européens des projets que, pour notre part, nous considérons comme inutiles ? S'agit-il de multiplier des aéroports comme celui de Notre-Dame-des-Landes ? S'agit-il de tracer de nouvelles lignes à grande vitesse et de détruire ainsi des hectares de friches que l'on pourrait reconquérir, moyennant une politique agricole commune reverdie, pour rapprocher les terres agricoles du consommateur ? S'agit-il de poursuivre de grands projets que nous estimons contraires à la transition énergétique et à la transition écologique de l'économie ?

Selon Pierre Lequiller, la politique budgétaire de la France rendrait difficile une harmonisation fiscale européenne. Pour notre part, nous déplorons surtout qu'il n'existe toujours pas d'harmonisation fiscale avec le Luxembourg, l'Irlande ou la Belgique si chère à M. Arnault et à certain de ses amis.

De même, nous sommes encore très loin de la démocratisation de l'Union européenne que Mme Guigou vient de défendre avec vigueur. Mme Merkel a formulé des propositions, le parti socialiste européen également, mais les députés européens Verts ne sont pas en reste. Ils proposent en particulier que la gouvernance économique et politique de l'Europe rende des comptes au Parlement européen, seule instance européenne dont les membres sont directement élus par les citoyens. Il y a aussi beaucoup à faire en matière de taxation des transactions financières. La France a fait un effort, certes, mais bien peu de pays européens sont prêts à accepter un tel dispositif.

Enfin, une politique sociale, économique et environnementale véritablement protectrice suppose que l'on introduise des clauses en ce sens dans le périmètre de compétences de l'Union européenne. S'agissant du nucléaire, par exemple, l'harmonisation des politiques énergétiques semble très éloignée. Il en va de même pour les transports : mieux vaudrait, plutôt que de transporter 85 % de nos marchandises dans des camions, poser ces camions sur des trains. Ce n'est pas en libéralisant l'Union européenne à tour de bras que l'on pourra mener des politiques publiques communes contribuant à réduire notre consommation d'énergie !

Dernier exemple emblématique, la querelle faite à l'un de nos chercheurs qui se trouve obligé, alors qu'il travaille dans un institut public français, de faire appel à une fondation pour mener une étude sur l'impact éventuel des organismes génétiquement modifiés sur la santé...

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Pas du tout. Il existe au sein de l'Union une structure, l'Autorité européenne de sécurité des aliments, dont certains membres ont des intérêts dans l'industrie privée.

Quoi qu'il en soit, ce traité est dépassé. Nous savons bien que les États membres travaillent déjà à la rédaction d'un nouveau traité. Les Verts du Parlement européen ont appelé à la mise en place d'une assemblée constituante. La construction politique de l'Europe est donc en voie de consolidation, même si l'on est encore loin des États-Unis d'Europe que souhaitent les écologistes.

En l'état, ce texte est avant tout un signe envoyé aux marchés qui, paraît-il, ont besoin d'être rassurés. Il n'impose rien d'autre que l'austérité. Alors que nous faisons face à une récession qui commence à se propager à l'Allemagne, une ratification n'est pas acceptable. Le renforcement de l'austérité pénalisera d'abord les personnes les plus vulnérables socialement, économiquement et écologiquement.

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Nous sommes tous d'accord pour constater le désamour profond et durable entre les Européens et l'institution européenne. La décision de ne pas soumettre le traité à référendum ne fera qu'aggraver ce sentiment. Le déni de démocratie est patent. Pouvait-il en être autrement ? En 2005, les Français se prononcent mais on ne tient pas compte de leur avis et, en 2008, le traité de Lisbonne reprend dans ses grandes lignes le traité constitutionnel qu'ils ont rejeté. Le Congrès réuni à Versailles ratifie le nouveau texte grâce à l'abstention du parti socialiste. Devant cette dérive antidémocratique, Français et Européens en viennent à douter du bien-fondé de cette magnifique idée qu'est la construction européenne.

Si je souligne mon attachement à cette idée, madame la présidente, c'est que vous affirmez dans votre rapport que les personnes opposées au traité sont soit des xénophobes, soit des populistes.

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Mes amis du Front de gauche et moi nous sommes pourtant sentis visés !

