Second point : la question de la francophonie. J'ai bien pris note des interrogations que cette réforme a suscitées dans le monde de la francophonie. Comme je l'ai dit en commission, je ne suis pas moi-même inquiet quant à son développement, pour une raison assez simple : la démographie du continent africain lui permettra de se développer si nous l'accompagnons de manière pertinente.
Au-delà de cette question, et sans citer de faits précis – un discours prononcé en un certain lieu, une certaine circulaire – je ne suis pas sûr qu'au cours des dernières années, le discours tenu par la République Française à l'égard de nombreux pays africain ait été un discours d'ouverture et de solidarité. Les signaux envoyés à certains pays que nous connaissons bien, comme l'Algérie – que je connais plus particulièrement – ont été bien plus négatifs que celui de l'article 2.
Troisième point : le problème de la maîtrise des langues étrangères en France. Ce problème prend sa source bien en amont de l'université : il débute en classe maternelle et à l'école primaire. Avec la loi sur la refondation de l'école de la République, nous essayons de renforcer l'enseignement des langues dès l'école primaire. Il y a, là aussi un échec collectif : en moyenne, les élèves qui passent le baccalauréat ont reçu environ sept cents heures de cours de langues étrangères. Or je ne suis pas sûr que le niveau moyen des lycéens français en langues étrangères soit suffisant – nous aurons l'occasion de revenir sur ce sujet.
J'en arrive à un point sur lequel je concentrerai mon propos, la façon dont nous procédons pour accueillir un maximum d'étudiants étrangers dans les universités françaises. Aujourd'hui, nous comptons 12 % environ d'étudiants issus de pays étrangers dans l'enseignement supérieur et la recherche et plus de 40 % en doctorat. Comment pouvons-nous consolider cette situation ? Selon le rapport du Secrétariat général à l'immigration et à l'intégration, auquel je vous renvoie, la France régresse : elle est en cinquième position, alors qu'elle était encore récemment en troisième, voire en deuxième position. Quant aux nationalités des 288 000 étudiants présents dans notre pays, si l'on relève qu'il s'agit d'abord des Marocains, ensuite des Chinois – ce qui est normal, car c'est un grand pays –, des Algériens, des Tunisiens, des Sénégalais, des Camerounais puis des étudiants européens, certains continents et pays ne sont pas représentés au sein de l'enseignement supérieur de notre beau pays ! Comment y remédier ? Même s'il convient, dans un premier temps, de dispenser des cours en langues étrangères, cette difficulté ne peut se résoudre que par ce biais. Ainsi, le projet de loi prochainement porté par le ministre de l'intérieur avec la collaboration de Mme Fioraso traitera de la question, à mon avis essentielle, des visas. Il conviendra aussi de régler le problème des conditions d'accueil et des droits d'inscription, sujet sur lequel des amendements ont été déposés et que nous aurons donc examiner, sachant que les conditions de vie dans les résidences étudiantes sont également à prendre en considération.
Je tiens, au risque d'être un peu long, mais c'est parfois le rôle du rapporteur, à vous donner lecture de cet article 2. Le projet de loi disposait : « Des exceptions peuvent également être justifiées par la nature de certains enseignements lorsque ceux-ci sont dispensés pour la mise en oeuvre d'un accord avec une institution étrangère ou internationale tel que prévu à l'article L. 123-7 ou dans le cadre d'un programme européen. » Non seulement la commission a ajouté à cette phrase les mots « –et pour faciliter le développement de cursus et de diplômes transfrontaliers multilingues », mais le travail accompli a encore enrichi cet article.
Le premier ajout est le suivant : « Dans ces hypothèses, les formations ne peuvent être que partiellement proposées en langue étrangère. » Tel était l'objectif de l'amendement de M. Rudy Salles, amendement qui, pour moi, n'est pas totalement anodin. Il n'est pas question que tous les cours soient dispensés en langues étrangères. Nous devrons, d'ailleurs nous interroger sur les formations dispensées entièrement en étranger dans les établissements d'enseignement supérieur, afin d'avoir une vision globale – ce qui est compliqué puisque le ministère de la recherche n'a pas la cotutelle de l'ensemble desdits établissements : quelle est la réalité et cette mesure est-elle une bonne solution ?
La suite de l'article 2 a ensuite été rédigée en ces termes : « Les étudiants étrangers auxquels sont dispensés ces enseignements bénéficient d'un apprentissage de la langue française. » Il est en effet totalement exclu que ces étudiants arrivent en France sans avoir reçu une heure de cours en Français.
Nous sommes même allés encore plus loin, sous l'impulsion de notre président de commission et grâce à l'appui de Mme la ministre puisque nous avons obtenu que la fin de l'article soit ainsi précisée : « Leur niveau de maîtrise de la langue française est pris en compte pour l'obtention du diplôme. » Ce n'est en effet pas forcément le cas aujourd'hui.
À l'occasion de ce débat, nous avons donc soulevé un vrai sujet, découvert une réalité et fixé des bornes. Nous sommes par conséquent toutes et tous conscients de la réalité des enjeux. Nous avons toutes et tous compris que, s'agissant de la francophonie et des signaux que nous adressons au reste du monde, nous devons probablement faire preuve de davantage de vigilance. Quelques amendements ont été adoptés en ce sens. Mais il y a, parallèlement, la politique globale du Gouvernement envers la francophonie. Nous avons toutes et tous compris que, bien sûr, nous devons ouvrir nos universités tout en défendant notre langue française. Comme certains d'entre vous, j'interviens à Columbia et je sais que l'on n'est pas toujours aussi à l'aise en anglais qu'en français quand on dispense un cours.
Permettez-moi d'ailleurs de vous donner le fond de ma pensée : je trouve, parfois, ridicule que certains enseignants français soient contraints de donner leurs cours en anglais lorsqu'il s'agit de matières spécifiques comme le droit.