Intervention de Patrick Hetzel

Séance en hémicycle du 22 mai 2013 à 21h30
Projet de loi relatif à l'enseignement supérieur et à la recherche — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrick Hetzel :

Monsieur le président, madame la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, monsieur le rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, mes chers collègues, en premier lieu, je voudrais revenir sur la méthode. Ce texte nous a été présenté dans la plus grande précipitation, le Gouvernement ayant demandé l’urgence et, de surcroît, il est discuté ici même, en séance publique, dans le cadre du temps programmé. Cela montre, si besoin était, que vous n’êtes pas très à l’aise avec ce texte, que vous voulez aller vite, car, de toute évidence, il vous gêne. Sans doute parce que de plus en plus d’oppositions se font jour et que vous voulez l’imposer à une communauté de l’enseignement supérieur et de la recherche qui n’en veut pas. Des voix s’élèvent de toutes parts, et sur l’ensemble de l’échiquier politique, pour le critiquer. François Patriat, président socialiste de la région Bourgogne, vous accuse même de livrer les universités aux organisations syndicales et d’affaiblir leur gouvernance. Les raisons de ces nombreuses critiques ne sont certes pas toutes homogènes, mais force est de constater que vous n’avez pas réussi à générer de consensus autour de votre projet, c’est le moins que l’on puisse dire. Finalement, son adoption relèvera plus de la discipline du groupe SRC que d’une véritable adhésion. Cela en dit déjà beaucoup sur la pertinence d’ensemble de ce texte. En deuxième lieu, je voudrais relever que, manifestement, le Gouvernement ne considère pas le secteur de l’enseignement supérieur et de la recherche comme prioritaire. En effet, contrairement à d’autres textes de loi - je pense, par exemple, à l’école -, vous nous présentez une loi d’orientation, mais vous ne dites strictement rien en matière de programmation. D’ailleurs, le rapporteur lui-même, à la fin de son intervention, avait fait la même remarque. Nous n’avons aucune idée de la manière dont vous souhaitez, en termes de moyens, accompagner votre politique publique. Plus que jamais, le qualificatif de loi bavarde me semble approprié. En somme, ce projet de loi est d’inspiration plus velléitaire que volontaire. À n’en pas douter, les étudiants, leurs familles, les enseignants-chercheurs, les recruteurs apprécieront. Pour tout dire, à la première lecture de votre texte, je me suis dit : « Mais il n’y a strictement rien dans ce texte ! Tout ça pour ça ? La montagne Sainte-Geneviève a accouché d’une souris. » Mais, en relisant une deuxième fois votre texte, j’ai pu mesurer qu’il comportait en son sein quelques belles pilules empoisonnées, dangereuses à souhait. La plus toxique d’entre elles est sans doute l’organisation bicéphale que vous envisagez en créant un potentiel conflit de pouvoir entre le conseil d’administration et le conseil académique des universités et, pis encore, entre les présidents de ces deux instances. Très vite, nos universités seront ingouvernables, prises dans des conflits internes sans fin. Deux présidents et deux conseils décisionnaires, cela est étrange pour un établissement public. C’est même probablement un cas unique dans notre droit administratif. Mais cela ne s’arrête, hélas, pas là. Les communautés d’universités et d’établissements telles qu’elles sont proposées seront également sources de problèmes de gouvernance insolubles. Vous allez créer des EPSCP - des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel - de niveau supérieur à d’autres EPSCP. À titre d’illustration, un problème va devenir classique : lorsque les établissements délégueront, par exemple, le doctorat à la communauté, les universités n’auront plus de doctorants, et donc, plus d’électeurs ni de candidats éligibles dans ce collège. Il faudra inévitablement modifier le décret no 85-59 si l’on souhaite prévoir une double participation, tout en conservant l’appartenance à un conseil uniquement. L’élection aux différents conseils ne va pas être simple non plus, car les listes qui seront constituées ne seront pas représentatives des électeurs des différents établissements qui constituent la communauté. Une université majoritaire peut prendre le pouvoir dans le cas d’élection au suffrage direct, mais peut le perdre dans le cas d’une élection au suffrage indirect. Tout cela relève du bricolage : sans doute avez-vous été inspirée par la désormais célèbre « boîte à outils » de M. Hollande. Une chose est sûre, madame la ministre, avec ce texte, les tribunaux administratifs ne manqueront certes pas de travail !

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