Sans qu'il me soit nécessaire d'aller plus avant dans la critique de ce projet de loi bien mal ficelé, vous avez compris, mes chers collègues, qu'il ne m'apparaît ni pertinent ni opportun de l'adopter en l'état. Il est le fruit d'une précipitation et d'un manque de concertation.
Madame la garde des sceaux, le risque majeur du corporatisme pointe et condamne d'ores et déjà définitivement cette réforme, à laquelle le Gouvernement serait bien avisé de renoncer.
Ainsi, après la suppression des jurés populaires dans les tribunaux correctionnels, la suppression d'une majorité de non-magistrats au sein du CSM va clairement à l'encontre du rapprochement entre les Français et leur justice voulu par la précédente majorité. Couper la justice du peuple français est une faute. Quel pouvoir peut se revendiquer d'une légitimité quand il n'est pas élu et quand il lui arrive, par pure idéologie, de refuser ostensiblement d'appliquer des lois pourtant votées par la représentation nationale ?
Ce Gouvernement se recroqueville sur lui-même en refusant de rendre des comptes, comme l'a récemment démontré la déplorable affaire dite du « mur des cons », d'autant que vous avez expressément renoncé, madame la garde des sceaux, à saisir l'Inspection des services judiciaires. Imaginez les dégâts que cette image de juges irresponsables provoque dans l'opinion publique !
Enfin, ce pouvoir est isolé dans sa tour d'ivoire, et quelquefois dans sa tour de Babel, car il confond tout. Il confond le statut et le rôle du procureur et du juge : madame la garde des sceaux, vous alignez ces deux fonctions sur un même modèle de nomination, de discipline et d'avancement ; vous vous privez de la possibilité de leur donner des instructions. Vous dites que vous allez mener une action publique, dont vous êtes responsable devant le pays, mais vous vous privez de tous les moyens de le faire.