Aux yeux des élites européennes, les problèmes sont si complexes qu'on ne saurait demander aux peuples d'émettre un avis à leur sujet. Le philosophe allemand Jürgen Habermas, européen convaincu et partisan du « oui » en 2005, considère du reste que l'Europe est entrée dans une ère « post-démocratique ». Il y a là quelque chose de grave, une sorte de soviétisme politiquement correct par lequel on considère que l'on peut faire le bonheur des peuples à leur place et s'exonérer du suffrage universel.

Le parti socialiste, j'y reviens, s'était abstenu au sujet du mécanisme européen de stabilité et le président Hollande s'était engagé à renégocier le présent traité. Je rappelle aussi que les socialistes avaient déposé en 2008 une motion référendaire sur le traité de Lisbonne. Ils auront sans doute changé d'avis.

De notre point de vue, ce traité qui inscrit dans le marbre l'austérité budgétaire modifie profondément la nature de notre République parlementaire et sociale telle qu'elle est définie à l'article 1er de la Constitution : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. » Avec l'ère d'austérité que nous allons connaître, la République sociale restera largement virtuelle !

S'agissant du transfert de souveraineté, le contenu du traité a vocation à être intégré au droit communautaire dans cinq ans. Le Conseil constitutionnel sera-t-il amené, de ce fait, à se prononcer à nouveau ? Nous estimons pour notre part qu'il y a transfert de souveraineté : la Commission européenne définira la trajectoire budgétaire ; les choix des États souverains qui n'auront pas strictement suivi les orientations du traité pourront être contestés par d'autres États, dits vertueux, devant la Cour de justice de l'Union européenne. Où est la solidarité entre États membres ? C'est un nouveau pas vers une Europe fédérale autoritaire et bureaucratique.

Entendons-nous bien : ce ne sont pas les notions de transferts de souveraineté et de fédéralisme qui nous posent problème, mais bien la vision de l'Europe qui est proposée. Si la perspective était celle d'une Europe sociale, démocratique, où la fiscalité est harmonisée, des transferts de souveraineté seraient envisageables.

Quant aux avancées en matière de droits du Parlement, elles relèvent de l'alibi : on va permettre au Parlement français de « discuter », c'est-à-dire de donner un avis très formel. Nous nous sommes concertés à l'instant sur la proposition de résolution et nous allons voter contre.

Pour ce qui est du pacte de croissance, les 120 milliards obtenus par le Président de la République n'auront qu'un impact assez faible sur la croissance. En revanche, nous prenons un grand risque avec le retour à l'équilibre et la limitation du déficit public à 3 % en 2013. Je doute fort que nous atteignions ce chiffre. On table sur une croissance à 0,8 %, alors que les 30 milliards d'euros que l'on soustrait à l'économie vont l'obérer. Je crains des difficultés importantes.

Ce traité est contraire à l'intérêt général. Vous avez parlé, madame la présidente, d'harmonisation fiscale et sociale. Il en est question depuis trente ans, mais rien n'avance. La situation en Belgique, évoquée par M. Mamère, ne laisse pas de nous surprendre : certains s'y expatrient pour ne pas payer d'impôts ! La Belgique est pourtant un membre fondateur de l'Union.

Pour toutes ces raisons, nous allons voter contre la ratification du traité. Nous déplorons que l'on ne fasse pas appel au peuple français, qui est capable d'en comprendre la complexité et qui – les sondages l'indiquent – le rejetterait. On décide aujourd'hui à sa place en empruntant la voie parlementaire. On en reparlera dans quelques mois ou dans quelques années.

De même, je serais curieux de connaître la situation économique de l'Allemagne dans un an ou deux ans, compte tenu des difficultés qu'elle rencontre : vieillissement de la population, précarité, augmentation de la part des travailleurs pauvres. L'Allemagne n'est pas, contrairement à ce qui est avancé, le modèle vertueux qu'il convient de proposer pour l'Europe.

Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine votera donc contre le projet de loi et la proposition de résolution.

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Au nom du groupe socialiste, radical et citoyen, je vous remercie, madame la présidente, de votre exposé.

Il est important que nous puissions débattre, y compris à l'intérieur d'une famille politique, de sujets aussi essentiels que la construction européenne. Le contenu du traité n'a pas valeur constitutionnelle, il revêt dont un caractère réversible. C'est un point important aux yeux des socialistes, qui les conduit à apprécier la situation de manière différente aujourd'hui. Je le précise à l'attention des collègues qui ironisent sur l'évolution des positions de tel ou tel.

