Intervention de Élisabeth Guigou

Réunion du 26 septembre 2012 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉlisabeth Guigou, rapporteure :

Concernant la renégociation du traité, monsieur Lequiller, le Président de la République, lorsqu'il était candidat, ne délivrait qu'un seul message : renégocier pour compléter. Lors de son discours prononcé au Bourget, il avait ainsi déclaré qu'il fallait « renégocier ce traité pour y mettre ce qui lui manque ». C'était d'ailleurs parfaitement clair.

Je voudrais d'ailleurs rendre hommage au travail effectué par la commission des affaires européennes sous la présidence de M. Pierre Lequiller, au cours de la précédente législature, sur la question de la conférence interparlementaire. Nous souhaitons approfondir le contrôle démocratique conduit par notre Parlement. Néanmoins, nous ne comptons pas copier le système allemand dont la généralisation aboutirait à un blocage des décisions dans l'Union européenne. Par ailleurs, n'oublions pas que nous avons la faculté de voter des résolutions présentant des demandes et des exigences au Gouvernement.

M. Lequiller s'insurge de l'absence de réponse française aux propositions allemandes. Cela est inexact. Le Président de la République, lorsqu'il a défini à l'occasion de la Conférence des ambassadeurs, les pistes d'action en matière d'harmonisation fiscale et sociale et d'union politique, participe bien au débat européen. Cependant, il n'y a aucune raison de brûler les étapes. Aux yeux du Président de la République, le calendrier est fixé : la ratification du traité s'inscrit dans le contexte du paquet obtenu au Conseil européen de juin dernier – pacte de croissance, taxe sur les transactions financières et supervision bancaire – dont la mise en oeuvre doit se traduire par des décisions avant la fin de l'année. Dans l'intervalle, rien ne nous empêche, mes chers collègues, de formuler des avis sur le rapport que remettra M. Van Rompuy à la fin de l'année. J'ai déjà émis des propositions sur l'harmonisation fiscale et sociale et sur l'union politique ; notre commission pourrait, sur ces thèmes, fournir un travail très utile.

Il est faux d'affirmer que la politique fiscale du précédent Gouvernement aurait été vertueuse. Le taux de l'impôt sur les sociétés a été baissé, celui de la TVA – qui pèse sur les plus modestes – devait augmenter, l'ISF a été allégé, les plus riches de nos compatriotes ont reçu, année après année, des avantages fiscaux, sans parler des niches auxquelles nous allons nous attaquer dans le projet de loi de finances pour 2013. Ces mesures n'étaient pas les plus heureuses pour procéder à une harmonisation fiscale avec nos partenaires européens. Au temps de la présidence de la Commission par Jacques Delors, on avait amorcé une convergence fiscale avec l'harmonisation des assiettes et des taux de TVA. Mais vous avez raison, monsieur Myard, il reste beaucoup à faire pour rapprocher les impositions sur les sociétés et, surtout, les fiscalités de l'épargne – un projet de directive sur ce thème étant bloqué depuis trente ans. J'exprime l'espoir qu'un président de la Commission se ressaisisse à l'avenir de ces questions ; il disposerait du soutien de notre Gouvernement. Depuis que la Commission européenne est présidée par M. Barroso, aucune proposition n'a été avancée, et les gouvernements français ont été tout aussi inertes.

MM. Rochebloine et Lequiller ont regretté que la règle budgétaire contenue dans le traité ne soit pas introduite dans la Constitution. Cette insertion n'est pas nécessaire puisque le Conseil constitutionnel a affirmé très clairement que la Constitution n'avait pas à être révisée du fait de l'absence de transfert de souveraineté.

M. Mamère a estimé, comme d'autres, que le pacte de croissance était d'un montant limité. Sans doute ne s'agit-il en effet que d'un premier pas, mais je vous conseille, mes chers collègues, de ne pas dédaigner un dispositif de 120 milliards d'euros qui, grâce au levier des financements privés, peuvent représenter au total une somme de 240 milliards. Afin d'avoir accès aux fonds structurels qui vont être débloqués, aux project bonds et aux prêts de la BEI, il nous appartient de réfléchir à des projets. Dans la situation actuelle et avec l'héritage que nous devons gérer, il ne me semble pas que notre pays puisse refuser la mise en place d'actions représentant cinq, six, voire sept milliards d'euros.

M. Noël Mamère a également insisté sur la nécessité d'adopter des mesures de transition énergétique. Dans mon rapport, je mentionne le projet du Gouvernement, exposé par le Président de la République lors de la Conférence des ambassadeurs, de créer une communauté européenne de l'énergie. Une telle initiative représenterait un retour aux sources de la Communauté européenne. Il s'agirait de faire naître un consensus sur la transition énergétique, de dégager des financements communs et de parler d'une même voix avec nos fournisseurs d'énergie – alors que la Russie et les pays du Moyen-Orient profitent de notre dispersion actuelle. À ce sujet, je vous recommande la lecture d'un excellent rapport de l'association que préside M. Jacques Delors, Notre Europe, qui traite en détail de cette question.

