Pour ceux qui étaient déjà présents lors des débats sur le projet de loi pour la refondation de l'école, mon argumentaire fera office de répétition pédagogique ; pour ceux qui étaient absents, il fournira des explications qui me semblent nécessaires.
L'exception pédagogique simplifie le travail des enseignants en leur permettant d'utiliser dans le cadre de leurs cours des supports audiovisuels, ludiques ou littéraires sans avoir à négocier des droits d'auteur à chaque usage. À titre de compensation, le ministère de l'éducation nationale verse chaque année aux éditeurs une somme importante, d'un montant d'environ 2 millions d'euros.
L'usage de ces supports est toutefois soumis à de lourdes contraintes et restreint par de fortes limites. Les amendements que nous présentons aujourd'hui visent à ouvrir le champ des possibilités.
Il y a deux mois, les amendements que j'ai présentés sur ce sujet dans le cadre du projet de loi pour la refondation de l'école ont été repoussés au motif que la mission Lescure n'avait pas encore rendu son rapport. Aujourd'hui, elle a publié ses conclusions et il se trouve que tous les amendements que je présente correspondent à la proposition n° 70 qu'elle a formulée : « redéfinir l'exception pédagogique pour y intégrer les usages numériques, sans préjuger de l'évolution des pratiques pédagogiques et des outils techniques, ni entraver les pratiques collaboratives. »
Les enseignants ont besoin de développer les pratiques pédagogiques portées par le numérique, que vous encouragez par votre projet de loi, madame la ministre, – c'est même un de ses axes forts. L'article 16 sera incohérent si vous ne procédez aux modifications du code de la propriété intellectuelle que je propose dans les amendements nos 208 à 214 .
Citons quelques exemples.
L'amendement n° 208 souligne l'incohérence actuelle du code de la propriété intellectuelle. Les oeuvres conçues à des fins pédagogiques, essentiellement les manuels scolaires et universitaires, sont précisément celles qui sont le plus utilisées par les étudiants et les chercheurs au cours de leurs activités. Il est incohérent de les exclure du champ de l'exception pédagogique.
Il en va de même pour les partitions de musique – amendement n° 209 – ou pour la diffusion des supports de cours via l'intranet – amendement n° 210 .
À cela s'ajoutent les activités ludiques – amendement n° 211 . Je pense à la catégorie des serious games, de plus en plus utilisés à l'université à destination des jeunes adultes, qui fonctionnent très bien. J'avais cité en commission un exemple que je reprends aujourd'hui : pour améliorer le diagnostic précoce de l'épilepsie, une thésarde a réalisé un jeu de mémoire utilisant des images issues de dessins animés familiers des enfants. En l'état actuel de la loi, son travail est illégal puisqu'il repose sur une activité ludique. Nous voyons bien à quelles limites du code de la propriété intellectuelle on se heurte dès que l'on veut progresser et améliorer l'usage du numérique que vous tentez de promouvoir, madame la ministre.
Je citerai encore l'utilisation d'extraits d'oeuvres ou d'images dans le cadre de colloques – amendement n° 212 –, aujourd'hui impossible.
Enfin, un dernier exemple qui va peut-être vous faire sourire. Lors de la discussion en séance publique du projet de loi pour la refondation de l'école, vous étiez une majorité à reconnaître avoir vu des films dans leur intégralité dans le cadre de vos études.