Ce traité n'est pas extraordinaire, mais il constitue une étape nécessaire : il nous permet de nous projeter dans l'avenir et d'obtenir ce que nous n'aurions pas obtenu sous un gouvernement différent. Le pacte de croissance, nous avons pu le constater lors d'un voyage en Allemagne avec Mme la présidente, n'a pas les faveurs de nos amis allemands, en particulier des membres de la majorité. Des négociations très dures ont été nécessaires pour l'obtenir. Il ne faut pas déprécier cette victoire.

Ce texte de sérieux budgétaire, qui n'a pas de valeur constitutionnelle, est accompagné d'un pacte pour la croissance et, surtout, confère à l'Union des fonctions régulatrices, ce que nous demandions depuis longtemps : supervision bancaire et taxe sur les transactions financières, dont nous souhaitons que le produit soit pour partie affecté au budget de l'Union pour financer un projet européen qui s'adresse aux citoyens. Nous devons aller plus loin en dotant le Mécanisme européen de stabilité d'une licence bancaire.

De même que la taxe sur les transactions financières, que nous obtenons enfin, nous appelons de nos voeux l'harmonisation sociale et fiscale. Le calendrier annoncé par le ministre du redressement productif sur la question du juste échange et la mise en place d'une vraie politique industrielle qui protège les emplois et les salariés va dans le bon sens. Nous suivons également avec attention les travaux du groupe Van Rompuy sur la mise en place d'une assurance chômage à l'échelle européenne.

S'agissant du contrôle parlementaire, je rejoins – une fois n'est pas coutume – M. Lequiller : les parlementaires français obtiennent une voix pour s'exprimer, mais ils n'effectueront pas un contrôle de même nature que leurs collègues du Bundestag. De ce point de vue, l'édifice reste déséquilibré au profit de l'Allemagne. Le renforcement du rôle des parlements et du contrôle démocratique n'en constitue pas moins une avancée importante.

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Le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste votera dans sa grande majorité en faveur de la ratification du traité. Certains de nos collègues pourraient éventuellement s'abstenir, mais réfléchissent encore.

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Je vous prie de cesser de considérer que je ne représente que la Corse. En ma qualité de député, je représente l'ensemble de la France et j'ai, tout comme ma famille, quelques titres à le faire. De la même manière, vous représentez la Corse tout autant que le reste de la France – surtout sur un sujet de cette nature.

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Trois raisons essentielles expliquent notre position.

La première est simple et pragmatique : dans la situation actuelle et quoi qu'on en pense, le rejet de la ratification entraînerait sur les marchés une augmentation du taux de recours à l'emprunt rédhibitoire pour les finances publiques françaises. Le taux à dix ans s'établit aujourd'hui pour la France à 2,24 %. Nous passerions instantanément, par le simple effet d'un rejet, à 5,80 %, taux auquel l'Espagne emprunte actuellement, voire davantage. À 7 %, on atteint une limite physique, au-delà de laquelle il n'est plus possible d'emprunter. Un rejet conduirait donc la France à l'effondrement financier à court terme.

Deuxième raison : la portée juridique réelle de ce traité est très limitée – l'exposé de Mme la rapporteure s'en est largement fait l'écho et l'amendement de notre collègue Jacques Myard le met en lumière. Selon la décision du Conseil constitutionnel, le traité n'est conforme à la Constitution que dans la mesure où il n'est pas véritablement contraignant et sous réserve que les actes adoptés et les instruments mis en place en application dudit traité seront soumis au contrôle du Conseil constitutionnel. De plus, les obligations qui découlent du traité de Maastricht ou du Pacte de stabilité et de croissance figurent parmi les dispositions les plus violées depuis cinq ans. À ma connaissance, aucun pays de l'Union européenne ne les a respectées.

Troisième raison, de fond : l'expérience des peuples et les études économiques – je fais référence aux travaux des professeurs Rogoff et Reinhart – montrent que l'équilibre des finances publiques se révèle, sur un terme moyen de sept à dix ans, toujours – il n'y a pas de contre-exemple – un facteur de croissance et d'emploi. À l'inverse, le déficit conduit à la récession sur des périodes de temps comparables.

