Intervention de François Asensi

Réunion du 26 septembre 2012 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Asensi :

Mes amis du Front de gauche et moi nous sommes pourtant sentis visés !

Aux yeux des élites européennes, les problèmes sont si complexes qu'on ne saurait demander aux peuples d'émettre un avis à leur sujet. Le philosophe allemand Jürgen Habermas, européen convaincu et partisan du « oui » en 2005, considère du reste que l'Europe est entrée dans une ère « post-démocratique ». Il y a là quelque chose de grave, une sorte de soviétisme politiquement correct par lequel on considère que l'on peut faire le bonheur des peuples à leur place et s'exonérer du suffrage universel.

Le parti socialiste, j'y reviens, s'était abstenu au sujet du mécanisme européen de stabilité et le président Hollande s'était engagé à renégocier le présent traité. Je rappelle aussi que les socialistes avaient déposé en 2008 une motion référendaire sur le traité de Lisbonne. Ils auront sans doute changé d'avis.

De notre point de vue, ce traité qui inscrit dans le marbre l'austérité budgétaire modifie profondément la nature de notre République parlementaire et sociale telle qu'elle est définie à l'article 1er de la Constitution : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. » Avec l'ère d'austérité que nous allons connaître, la République sociale restera largement virtuelle !

S'agissant du transfert de souveraineté, le contenu du traité a vocation à être intégré au droit communautaire dans cinq ans. Le Conseil constitutionnel sera-t-il amené, de ce fait, à se prononcer à nouveau ? Nous estimons pour notre part qu'il y a transfert de souveraineté : la Commission européenne définira la trajectoire budgétaire ; les choix des États souverains qui n'auront pas strictement suivi les orientations du traité pourront être contestés par d'autres États, dits vertueux, devant la Cour de justice de l'Union européenne. Où est la solidarité entre États membres ? C'est un nouveau pas vers une Europe fédérale autoritaire et bureaucratique.

Entendons-nous bien : ce ne sont pas les notions de transferts de souveraineté et de fédéralisme qui nous posent problème, mais bien la vision de l'Europe qui est proposée. Si la perspective était celle d'une Europe sociale, démocratique, où la fiscalité est harmonisée, des transferts de souveraineté seraient envisageables.

Quant aux avancées en matière de droits du Parlement, elles relèvent de l'alibi : on va permettre au Parlement français de « discuter », c'est-à-dire de donner un avis très formel. Nous nous sommes concertés à l'instant sur la proposition de résolution et nous allons voter contre.

Pour ce qui est du pacte de croissance, les 120 milliards obtenus par le Président de la République n'auront qu'un impact assez faible sur la croissance. En revanche, nous prenons un grand risque avec le retour à l'équilibre et la limitation du déficit public à 3 % en 2013. Je doute fort que nous atteignions ce chiffre. On table sur une croissance à 0,8 %, alors que les 30 milliards d'euros que l'on soustrait à l'économie vont l'obérer. Je crains des difficultés importantes.

Ce traité est contraire à l'intérêt général. Vous avez parlé, madame la présidente, d'harmonisation fiscale et sociale. Il en est question depuis trente ans, mais rien n'avance. La situation en Belgique, évoquée par M. Mamère, ne laisse pas de nous surprendre : certains s'y expatrient pour ne pas payer d'impôts ! La Belgique est pourtant un membre fondateur de l'Union.

Pour toutes ces raisons, nous allons voter contre la ratification du traité. Nous déplorons que l'on ne fasse pas appel au peuple français, qui est capable d'en comprendre la complexité et qui – les sondages l'indiquent – le rejetterait. On décide aujourd'hui à sa place en empruntant la voie parlementaire. On en reparlera dans quelques mois ou dans quelques années.

De même, je serais curieux de connaître la situation économique de l'Allemagne dans un an ou deux ans, compte tenu des difficultés qu'elle rencontre : vieillissement de la population, précarité, augmentation de la part des travailleurs pauvres. L'Allemagne n'est pas, contrairement à ce qui est avancé, le modèle vertueux qu'il convient de proposer pour l'Europe.

Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine votera donc contre le projet de loi et la proposition de résolution.

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