Madame la présidente, madame la garde des sceaux, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, dans son programme présidentiel de 2007, Nicolas Sarkozy affirmait : « Je veillerai rigoureusement à l'indépendance de la justice. » Durant le quinquennat qui a suivi, dans un climat de guerre ouverte déclarée par le Gouvernement à l'égard des magistrats, la justice a été l'une des institutions les plus maltraitées, et la question de l'indépendance de la justice a fait l'objet d'un débat permanent qui s'est soldé par des décisions et des actes contraires.
En dépit de quelques avancées – l'abandon de la présidence du Conseil supérieur de la magistrature par le Président de la République et la saisine rendue possible par tout justiciable –, la réforme constitutionnelle de 2008, qui aurait pu être l'occasion de régler la question particulièrement problématique des liens entre le pouvoir exécutif et les parquets, a malheureusement été une réforme insuffisante ou inachevée. Ainsi, les magistrats sont devenus minoritaires au sein du CSM, en contradiction avec la charte européenne sur le statut des juges.
Par ailleurs, la désignation des membres, sur proposition du Président de la République, demeure une garantie insuffisante pour l'indépendance de l'institution.
Assurer l'indépendance de la justice, c'est s'assurer que notre pays ne sera plus perpétuellement fustigé par la Cour européenne des droits de l'homme, laquelle considère que les procureurs sont, je cite son arrêt du 23 juillet 2008, « dans une situation de dépendance à l'égard de l'exécutif incompatible avec cette exigence première qu'est la garantie d'indépendance des magistrats ».
Assurer l'indépendance de la justice, c'est aussi redonner aux Français confiance et foi en cette institution, parce que, si la justice n'est pas perçue comme juste, elle s'en trouve dénaturée. Il convient de faire en sorte que les magistrats se déterminent en fonction de l'intérêt général et de la loi, et que tous les citoyens de notre pays, sans exception, en soient convaincus.
Assurer l'indépendance de la justice, c'est respecter les engagements pris devant les Français par le Président de la République, qui a affirmé, je le cite : « Respecter les autres pouvoirs, c'est respecter l'autorité judiciaire, qui n'aura aucun lien de subordination avec le politique. »
François Hollande, alors candidat à la présidence de la République, avait déclaré, le 6 février 2012 : « L'indépendance, ce n'est pas une concession ou un privilège qu'il faudrait accorder aux magistrats, c'est une exigence qu'il faut garantir aux justiciables pour qu'ils aient la certitude que les juges ne se déterminent qu'en fonction de la loi. »
Aussi l'indépendance de la justice que nous portons n'est-elle pas seulement une profession de foi, mais reflète-t-elle également notre conception d'un État moderne et civilisé, tout à la fois respectueux de ses traditions et fondamentalement tourné vers l'avenir.
Le projet de loi constitutionnelle dont nous débattons aujourd'hui vise en particulier à changer des pratiques surannées.
En réformant la composition et le fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature, nous renforçons son rôle par une indépendance pleine et entière vis-à-vis de l'exécutif. C'était tout le sens de l'engagement n° 53 du candidat François Hollande. Un an après, nous passons des paroles aux actes.
Pour assurer cette indépendance et cette impartialité, le CSM voit la nomination de ses membres changer. Je pense notamment aux personnalités dites qualifiées, qui ne seront plus désignées par le pouvoir politique, mais par un collège indépendant, composé du vice-président du Conseil d'État, du président du Conseil économique, social et environnemental, du Défenseur des droits, du premier président de la Cour de cassation, du procureur général près la Cour de cassation, du premier président de la Cour des comptes et d'un professeur des universités. Afin de lever le soupçon sur l'intervention du pouvoir exécutif dans les nominations, ce choix devra être validé par les trois cinquièmes des suffrages des commissions des lois du Sénat et de l'Assemblée nationale.
Ce projet de loi constitutionnelle offre à cette institution de nouvelles compétences : le CSM pourra en effet se saisir d'office de toute question portant sur la déontologie des magistrats et l'indépendance de la justice ; la nomination de l'ensemble des magistrats du parquet, y compris les procureurs généraux, sera subordonnée à l'avis conforme du CSM ; le pouvoir disciplinaire à l'égard des magistrats du parquet, qui appartenait jusqu'ici au ministre de la justice, reviendra désormais au CSM.
Je veux saluer les avancées qui ont été faites en commission : je pense par exemple à la parité entre magistrats et non magistrats ou encore, conformément à nos objectifs de parité entre hommes et femmes, à l'amendement qui assure la présence d'autant d'hommes que de femmes parmi les six personnalités qualifiées.
Enfin, je citerai à mon tour Guy Carcassonne, à qui je souhaite rendre hommage. Prié d'exprimer son opinion sur la promesse de François Hollande « de consolider l'indépendance du Conseil supérieur de la magistrature et de consacrer son rôle dans la nomination de la hiérarchie du siège et du parquet », il a affirmé, et sa réponse constituera ma conclusion : « C'est une bonne chose et cela devrait être un sujet de consensus. Du moins faut-il le souhaiter. »