En outre, des décisions importantes ont été prises au niveau européen en matière de recapitalisation des banques par le Fonds européen de stabilité financière et de supervision bancaire, même si cette dernière doit encore faire la preuve de son efficacité.

Pour finir, je souhaiterais dénoncer deux faux-semblants : le plan de relance de 120 milliards d'euros et la fameuse taxe sur les transactions financières.

Le plan de relance est constitué, tout d'abord, de 60 milliards d'euros de crédits déjà inscrits au budget et dont rien ne garantit qu'ils seront utilisés mieux et plus vite dans les années à venir. Il consiste, ensuite, en une recapitalisation de la Banque européenne d'investissement, qui avait déjà été décidée et qui devrait permettre, éventuellement et à terme, de dégager une capacité de prêt de l'ordre de 55 milliards d'euros. Il s'agit, enfin, des project bonds, très importants dans leur principe, mais dont le montant demeure limité.

L'effet de la taxe sur les transactions financières peut être mesuré aux réactions très modérées, pour ne pas dire positives, de la communauté bancaire internationale : personne ne proteste contre cette taxe. Toute personne connaissant le monde bancaire le sait : d'une part, cette taxe ne rapportera que très peu aux finances publiques ; d'autre part, elle ne freinera en rien la spéculation.

En revanche, toutes les banques, en particulier aux Etats-Unis, sont vent debout contre l'interdiction des opérations pour compte propre – proprietary trading – votée par le Congrès, mais que les autorités monétaires américaines tardent à mettre en oeuvre. Dans ce cas de figure, une banque ne peut plus procéder à des opérations autres que pour le compte de ses clients, à leur demande et dans leur intérêt. Si l'on veut vraiment, au niveau européen, avoir une action efficace contre la spéculation, mieux vaut introduire cette règle appelée Volker rule – qui figurait d'ailleurs au programme du candidat élu à la Présidence de la République – que d'amuser la galerie, si vous me passez l'expression, avec la taxe sur les transactions financières, dont la portée sera limitée, si elle est jamais mise en oeuvre.

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Un éditorialiste du Monde vous invitait hier, chers collègues de la majorité, à ne pas biaiser. Or, vous continuez à le faire.

Vous êtes, madame la présidente, une des personnes qui connaissent le mieux l'histoire de la monnaie unique, puisque vous étiez aux côtés du Président François Mitterrand lorsqu'elle a été mise en place, il y a vingt ans. À l'époque, les fronts étaient renversés : j'étais aux côtés de M. Chirac dans un RPR divisé sur le référendum, vous apparteniez à une gauche favorable à la monnaie unique et au référendum. Aujourd'hui, c'est la majorité de gauche qui doit défendre un traité signé par l'opposition actuelle et qui est divisée sur le sujet.

Cela vous amène à récrire l'histoire à votre façon : vous ne pouvez pas expliquer aux Français que le seul responsable des déficits est M. Sarkozy. Les déficits publics sont, hélas, une habitude prise depuis quarante ans – le dernier budget présenté en équilibre l'a été en 1974 par le ministre Christian Poncelet – qui mène le pays à la ruine, point sur lequel je vous rejoins.

En outre, les 600 milliards d'euros d'endettement que vous attribuez à M. Sarkozy sont le produit de la crise, dont il était nécessaire d'amortir le choc en préservant les filets sociaux : nous avons ainsi maintenu le niveau de vie des retraités et des plus modestes. L'endettement est également la conséquence du plan de relance de l'industrie, que vous êtes en train de mettre à bas.

Vous en venez à dire que ce qui était un mal hier – pendant la campagne – devient un bien aujourd'hui. Pour convaincre vos propres troupes, vous êtes obligés de réinventer une histoire. Vous écrivez par exemple, madame la présidente, à la page 65 de votre rapport, que « l'arrivée aux responsabilités de M. François Hollande et de la majorité de gauche s'est immédiatement traduite par une réorientation du cours de la politique européenne ». À qui allez-vous faire croire cela ? En quoi cela a-t-il changé l'hétérogénéité des économies européennes ? En quoi cela a-t-il modifié la phobie allemande pour les transferts, que vous rappelez cinq pages plus loin ? La majorité des Allemands est opposée au rachat des dettes souveraines par la Banque centrale européenne. Ils ne veulent pas payer pour l'Europe du Sud. Les États-nations et les budgets nationaux existent toujours.

