Vous savez, madame la présidente, que nous ne sommes pas tout à fait d'accord. Vous dites que l'Europe libérale a abîmé l'Europe. Je vous accorde que la Direction générale de la concurrence est autiste. J'ai moi-même présenté deux rapports sur la nécessité d'une politique industrielle européenne : on en est très loin et c'est un problème majeur. En réalité, ce qui abîme l'Europe, c'est l'utopie. En vous écoutant, on comprend que l'Europe est un fonds de commerce, un credo quasi religieux défendu au mépris des réalités. Il faut que cela cesse.
La réalité, la voilà : ce traité va accélérer l'implosion de la zone euro. On confond crise de liquidités et crise de compétitivité. Une union économique et monétaire dans laquelle les activités sont très hétérogènes ne peut se maintenir que par l'union de transferts. Il est en effet indispensable d'aider les maillons faibles. Or, c'est ce que refuse l'Allemagne. Les études montrent, vous le savez, qu'il faudrait transférer chaque année entre 8 à 12 points du PIB allemand pour maintenir la zone euro. C'est impossible.
La zone euro est morte, il est grave de ne pas le comprendre. Je l'ai dit au précédent Président de la République, en tête-à-tête. L'euro va tuer tout gouvernement qui s'acharnera à le sauver alors qu'il n'existe plus.
S'agissant du déficit structurel, l'OCDE l'a évalué pour la France à 0,7 % du PIB en 2007 et à 3 % en 2010. Si ce traité avait été en vigueur, le gouvernement précédent n'aurait pas pu mener la politique néo-keynésienne qui a évité la récession à la France. L'économie est comme l'amour : elle ne connaît pas de lois, c'est de la contingence au quotidien. Vouloir qu'elle se plie à des règles juridiques est une ineptie. Je continuerai à le dire.
Que va-t-il se passer, en outre, avec le mécanisme de majorité inversée ? Si d'aventure le Commission estime qu'un État ne respecte pas ses engagements et qu'il n'y a pas de majorité pour la contredire, la Cour de justice devient compétence. Or, la condamnation d'un État – la France ou l'Allemagne – sera politiquement intolérable et le système explosera.
Quant au pacte de croissance, c'est un cautère sur une jambe de bois. La seule solution à court terme – mais non à long terme – est la monétisation de la dette, à laquelle procèdent les Etats-Unis et le Royaume-Uni avec le quantitative easing. Elle permettrait de s'affranchir du totalitarisme des marchés, M. Giacobbi l'a relevé, et redonnerait du souffle à l'investissement.