Intervention de Jacques Myard

Séance en hémicycle du 22 mai 2013 à 21h30
Projet de loi relatif à l'enseignement supérieur et à la recherche — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJacques Myard :

Comment faire ? Par les échanges d’étudiants, notamment par le programme Erasmus Et, croyez-moi, cela peut très bien fonctionner, même si certains ont estimés que les crédits étaient excessifs. Faut-il pour autant organiser un cursus dans une langue spécifique sur notre territoire, dans nos universités, une telle pratique étant, paraît-il, censée attirer les étudiants étrangers ? On nous donne en exemple les pays scandinaves, telle la Suède, ainsi que les Pays-Bas. Depuis quand l’analogie avec ces États, valeureux, certes, constitue-t-elle une politique publique pour notre pays ? Les bras m’en tombent ! Vous n’allez quand même pas comparer la France, avec sa stratégie d’influence et la francophonie, à la Suède ou aux Pays-Bas ! Cela ne tient pas la route ! Je relève d’ailleurs qu’à certains égards, après avoir servi de modèles à certains bobos salonnards, ces États ont opéré un changement à 180° de leur politique, par exemple en matière de drogue. Par conséquent, je ne vois pas pourquoi nous devrions nous inspirer de ces prétendus exemples de l’étranger : regardons plutôt où sont nos intérêts. Je relève d’ailleurs que la République fédérale d’Allemagne, qui avait justement privilégié le globish dans son enseignement et démultiplié les cours en anglais, vient de se rendre compte, au cours de la Hochschulerektorenkonferenz qui a eu lieu il y a quelques mois, des dégâts de l’enseignement de la recherche en globish général, qui a abouti à une véritable catastrophe. Au point que les chercheurs et les professeurs allemands commençaient même à se demander si la langue allemande, cette très grande langue européenne qui a permis des apports inestimables à la science européenne et mondiale, était encore capable à l’avenir de forger des concepts ! Il y a là un problème que vous refusez de voir, madame la ministre : ce n’est pas en publiant uniquement dans une langue ânonnée dans un certain nombre de publications que l’on va participer à ce qui se passe aujourd’hui dans le monde : le maelström de la science dépasse largement ce globish réducteur ! Il est clair qu’aujourd’hui, si vous êtes en pointe dans votre recherche et publiez en français, vous serez de toute façon lu dans le monde entier, car il existe partout des services ayant vocation à éplucher et traduire les revues scientifiques. Voir le monde scientifique uniquement à travers ce globish réducteur est donc une grave erreur. Si l’on continue à publier uniquement dans ce globish que certains de nos chercheurs ont déjà décidé, paraît-il, de voir comme le deus ex machina, la langue valable, à terme, la bibliothèque scientifique de la francophonie ne va aller qu’en s’appauvrissant, ce qui serait une catastrophe ! On nous dit qu’il faut attirer les étudiants étrangers avec des cursus entièrement en anglais. Mais de qui se moque-t-on ? Croyez-vous que les étudiants que nous allons accueillir ne vont pas d’abord tenter d’aller aux États-Unis ou en Grande-Bretagne, avant de se rabattre éventuellement sur la France ? Je vous rappelle que notre pays est la troisième puissance au monde à accueillir des étrangers. Ce n’est pas en renonçant à ce que nous sommes que vous allez attirer les étudiants étrangers, bien au contraire ! Mais il y a plus grave. La fascination pour cette langue, que l’on nous présente comme la clé du monde d’aujourd’hui, me fait penser à celle qu’éprouvaient les stratèges de 1940 à l’égard de la ligne Maginot, censée nous protéger des chars de Guderian. Regardons les choses telles qu’elles sont : l’anglais est aujourd’hui une langue en déclin, madame la ministre ! Il suffit pour s’en convaincre de regarder les statistiques sur Internet : alors qu’il y a quelques années, celles-ci étaient exclusivement en anglais, elles sont désormais dans une multitude de langues.

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