Vous vous glorifiez, en outre, de votre relation avec le président du conseil italien Mario Monti. Si ce dernier suscite l'admiration – de l'OCDE, de l'Allemagne – que vous relevez dans votre rapport, c'est parce qu'il mène des réformes de structures. Or, vous faites l'inverse, notamment en matière de relance industrielle.

Le pays a besoin de clarté. Si vous souhaitez ratifier ce traité, expliquez pourquoi et précisez la logique économique que vous suivez. Ne nous dites pas que ce traité est désormais un bien, au motif que M. François Hollande aurait inventé une politique économique nouvelle en Europe, ce qui est absolument faux : les fondamentaux de l'Europe dans la mondialisation restent les mêmes. Vous devez vous adapter à la réalité ou changer de politique. Je préfère l'attitude cohérente de nos collègues communistes, qui proposent une autre voie, à celle d'un parti socialiste qui louvoie. Ce traité doit nous donner les armes d'une discipline budgétaire qui n'est pas le contraire de la relance économique, mais sa condition. C'est pourquoi nous allons voter en faveur de la ratification de ce traité sans aucune difficulté. C'est à vous qu'il pose problème et c'est ce qui est gênant.

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M. Lellouche sait bien qu'on ne peut pas voter un texte hors de son contexte. Si le traité était présenté seul avec la constitutionnalisation de la règle d'or, comme cela était prévu auparavant, nous serions un grand nombre dans la majorité à voter contre. Cependant, c'est un paquet qui nous est proposé aujourd'hui : non seulement le traité, mais aussi un pacte de croissance, l'union bancaire et la taxe sur les transactions financières. Ces éléments ne sont pas séparables les uns des autres. Ce paquet nous permet d'avoir à la fois des comptes équilibrés et une politique de relance au niveau européen.

Le précédent gouvernement et ses homologues européens ont mené une politique d'austérité, et rajouté la crise à la crise. Grâce à l'action du Président de la République et du Gouvernement, nous sommes aujourd'hui dans une phase complètement différente. Si l'on souhaite continuer à soutenir cette réorientation, on ne peut que voter en faveur de ce paquet.

S'agissant de la proposition de résolution, madame la présidente, quelles initiatives la commission pourrait-elle prendre pour mettre en oeuvre les points 5 et 6 relatifs au renforcement du contrôle parlementaire sur la politique européenne du Gouvernement ?

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Vous savez, madame la présidente, que nous ne sommes pas tout à fait d'accord. Vous dites que l'Europe libérale a abîmé l'Europe. Je vous accorde que la Direction générale de la concurrence est autiste. J'ai moi-même présenté deux rapports sur la nécessité d'une politique industrielle européenne : on en est très loin et c'est un problème majeur. En réalité, ce qui abîme l'Europe, c'est l'utopie. En vous écoutant, on comprend que l'Europe est un fonds de commerce, un credo quasi religieux défendu au mépris des réalités. Il faut que cela cesse.

La réalité, la voilà : ce traité va accélérer l'implosion de la zone euro. On confond crise de liquidités et crise de compétitivité. Une union économique et monétaire dans laquelle les activités sont très hétérogènes ne peut se maintenir que par l'union de transferts. Il est en effet indispensable d'aider les maillons faibles. Or, c'est ce que refuse l'Allemagne. Les études montrent, vous le savez, qu'il faudrait transférer chaque année entre 8 à 12 points du PIB allemand pour maintenir la zone euro. C'est impossible.

La zone euro est morte, il est grave de ne pas le comprendre. Je l'ai dit au précédent Président de la République, en tête-à-tête. L'euro va tuer tout gouvernement qui s'acharnera à le sauver alors qu'il n'existe plus.

S'agissant du déficit structurel, l'OCDE l'a évalué pour la France à 0,7 % du PIB en 2007 et à 3 % en 2010. Si ce traité avait été en vigueur, le gouvernement précédent n'aurait pas pu mener la politique néo-keynésienne qui a évité la récession à la France. L'économie est comme l'amour : elle ne connaît pas de lois, c'est de la contingence au quotidien. Vouloir qu'elle se plie à des règles juridiques est une ineptie. Je continuerai à le dire.

