Intervention de Daniel Fasquelle

Séance en hémicycle du 23 mai 2013 à 9h30
Projet de loi relatif à l'enseignement supérieur et à la recherche — Article 2, amendements 296 31 22

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDaniel Fasquelle :

L'on nous dit que ce débat est inutile, que c'est une tempête dans un verre d'eau, mais je constate tout de même qu'aussi bien en commission qu'ici dans l'hémicycle, des amendements ont permis de faire progresser ce texte. Ce débat était donc utile, et l'on ne peut pas dire qu'il ne s'agisse pas d'un beau débat. Traiter de l'attractivité de notre université, de la place de notre langue dans l'université française, de la francophonie, ce n'est pas du temps perdu.

Je me félicite du ton juste que le rapporteur a adopté. Nous devons nous écouter les uns les autres mais je voudrais simplement pointer nos points de désaccord.

Le premier concerne la portée réelle de cette réforme. L'on nous dit qu'elle ne concernera que quelques étudiants étrangers et quelques programmes, en nous présentant d'ailleurs des exemples personnels de programmes mis en place pour attirer les étudiants étrangers en provenance de tel ou tel pays. Dans le même temps, l'on nous cite l'exemple des grandes écoles. M. Le Déaut ne comprend pas, ainsi, pourquoi l'on ne calquerait pas, en la matière, les universités sur le modèle des grandes écoles, sauf que 80 % des écoles de commerce ont basculé en tout ou partie dans l'anglais. Il en va de même des écoles d'ingénieurs. L'on ne peut pas prétendre d'un côté que la mesure sera limitée dans les universités et de l'autre vouloir imiter les grandes écoles qui ont généralisé l'usage de l'anglais. Le vrai sujet est là. Où sont les limites et jusqu'où irons-nous ?

L'on nous dit qu'il y aura des exceptions, mais je n'y crois pas un seul instant. Je le répète, non seulement les universités ont signé beaucoup de conventions internationales, mais de toute façon le programme Erasmus permet, quand un étudiant étranger arrive dans une université, de lui ouvrir tous les cours. En réalité, votre exception n'en est pas une et vous ouvrez tous les cours.

Si, avec le mot « partiellement », une précision utile a été apportée par Rudy Salles, ce mot, dans le cadre du programme Erasmus, se rapporte à l'ensemble des cours délivrés dans un département ou une faculté. Votre limite n'en est pas une, croyez-moi. Si en plus, calquant les grandes écoles, vous voulez former les étudiants français à l'anglais en enseignant en anglais, vous ouvrez une porte sur des risques d'excès et d'abus, tels que nous avons pu les connaître dans d'autres pays. Les grandes écoles ne sont pas le seul exemple : des universités françaises ont déjà engagé ce processus – à l'université de Strasbourg, dix masters sont ainsi en train de basculer dans l'anglais. Je pourrais aussi vous parler des pays du Nord, ou même de l'Allemagne qui revient sur cette dérive.

Notre autre point de désaccord porte sur la politique européenne. M. Mandon considère que la politique européenne est formidable, qu'Erasmus a permis le multilinguisme. Non, malheureusement. Que se passe-t-il aujourd'hui ? c'est vrai, l'on incite les étudiants à la mobilité mais ils vont dans d'autres pays où ils reçoivent des cours en anglais. Entre 2001 et 2003 – je n'ai pas de chiffre plus récent – sur les 400 000 étudiants qui ont bénéficié de ce programme, seuls 3000, dans le cadre des crédits européens, ont reçu un enseignement dans une autre langue que leur langue maternelle. C'est bien la preuve, et je rejoins en cela M. Pouria Amirshashi, que l'Europe, aujourd'hui, ne promeut plus les langues étrangères.

L'Europe de la mobilité étudiante est un formidable outil pour promouvoir le développement de l'anglais dans nos universités. C'est tout de même paradoxal ! La France doit se réveiller, s'ouvrir au monde.

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