M. Mamère justifie en partie le vote négatif du groupe écologiste par la timidité du traité dans la voie de l'Europe fédérale et des États-Unis d'Europe. Je crois que les États-Unis d'Europe ne verront jamais le jour. La France n'est pas le Nebraska ou l'Arkansas. D'où l'importance du concept porteur et fécond de fédération d'États-nations.

Monsieur Asensi, les références aux partis xénophobes et populistes contenues dans le rapport ne visaient en rien les mouvements comme le vôtre qui expriment avec constance leur opposition aux traités européens. J'avais à l'esprit l'organisation nazie qui a fait son irruption dans la vie politique grecque. Si la moindre ambiguïté existe dans le texte, nous le modifierons.

J'ai noté avec intérêt que vous concevez la réalisation de transferts de souveraineté et que vous n'excluez pas la démarche fédéraliste si elle est accompagnée d'une harmonisation fiscale et sociale. Nous sommes résolus à progresser dans cette voie même si, comme M. Myard l'a souligné, elle est ardue. Cette orientation nous paraît indispensable et même inéluctable. L'effort visant à ramener le déficit budgétaire à 3 % du PIB l'année prochaine est en effet considérable ; il repose sur une hypothèse de croissance de 0,8 % du PIB, cible qu'il n'est pas exclu que l'économie française atteigne et qui donnera lieu à un bilan d'étape au cours de l'année 2013.

Quant à l'Allemagne, elle subit également la crise, ce dont ont conscience les dirigeants de ce pays. Cela permettra peut-être de leur faire davantage entendre le fait qu'ils sont, eux aussi, dépendants de leurs partenaires, notamment en matière de commerce extérieur.

Mme Estelle Grelier a rappelé à propos notre souhait de voir le MES doté d'une licence bancaire.

Vous avez eu raison, monsieur Giacobbi, de faire état des risques qu'entraînerait le rejet du traité. S'agissant de la taxe sur les transactions financières, le produit en sera peut-être limité mais nous ne pouvons pas encore l'évaluer puisque ni son assiette ni son taux n'ont été fixés. Le ministre des affaires européennes a révélé, lors de son audition d'hier, la liste des neuf pays qui sont nécessaires à sa mise en oeuvre. Il serait préférable que cette taxe repose sur l'assiette la plus large possible mais que son taux soit modéré afin qu'elle ne suscite pas d'opposition trop vigoureuse. Elle ne dissuadera pas la spéculation, mais elle pourra procurer des ressources non négligeables au budget de l'Union européenne. Quant à la lutte contre la spéculation financière, un travail au titre de la supervision bancaire est effectué par la Commission européenne et un rapport a été commandé à M. Erkki Liikanen sur la séparation des activités commerciales des banques et des opérations de marché. Dans l'attente de sa parution, nous savons qu'il y est fait référence au système américain, aux propositions britanniques et à la définition d'une troisième voie que nous pourrions emprunter.

Lorsque j'entends M. Pierre Lellouche affirmer que la politique budgétaire de M. Nicolas Sarkozy a préservé les retraités et les plus modestes, les bras m'en tombent !

Un récent déplacement en Italie m'a permis de constater que tous mes interlocuteurs étaient soulagés de la réorientation de la construction européenne que rend possible l'élection de François Hollande. Certes, M. Mario Monti ne sera plus président du Conseil à partir de la fin d'avril 2013 mais il restera probablement investi au plus haut niveau dans la vie politique de son pays.

Votre interrogation, monsieur Cordery, sur les initiatives qui pourraient être prises pour la mise en oeuvre des points 5 et 6 de la proposition de résolution européenne présentée au nom de la Commission des affaires européennes, par M. Christophe Caresche, me semble essentielle. Dans le cadre de l'examen du projet de loi organique, il conviendrait de demander au ministère des finances de coordonner les calendriers budgétaires national et européen. Cette tâche sera difficile à accomplir mais elle est cruciale si nous voulons voir un contrôle de notre Parlement national sur l'action du Gouvernement dans le processus européen de suivi et d'évaluation budgétaires.

Vous avez raison, monsieur Myard, de souligner le fossé existant entre l'opinion publique allemande – majoritairement opposée au maintien de la Grèce dans la zone euro – et ses responsables politiques qui ont été soulagés par la décision du Tribunal de Karlsruhe du 12 septembre dernier, autorisant la ratification du TSCG. De notre côté, nous estimons que l'expulsion de la Grèce serait une folie dont personne n'est capable de mesurer les répercussions. Contrairement à vous, monsieur Myard, je pense que si nous n'avions pas eu l'euro ou, pire encore, si nous en sortions, la situation de notre État nation, qui nous est cher à tous deux, serait bien pire que celle qui prévaut aujourd'hui.

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