Que va-t-il se passer, en outre, avec le mécanisme de majorité inversée ? Si d'aventure le Commission estime qu'un État ne respecte pas ses engagements et qu'il n'y a pas de majorité pour la contredire, la Cour de justice devient compétence. Or, la condamnation d'un État – la France ou l'Allemagne – sera politiquement intolérable et le système explosera.

Quant au pacte de croissance, c'est un cautère sur une jambe de bois. La seule solution à court terme – mais non à long terme – est la monétisation de la dette, à laquelle procèdent les Etats-Unis et le Royaume-Uni avec le quantitative easing. Elle permettrait de s'affranchir du totalitarisme des marchés, M. Giacobbi l'a relevé, et redonnerait du souffle à l'investissement.

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Concernant la renégociation du traité, monsieur Lequiller, le Président de la République, lorsqu'il était candidat, ne délivrait qu'un seul message : renégocier pour compléter. Lors de son discours prononcé au Bourget, il avait ainsi déclaré qu'il fallait « renégocier ce traité pour y mettre ce qui lui manque ». C'était d'ailleurs parfaitement clair.

Je voudrais d'ailleurs rendre hommage au travail effectué par la commission des affaires européennes sous la présidence de M. Pierre Lequiller, au cours de la précédente législature, sur la question de la conférence interparlementaire. Nous souhaitons approfondir le contrôle démocratique conduit par notre Parlement. Néanmoins, nous ne comptons pas copier le système allemand dont la généralisation aboutirait à un blocage des décisions dans l'Union européenne. Par ailleurs, n'oublions pas que nous avons la faculté de voter des résolutions présentant des demandes et des exigences au Gouvernement.

M. Lequiller s'insurge de l'absence de réponse française aux propositions allemandes. Cela est inexact. Le Président de la République, lorsqu'il a défini à l'occasion de la Conférence des ambassadeurs, les pistes d'action en matière d'harmonisation fiscale et sociale et d'union politique, participe bien au débat européen. Cependant, il n'y a aucune raison de brûler les étapes. Aux yeux du Président de la République, le calendrier est fixé : la ratification du traité s'inscrit dans le contexte du paquet obtenu au Conseil européen de juin dernier – pacte de croissance, taxe sur les transactions financières et supervision bancaire – dont la mise en oeuvre doit se traduire par des décisions avant la fin de l'année. Dans l'intervalle, rien ne nous empêche, mes chers collègues, de formuler des avis sur le rapport que remettra M. Van Rompuy à la fin de l'année. J'ai déjà émis des propositions sur l'harmonisation fiscale et sociale et sur l'union politique ; notre commission pourrait, sur ces thèmes, fournir un travail très utile.

Il est faux d'affirmer que la politique fiscale du précédent Gouvernement aurait été vertueuse. Le taux de l'impôt sur les sociétés a été baissé, celui de la TVA – qui pèse sur les plus modestes – devait augmenter, l'ISF a été allégé, les plus riches de nos compatriotes ont reçu, année après année, des avantages fiscaux, sans parler des niches auxquelles nous allons nous attaquer dans le projet de loi de finances pour 2013. Ces mesures n'étaient pas les plus heureuses pour procéder à une harmonisation fiscale avec nos partenaires européens. Au temps de la présidence de la Commission par Jacques Delors, on avait amorcé une convergence fiscale avec l'harmonisation des assiettes et des taux de TVA. Mais vous avez raison, monsieur Myard, il reste beaucoup à faire pour rapprocher les impositions sur les sociétés et, surtout, les fiscalités de l'épargne – un projet de directive sur ce thème étant bloqué depuis trente ans. J'exprime l'espoir qu'un président de la Commission se ressaisisse à l'avenir de ces questions ; il disposerait du soutien de notre Gouvernement. Depuis que la Commission européenne est présidée par M. Barroso, aucune proposition n'a été avancée, et les gouvernements français ont été tout aussi inertes.

MM. Rochebloine et Lequiller ont regretté que la règle budgétaire contenue dans le traité ne soit pas introduite dans la Constitution. Cette insertion n'est pas nécessaire puisque le Conseil constitutionnel a affirmé très clairement que la Constitution n'avait pas à être révisée du fait de l'absence de transfert de souveraineté.

M. Mamère a estimé, comme d'autres, que le pacte de croissance était d'un montant limité. Sans doute ne s'agit-il en effet que d'un premier pas, mais je vous conseille, mes chers collègues, de ne pas dédaigner un dispositif de 120 milliards d'euros qui, grâce au levier des financements privés, peuvent représenter au total une somme de 240 milliards. Afin d'avoir accès aux fonds structurels qui vont être débloqués, aux project bonds et aux prêts de la BEI, il nous appartient de réfléchir à des projets. Dans la situation actuelle et avec l'héritage que nous devons gérer, il ne me semble pas que notre pays puisse refuser la mise en place d'actions représentant cinq, six, voire sept milliards d'euros.

M. Noël Mamère a également insisté sur la nécessité d'adopter des mesures de transition énergétique. Dans mon rapport, je mentionne le projet du Gouvernement, exposé par le Président de la République lors de la Conférence des ambassadeurs, de créer une communauté européenne de l'énergie. Une telle initiative représenterait un retour aux sources de la Communauté européenne. Il s'agirait de faire naître un consensus sur la transition énergétique, de dégager des financements communs et de parler d'une même voix avec nos fournisseurs d'énergie – alors que la Russie et les pays du Moyen-Orient profitent de notre dispersion actuelle. À ce sujet, je vous recommande la lecture d'un excellent rapport de l'association que préside M. Jacques Delors, Notre Europe, qui traite en détail de cette question.

M. Mamère justifie en partie le vote négatif du groupe écologiste par la timidité du traité dans la voie de l'Europe fédérale et des États-Unis d'Europe. Je crois que les États-Unis d'Europe ne verront jamais le jour. La France n'est pas le Nebraska ou l'Arkansas. D'où l'importance du concept porteur et fécond de fédération d'États-nations.

Monsieur Asensi, les références aux partis xénophobes et populistes contenues dans le rapport ne visaient en rien les mouvements comme le vôtre qui expriment avec constance leur opposition aux traités européens. J'avais à l'esprit l'organisation nazie qui a fait son irruption dans la vie politique grecque. Si la moindre ambiguïté existe dans le texte, nous le modifierons.

J'ai noté avec intérêt que vous concevez la réalisation de transferts de souveraineté et que vous n'excluez pas la démarche fédéraliste si elle est accompagnée d'une harmonisation fiscale et sociale. Nous sommes résolus à progresser dans cette voie même si, comme M. Myard l'a souligné, elle est ardue. Cette orientation nous paraît indispensable et même inéluctable. L'effort visant à ramener le déficit budgétaire à 3 % du PIB l'année prochaine est en effet considérable ; il repose sur une hypothèse de croissance de 0,8 % du PIB, cible qu'il n'est pas exclu que l'économie française atteigne et qui donnera lieu à un bilan d'étape au cours de l'année 2013.

Quant à l'Allemagne, elle subit également la crise, ce dont ont conscience les dirigeants de ce pays. Cela permettra peut-être de leur faire davantage entendre le fait qu'ils sont, eux aussi, dépendants de leurs partenaires, notamment en matière de commerce extérieur.

Mme Estelle Grelier a rappelé à propos notre souhait de voir le MES doté d'une licence bancaire.

Vous avez eu raison, monsieur Giacobbi, de faire état des risques qu'entraînerait le rejet du traité. S'agissant de la taxe sur les transactions financières, le produit en sera peut-être limité mais nous ne pouvons pas encore l'évaluer puisque ni son assiette ni son taux n'ont été fixés. Le ministre des affaires européennes a révélé, lors de son audition d'hier, la liste des neuf pays qui sont nécessaires à sa mise en oeuvre. Il serait préférable que cette taxe repose sur l'assiette la plus large possible mais que son taux soit modéré afin qu'elle ne suscite pas d'opposition trop vigoureuse. Elle ne dissuadera pas la spéculation, mais elle pourra procurer des ressources non négligeables au budget de l'Union européenne. Quant à la lutte contre la spéculation financière, un travail au titre de la supervision bancaire est effectué par la Commission européenne et un rapport a été commandé à M. Erkki Liikanen sur la séparation des activités commerciales des banques et des opérations de marché. Dans l'attente de sa parution, nous savons qu'il y est fait référence au système américain, aux propositions britanniques et à la définition d'une troisième voie que nous pourrions emprunter.

Lorsque j'entends M. Pierre Lellouche affirmer que la politique budgétaire de M. Nicolas Sarkozy a préservé les retraités et les plus modestes, les bras m'en tombent !

Un récent déplacement en Italie m'a permis de constater que tous mes interlocuteurs étaient soulagés de la réorientation de la construction européenne que rend possible l'élection de François Hollande. Certes, M. Mario Monti ne sera plus président du Conseil à partir de la fin d'avril 2013 mais il restera probablement investi au plus haut niveau dans la vie politique de son pays.

Votre interrogation, monsieur Cordery, sur les initiatives qui pourraient être prises pour la mise en oeuvre des points 5 et 6 de la proposition de résolution européenne présentée au nom de la Commission des affaires européennes, par M. Christophe Caresche, me semble essentielle. Dans le cadre de l'examen du projet de loi organique, il conviendrait de demander au ministère des finances de coordonner les calendriers budgétaires national et européen. Cette tâche sera difficile à accomplir mais elle est cruciale si nous voulons voir un contrôle de notre Parlement national sur l'action du Gouvernement dans le processus européen de suivi et d'évaluation budgétaires.

Vous avez raison, monsieur Myard, de souligner le fossé existant entre l'opinion publique allemande – majoritairement opposée au maintien de la Grèce dans la zone euro – et ses responsables politiques qui ont été soulagés par la décision du Tribunal de Karlsruhe du 12 septembre dernier, autorisant la ratification du TSCG. De notre côté, nous estimons que l'expulsion de la Grèce serait une folie dont personne n'est capable de mesurer les répercussions. Contrairement à vous, monsieur Myard, je pense que si nous n'avions pas eu l'euro ou, pire encore, si nous en sortions, la situation de notre État nation, qui nous est cher à tous deux, serait bien pire que celle qui prévaut aujourd'hui.

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Nous avons perdu un point de croissance par an depuis 1992 !

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Le vrai défi auquel nous devons faire face aujourd'hui – mais qui n'est pas l'objet de ce traité – est celui de la conciliation de la réduction de la dette publique avec la stimulation de la croissance. Il me semble possible de le relever. Vous souhaitez monétiser la dette, monsieur Myard ; de notre côté, nous proposons de la mutualiser et avons bon espoir d'arriver à une telle solution dans un futur pas si lointain.

La Commission est saisie d'un amendement de M. Jacques Myard.

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Je propose de subordonner le dépôt de l'instrument de ratification du traité au fait que la loi organique qui viendra compléter le TSCG n'ait pas été déclarée contraire à la Constitution par le Conseil constitutionnel. En effet, si la loi organique était censurée par le Conseil constitutionnel après la ratification du traité, nous nous trouverions dans une situation juridique fort complexe.

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N'ayant pas été transmis au secrétariat de la commission dans le délai imparti, votre amendement n'est pas recevable. En outre, le droit d'amendement sur les projets de loi autorisant la ratification d'un traité est strictement encadré par le Conseil constitutionnel : si vous voulez que votre amendement soit examiné, il faut le déposer à la présidence de l'Assemblée nationale qui en déterminera la recevabilité.

Sur le fond, votre amendement me paraît inutile. Dans sa décision du 9 août 2012, le Conseil constitutionnel a précisé la portée du TSCG au regard de notre droit national et a affirmé qu'une loi organique permettrait à la France de remplir ses obligations ; il a fourni, à cette occasion, des indications très claires sur les dispositions que devrait contenir cette loi pour être conforme à la Constitution. Dans l'hypothèse que vous soulevez - improbable au regard des orientations fixées par le Conseil constitutionnel -, il appartiendrait au législateur organique d'intervenir à nouveau. La France disposera d'une année à compter de l'entrée en vigueur du traité pour transposer dans son droit interne la règle d'équilibre budgétaire. Le Gouvernement a déposé son projet de loi organique en même temps que le projet de loi de ratification du traité et l'a inscrit immédiatement à l'ordre du jour de notre Assemblée. Il me paraît donc hautement improbable que la loi organique ne puisse être promulguée d'ici un an, même si elle devait être réécrite après une censure du Conseil constitutionnel.

Puis elle adopte l'ensemble du projet de loi sans modification.

La Commission adopte ensuite la proposition de résolution européenne sur l'ancrage démocratique du gouvernement économique européen.

La séance est levée à onze heures quarante-cinq.